📝 RÉPONSE D’UN GRÉVISTE 📝
Suite à notre texte « la révolte domestiquée ? » nous avons reçu une réponse que voici :
Réponse au texte de Cerveaux Non Disponibles sur la « domestication » de la révolte.
Ce texte fait le constat de l’absence d’affrontements avec la flicaille lors de la manif de mardi dernier, et le déplore. Il s’agirait d’une défaite de la révolte contre les FDO, d’une perte de combativité, d’une victoire du pouvoir qui, de fait, n’aurait pas tremblé. Tout cela serait uniquement le fait de la stratégie policière, pas un mot sur le poids de l’encadrement syndical, et notamment de ses services d’ordre en surnombre (CGT et FO en tête). Penser que le pouvoir ne craint que la violence du cortège de tête, c’est mal connaître l’ennemi, et mal analyser la situation. Le dire, c’est relayer les mensonges du pouvoir.
1 : Connaître l’ennemi.
Qu’on l’appelle « le pouvoir », « les riches », « l’élite » ou « l’oligarchie », il ne s’agit au final que de la bourgeoisie et son État. Son point fort, c’est la violence, sa police, la répression. Son point faible, c’est le porte-monnaie, son économie, notre exploitation.
Ils ont des armures et des armes, pas nous. Ils ont des moyens de coordination ultra-sophistiqués, pas nous. Ils ont des tribunaux et des prisons, pas nous. Ils adorent la violence, pas nous. Ils s’entraînent quotidiennement à ça, pas nous. Ils y aura donc toujours plus de morts, de blessés, de mutilés et de prisonniers dans nos rangs que dans les leurs. Chacune de ces émeutes, aussi belle et réjouissante soit-elle, ne fait que produire le spectacle de notre infériorité physique, et justifie de nouveaux moyens répressifs. A ce stade je précise que le principe de « non-violence » est une absurdité inventée par la bourgeoisie pour nous rendre inoffensifs, encore trop répandue dans l’esprit de certains. Mais si la violence des keufs est loin d’être spontanée, la notre doit, elle aussi, être stratégique.
2 : Parlons stratégie.
Une manif peut présenter une utilité à chaque force en présence. Pour le pouvoir, c’est l’occasion de laisser s’exprimer une colère le temps d’une manif, avant le retour à la normale. C’est un exutoire, une soupape de sécurité, on gueule un coup et on rentre à la maison, ça va mieux. Pour les syndicats, c’est l’occasion de réunir les prolos en colère derrière leurs cortèges, de démontrer qu’ils « tiennent leurs troupes », et d’assurer ainsi leur position de « partenaires sociaux ». Mais pour nous, ça sert à quoi une manif ? Avant tout, ça sert à être ensemble, tous ensemble, au même endroit, au même moment. C’est l’occasion de se rencontrer, de se parler, malgré les sonos assourdissantes des cortèges syndicaux qui tentent de nous en empêcher. Après la manif on se retrouve en AG, on décide la reconduction de la grève, on crée des comités, on organise des blocages, on met en place des caisses de grève pour tenir sur la durée. Et là, et seulement là, le pouvoir commence à trembler ! Tout cela n’aurait pas été possible si la moitié d’entre nous avaient été en GAV ou à l’infirmerie, si les violences avaient fait fuir les plus vulnérables d’entre nous.
- Pour gagner la bataille des retraites, bloquer l’économie, éviter l’affrontement
3 : De la révolte à la révolution.
Depuis le 5 Décembre, le rapport de force est entré dans une nouvelle phase : sa phase économique. Il ne s’agit plus de « citoyens » qui se révoltent le samedi et retournent travailler le lundi. Il s’agit désormais d’une classe sociale qui prend conscience d’elle-même et construit un rapport de force, la grève générale, dans le but de frapper là où ça fait mal. La bourgeoisie n’existe que parce que nous travaillons pour elle quotidiennement. L’objectif est donc de l’assécher, de l’affaiblir jusqu’à ce qu’elle pose genou à terre. C’est sur ce terrain que nous sommes les plus forts, que nous pouvons gagner. Dans cette optique, les traditionnels (et certes jubilatoires) caillassages de condés deviennent secondaires, et même contre-productif. Nous sommes en grève, les prochaines fin de mois vont être difficiles. Le peu qui nous reste servira à alimenter les caisses de grève. Pas le temps d’aller en GAV, pas les moyens de payer des amendes, des frais d’avocat, des dommages et intérêts aux keufs pleurnichards. Gardons ce temps et cet argent pour construire la grève générale illimitée !
