En ce moment, partout on entend : « notre démocratie est menacée par le lepénisme ou le macronisme » !
Sortons un peu de la propagande officielle, il n’y a pas et il n’y a jamais eu de démocratie en France, ça se saurait, donc la démocratie ne peut pas être menacée par quiconque.
Ok cette fausse démocratie reste préférable à une vraie dictature, et oui on n’a pas envie que ça empire encore via le lepénisme, le macronisme ou d’autres saloperies du même tabac, certes, mais essayons d’utiliser les bons qualificatifs pour y voir plus clair et ne pas s’embrouiller l’esprit. La situation est déjà assez compliquée et pourrie comme ça, n’en rajoutons pas.
C’EST JUSTEMENT PARCE QUE IL N’Y A PAS DE DÉMOCRATIE qu’on subit ce système électoral de merde, cette délégation totale de nos vies à des représentants élus (et aussi à des techno-scientifiques, des experts et des capitalistes), ces joutes sans fins entre partis, ces égo-trips, cette propagande capitaliste et néo-fasciste H24 des médias dominants, ce 2e tour absurde et suicidaire Macron / Le Pen, cette faiblesse de l’engagement des personnes dans la vie politique, cette domination du techno-capitalisme...
Parenthèse : vu qu’il n’y pas de démocratie, les tyrans autocrates autoritaires tels que Macron ou Le Pen sont d’autant plus dangereux...
- La démocratie n’est pas du tout menacée par le lepénisme ou le macronisme, parce qu’elle n’existe pas
- La démocratie ne peut pas mourir, puisque qu’elle n’existe pas en France
De plus, contrairement aux dires fantaisistes de l’idéologie dominante matraquée partout, n’oublions pas qu’UNE DÉMOCRATIE RÉELLE EST STRUCTURELLEMENT IMPOSSIBLE TANT QU’ON VIT SOUS LE RÈGNE DE L’ETAT ET DU CAPITALISME, et on pourrait ajouter sous le règne des sociétés de masse et du techno-industrialisme.
Ces macro systèmes qui se sont renforcés et auto-légitimés avec le temps sont et seront toujours incompatibles avec la démocratie quels que soient les couleurs ou les atours qu’ils prennent, quels que soient les gouvernements.
De plus ces structures font et feront toujours tout pour empêcher l’apparition d’une démocratie réelle. On a pu constater récemment jusqu’à quel niveau de brutalités étaient prêts à aller le macronisme et les bourgeois (et bien sûr leurs polices toujours prêtes à protéger l’Ordre des dominants) pour mater dans le sang l’aspiration démocratique des gilets jaunes.
Si je balance ça, ce n’est pas pour faire de la provocation, ce n’est pas seulement par conviction personnelle ou par l’effet de visions instinctives issues des tripes, c’est l’énoncé rationnel de faits vérifiables décris, analysés, décortiqués et vécus depuis longtemps par de nombreuses personnes. Il ne s’agit pas de prendre une posture de radicalité plus plus, mais bien de perspectives politilques fondamentales, de positionnements de fond.
Evidemment, ni l’éducation nationale, ni les partis politiques (pas même ceux de gauche hélas), ni les médias dominants, et encore moins les tenants du capitalisme, ne vont beaucoup insister là-dessus, si ce n’est pour vite ramener les interrogations dans le giron de l’Etat (qui est prétendu démocratisable) et du capitalisme (qui est montré comme possiblement « vert » et « social »).
Pourquoi la démocratie est impossible dans le système existant ? - en 5 points
0. Premier point : parce que le problème remonte à loin. Depuis l’Antiquité et sans doute avant, la civilisation occidentale place le fantasme de la délivrance au coeur de sa "philosophie" de vie.
L’idée, consciente ou inconsciente, est de se "libérer" de la nature, de la condition humaine et terrestre en se délivrant principalement de deux choses :
- se délivrer des contingences matérielles (produire sa nourriture, cuisiner, entretenir son logis...), de la nécessité animale de subvenir à ses besoins, de la pénibilité, de la souffrance et de la mort inhérentes à l’inévitable condition animale. Ce qui s’est tenté d’abord par l’utilisation d’esclaves, puis par des serfs et autres dominés. Avec la civilisation industrielle née avec les machines à vapeur et le capitalisme, les prolétaires exploités ont été entraînés dans ce "rêve", ...au profit des riches et possédants. Ensuite, c’est la promesse des machines, de la cybernétique et de l’énergie abondante qui devait remplacer la pénibilité du salariat, pour fournir à tous via l’industrie automatisée et la consommation de masse des choix abondants en guise de liberté.
- se délivrer de la vie politique inhérente à la vie sociale humaine. Il s’agit de se délivrer des difficultés pénibles du débat politique permanent et des conflits interpersonnels pour s’en remettre à des spécialistes de la politique, du militantisme, des politiciens, des experts, des technocrates, des techno-scientifiques, des économistes, des capitalistes et des lobbyistes. Ainsi, la vie politique devient une chose privée et confisquée au lieu d’être une chose publique et partagée librement en permanence.
Avec une forte accélération depuis la période industrielle, on est donc passé de l’interdépendance et de l’autonomie locale à la dépendance au système techno-industriel de masse, de la liberté simple et de la prise réelle sur nos vies à la pseudo liberté de choix entre des marchandises industrielles ou politiciennes, aux loisirs permanents en guise de vie sociale, à l’anonymat dans l’impuissance, de la démocratie directe permanente à la non-démocratie périodique des urnes et des élus tout puissants (eux-mêmes encastrés dans les contraintes sous-jacentes de l’Etat, du Capital et de l’industrialisme).
La suite programmée c’est le fantasme (car c’est impossible) de se délivrer de la liberté même, grâce au monde cybernétique et d’intelligences artificielles qui "guiderait" nos "choix", et aussi de se délivrer de la condition terrestre, d’une part en "recréant" via les machines, la génétique et les nanotechnologies (les NBIC) le monde naturel (plus performant, plus productif, sur mesure), d’autre part en noyant l’humain dans le numérique virtuel, les métavers, les appareillages "augmentés", voir la fusion homme-machine-numérique (voir transhumanisme) afin de se délivrer de la mort et de l’enveloppe corporelle.
Je précise que ce fantasme de délivrance est intégré et désiré par la plupart des personnes, quasi toutes, et pas seulement les riches, les bourgeois, les savants fous ou les technophiles invétérés. Les pauvres et les paysans ont résisté davantage, mais la mécanisation, l’agro-industrie, la salariat, le culte du loisir, du paraître et de la consommation, la société de masse, la moquerie et la destruction de la culture populaire par les classes dominantes, la dépendance à la techno-industrie et à l’Etat, la culture de la civilisation industrielle ont quasi détruit ça. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles une partie des classes populaires se tournent vers l’extrême droite, dans l’espoir (triste et vain car l’extrême droite n’est qu’une autre variante, bien pourrie, du système en place, elle aussi à fond dans les 4 points suivants) de défendre et renouer avec une partie de leur passé évaporé.
Voir le livre de Aurélien Berlan, Terre et Liberté, qui explique tout ça bien mieux que moi, avec plus de rigueur, de références et de démonstrations, et ces deux articles sur Ricochets qui en parlent :
- Assumer nos corps et les réalités de la vie quotidienne au lieu de croire s’en délivrer par le techno-cocon et les machines - Livre Terre et Liberté d’Aurélien Berlan - Pour analyser les problèmes contemporains depuis de bons angles
- Une fausse délivrance de la condition terrestre par le techno-capitalisme et l’Etat, ou une vraie autonomie matérielle et politique ? - L’enchaînement à la Mégamachine et la destruction du vivant dans une quête impossible, ou la fin des dominations via l’autonomie assumée ?
- et aussi : “La collapsologie ou l’écologie mutilée” de Renaud Garcia - Depuis plusieurs années, les collapsologues et autres effondristes sont sur le devant de la scène. Ces experts de l’effondrement sont présents dans les médias, les cercles de pouvoir et les avant-postes du libéralisme…
Pour toute personne qui s’inquiète des mécanismes de l’exploitation et de la marchandisation du vivant, de la spectacularisation de la réalité qui en découle, cette médiatisation sème le doute : « Dans une société, quand on parle surabondamment d’une certaine donnée humaine, c’est que celle-ci n’existe pas. »Proche des idées d’Ellul, d’Illich, de Charbonneau, de Weil, Renaud Garcia, dans son essai La collapsologie ou l’écologie mutilée, paru aux éditions de l’Échappée, se propose d’en analyser les discours pour en révéler toutes les dangereuses incohérences et inversions.