Conclusion : L’apparente « domestication » de la dernière manif ne fait que traduire la volonté de passer à l’étape supérieure de la lutte, celle où nous pouvons gagner. Nous étions nombreux, nous étions déterminés, c’est tout ce qui compte, les démonstrations de force policière ne nous intéressent même plus, car notre ennemi n’est pas le chien mais celui qui tient la laisse. Il faut se méfier des apparences.
Un gréviste
(texte publié par Cerveaux non disponibles)
- Etendre la grève et ses objectifs au lieu de s’enliser dans les manifs ?
- La révolte domestiquée ? - Réponse d’un gréviste - Points stratégiques
Commentaire perso
Assez bien vu cette analyse.
Tirons les leçons d’un an de manifs diverses, et tirons les leçons de la barbarie policière aux ordres ainsi que de l’intransigance extrémiste du régime et de son monde de mort.
A présent, plutôt que perdre trop de temps aux manifs (il en faut, mais ne pas faire que ça), allons plutôt soutenir et étendre les blocages et les piquets de grève, récolter des sous et des denrées pour les grévistes.
Des syndiqués et autres ont aussi pratiqué divers sabotages, ce qui semble aussi une voie complémentaire prometteuse.
Malgré tout persiste une grosse interrogation. Faire grève de manière longue et dure pour faire retirer la contre-réforme retraite, ok, mais après ?
La question des retraites va-t-elle jouer le rôle d’élément déclencheur d’une révolte générale comme a pu l’être la taxe carburant pour les gilets jaunes ?
L’objectif c’est juste de faire sauter une deux mesures antisociales plus pourries que les autres, ou c’est de destituer pour de bon le régime et ses institutions antidémocratiques afin de tout reconstruire autrement ?
L’objectif c’est arracher un non recul et quelques droits au capitalisme ou c’est de le faire chuter (les motivations et raisons ne manquent pas, que ce soit pour les motifs sociaux, politiques ou écologiques), de le destituer, ou au moins de le mettre en laisse très courte avec muselière solide ?
voir : Grèves et luttes sociales : gilet jaunisation et insurrection générale ou simples luttes réformistes contrôlables ? - Le capitalisme et le régime ne lâcheront pas, il faudra forcément les faire chuter, les destituer
D’ailleurs, on se demande si pour obtenir de vrais non reculs et de vrais droits supplémentaires on ne doit pas obligatoirement en passer par la destitution du régime et la mise en laisse du capitalisme tant ces deux mâchoires du monstre sont cul et chemise, extrémistes, terroristes, et ne veulent rien lâcher afin de nous bouffer jusqu’aux os y compris.
voir : Le capitalisme détruit la démocratie et la société : la tropicalisation du monde est En Marche - Régime autoritaire et matraque à la place de démocratie et redistribution ?
Tant que les syndiqués, les grévistes et autres n’indiqueront pas clairement qu’ils désirent ces deux objectifs on risque de tourner en rond, d’échouer, et de s’enliser dans un traditionnel mouvement social réformiste, marécage favori des syndicats et partis « partenaires de l’Etat et du Capital », qui ne mènera au mieux qu’à reconduire la normalité qui est le problème et dont on ne veut plus.
Voir aussi : Au-delà de la convergence, une nouvelle forme de politisation ? - Il est vain de chercher à savoir qui tire la charrue. Pour certains, le mouvement de grève qui vient de démarrer a été préfiguré par l’existence d’un mouvement comme celui des Gilets jaunes ; pour d’autres, le mouvement actuel recadre enfin les choses (effet de masse, revendications claires, représentants légitimes, actions contrôlées), même s’il reconnaît sa dette envers les Gilets jaunes dont le caractère spontané de leur révolte aurait réveillé plus d’un syndiqué de base.
- Affiche : On fait la grève générale de leur monde de mort on arrête tout, on bloque tout, c’est simple !
- Il n’y aura pas de retour à la normale ; car la normalité était le problème