1. Parce que le capitalisme c’est la guerre de tous contre tous, la valorisation de l’égoïsme, de la privatisation, du chacun pour soi, le culte de l’argent et la marchandise, du désengagement politique, de la destruction des communs, les injustices sociales, la marchandisation de tout, la destruction de la nature, les inégalités sociales dantesques, la précarité, l’insécurité, le chaos et la crise permanentes. C’est l’opposé de la démocratie.
2. Parce que l’’Etat, c’est la société de masse contenue dans des frontières, c’est la police, l’éducation et la bureaucratie pour mater les gens, les uniformiser et les faire tenir par la force dans une macro-structure non-conforme aux données bio-géographiques et aux aspirations ancestrales à l’autonomie locale. L’Etat, pour pouvoir réaliser tout ça, c’est aussi la nécessité de la puissance, donc du productivisme, et donc, à notre époque, la nécessité du règne de l’argent, de l’autoritarisme, de la hiérarchie et du capitalisme. C’est aussi la nécessité d’une direction autoritaire centralisée afin de pouvoir réaliser des grands travaux complexes à grande échelle. Tout ça est à l’opposé de la démocratie.
3. Parce qu’une société de masse est composée d’un trop grand nombre de personnes, trop distantes et anonymes, trop incrustées et disloquées dans des systèmes socio-techniques impersonnels qui broient et alliènent l’individu comme le collectif. Parce qu’une démocratie n’est possible qu’à petite échelle, entre personnes qui se connaissent un minimum et peuvent délibérer régulièrement en face à face, ce qui est strictement impossible par définition dans une société de masse ; les outils de communication techno-numériques n’y changent rien ou même aggravent le problème. Parce qu’une société de masse nécessite l’Etat et le capitalisme (voir plus haut) ou tout autre forme de productivisme. Parce qu’une société de masse nécessite le techno-industrialisme (voir plus bas).
4. Parce que le techno-industrialisme c’est le remplacement de l’autonomie des individus et des collectifs par des machines et dispositifs complexes qui échappent à toute compréhension et toute prise, et donc qui rendent impossibles l’exercice d’une quelconque démocratie. Parce que le techno-industrialisme nécessite des experts et spécialistes, de gros moyens, des infrastructures complexes, une chaîne mondialisée et hiérachisée pour apporter des nombreuses matières premières issues des 4 coins du monde en pillant/détruisant la nature et en exploitant d’autres humains (voir l’exemple du pétrole, du nucléaire, des chaînes logistiques, des minerais rares, etc.). Parce que le techno-industrialisme et le fantasme de délivrance qu’il porte mène à la destruction du vivant, à l’oubli de la réalité et donc la destruction de la condition humaine dans le numérique virtuel, le monde sans contact, le transhumanisme, les robots, les "intelligences artificielles", la transformation du vivant en usine (re)fabriquée sur mesures, etc.
Donc parce que le techno-industrialisme nécessite l’Etat et le capitalisme (voir plus haut) pour exister et continuer.
De surcroît, ces 4 pôles de la civilisation industrielle tendent à fabriquer à la chaîne des individus atomisés, incultes, perdus, seuls, incapables d’analyse critique et de recul, effrayés, totalement dépendants (de l’Etat, du capitalisme et des machines), alliénés, épuisés, malades, peureux, individualistes, égocentriques, narcissiques, diminués, incapables de relations humaines et d’engagements soutenus, rincés, soumis, résignés, désespérés...
De tels individus deviennent incompatibles avec la pratique exigeante de la démocratie réelle, ils ne peuvent que se soumettre aux promesses de sécurité, d’emplois, de bonheur, de confort, de quiétude, de délivrance donc (voir point 0.), d’irresponsabilité, de consumérisme, de protection paternaliste et mafieuse, de non-changement dans la continuité... fournies non-stop par la civilisation techno-industrielle, ses avatars et ses nombreux agents volontaires ou involontaires, cyniques ou généreux, sincères ou manipulateurs, pauvres ou riches, de gauche ou de droite, intéressés ou désintéressés, pseudo-écologistes ou vrais capitalistes, syndicalistes ou politiciens, patrons ou employés.
- La démocratie n’est pas du tout menacée par le lepénisme ou le macronisme, parce qu’elle n’existe pas
- A l’intérieur des 4 pôles de la civilisation industrielle, il n’y a pas d’issues heureuses
De quoi avoir le plus peur ?
Les dirigeants politiques et capitalistes, les technocrates et techno-scientifiques ne sont pas forcément tous des pourris intégraux avides de fric et de pouvoir, en revanche ils sont tous contraints, que ça leur plaise ou pas, qu’ils en tirent profits ou pas, de suivre ce modèle socio-politico-économique qu’ils acceptent malgré tout. D’une manière ou d’une autre ils suivent les lois de l’Etat, du capitalisme, de la société de masse et du techno-industrialisme, et donc ils suivent les lois de systèmes qui sont frontalement opposés à l’existence de démocraties réelles.
Espérer faire autre chose de mieux en gardant ces structures interconnectés et complémentaires c’est une illusion totale et c’est fatalement voué à l’échec.
En conséquence, que les tentatives, même très bien intentionnées et pas inintéressantes, pour améliorer vraiment la situation en restant à l’intérieur de ce système cohérent viennent de la gauche, de la droite, du centre ou de l’extrême droite, elles sont toutes vouées au final au désastre et à l’échec, et l’ensemble du vivant, nous compris (en premier les plus précaires), en paient-paieront le prix, qui va être de plus en plus élevé si on persiste dans cette impasse.
Il n’est pas non plus possible de faire jouer une de ces « institutions » contre les autres, car elles sont interdépendantes. Voir l’Etat comme un rempart au productivisme est illusoire, de même que voir le capitalisme comme un rempart à l’Etat, ou de voir le techno-industrialisme comme un vecteur d’émancipation populaire et de démocratie.
Par définition, une institution rigide (les 4 citées ci-dessus qui marchent ensemble) ne peut pas se changer de l’intérieur. Ici, les changements à mener pour la démocratie réelle (et aussi pour l’autonomie locale, l’écologie, la justice et l’égalité sociale...) sont énormes et ne peuvent pas être « absorbés » par une transformation (progressive ou rapide) de ces « institutions » via une forme ou une autre de réformisme. Elles forment un tout cohérent qui ne peut pas devenir « autre ». Ainsi, même si ça nous rebute de prime abord, on est obligé de briser ces « institutions » de « l’extérieur » et de construire autre chose sur d’autres bases. Donc c’est forcément très perturbant, « violent », destructeur, difficile, angoissant. Mais aussi jubilatoire, libérateur, exaltant, créatif, joyeux..., d’autant que le volet construction peut grandir (si on prend ça en main, ça va pas se faire tout seul bien sûr) à mesure que ces « institutions » sont affaiblies ou détruites. Un volet d’alternatives radicales peut alors dépasser les petites niches confortables temporaires (car elles seront détruites par les catastrophes climato-écologiques) que se créent les plus avisés ou les plus nantis, ou les espaces réduits et toujours menacés de survie et d’autonomie des rebelles et des pauvres, et concerner cette fois, enfin, l’ensemble de la population pour devenir des réalités et expérimentations durables, désirées, protégées, choyées, encouragées. Au lieu d’êtres seulement des marges précaires et parallèles, ces alternatives deviendraient les coeurs permanents de sociétés vivables en rupture radicale avec le monde actuel.
Evidemment, faire autre chose de bien mieux, rompre, détruire ces 4 « institutions », ruer dans les brancards, aller vers une part d’inconnu, ça fait forcément peur, car on aime le connu et le tangible immédiat à portée de main.
Seulement il va bien falloir changer ça dans nos têtes et nos actes malgré les habitudes et certains penchants naturels, et intégrer pour de bon qu’on doit avoir bien davantage peur de s’accrocher quoi qu’il en coûte à l’existant que de prendre le risque de tout boulerverser.
Le système en place, ces 4 institutions, ces 4 pôles de la civilisation industrielle, ne se laissera pas faire, mais n’oublions pas les horreurs présentes, passés et futures qu’il génère, et il n’est pas si difficle d’imaginer et de vivre quelque chose de fondamentalement mieux.
Il ne s’agit pas de revenir au passé, à la vie dans des grottes, aux mafias ou aux seigneurs, mais de s’appuyer sur les expériences du passé, sur les réalités de la condition humaine et terrestre, pour inventer des mondes, des techniques, des façon de subvenir à nos besoins et de définir nos besoins, des démocraties, des sociétés où il fait bon vivre pour tout le monde au lieu d’un certain confort (ennuyeux et solitaire) pour quelques minorités nanties qui se fantasment au dessus des autres et de la condition terrestre, au prix d’un désastre intégral pour tous.