La fin du pétrole conventionnel pas cher et facilement accessible approche à grand pas selon plusieurs analyses.
Les pétroles de schistes ont permi de retarder l’échéance, mais inéluctablement les réserves de pétrole déclinent malgré les nouveaux gisements découverts.
Des experts, se basant sur les chiffres des compagnies pétrolières et de données géologiques, annoncent un « pic pétrolier » autour de 2030.
Comme la civilisation industrielle est toujours largement basée sur le pétrole, qui alimente encore la plupart des machines, les pays industrialisés sont dépendants du pétrole. Ce pic va donc créer une crise énorme et durable, non- réversible contrairement à 1973, car les flots de pétrole ne reviendront pas.
Le subir et le déplorer, ou s’y préparer, s’en réjouir en se saisissant des opportunités de révoltes ?
- Une énorme récession économique mondiale irréversible avant 2030 ?
- Inflation durable et irréversible, pénuries croissantes d’un nombre croissant de produits
Pic pétrolier : rationnement ?
Lors du choc pétrolier de 1973, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse et la Norvège encadrèrent l’usage de l’avion, de la voiture et du bateau. La Suède rationna l’essence et le fioul de chauffage. Les Pays-Bas imposèrent des peines de prison à ceux consommant davantage que leur ration d’électricité.
Dès le début de la guerre de 1939 en Angleterre, le pétrole fut la première marchandise à être rationnée. L’automobiliste anglais moyen faisait environ 1000km par mois avant guerre. Le rationnement l’a ramené à 250km en 1939, jusqu’à quasiment zéro en 1942, pendant le pic de la bataille de l’Atlantique. Ce fut l’envol de la bicyclette, qui était de surcroit plus sure que la voiture dans les rues pendant les raids aériens (moins de chance de rester coincé). L’essence « pour tout le monde » était teintée, et l’essence pour les « services essentiels » (tiens tiens…) non-teintée. Selon les besoins estimés, chacun avait droit à un certain nombre de coupons, qu’il pouvait dépenser pour de l’essence à prix bloqué. Les services essentiels (ex. médecins), eux, avaient une allocation.
Cet article suppose que le « pic tous pétroles » serait déjà passé en 2018, ou en passe de l’être. Que la suite sera trop brutale pour être absorbée « dans la joie et la bonne humeur ». Que le rationnement s’imposera, et que contrairement à 1973 (choc pétrolier temporaire pour raison géopolitique et conjoncturelle), il sera définitif, pour raison physique et structurelle. Ce ne sera pas pour faire plaisir aux écolos, mais pour éviter l’explosion sociale, et sécuriser la part d’énergie qui revient à chacun.
Le scénario décrit est une exploration parmi d’autres. L’article aurait tout autant pu développer un scénario de descente pétrolière à un rythme permettant l’adaptation sans avoir à se contraindre.
La première partie de cet article aborde la question de la production de pétrole, et renvoie à des liens pour ceux qui voudraient aller plus loin. La seconde partie aborde la question de la thèse du pic de demande. La troisième partie ouvre la perspective éventuelle d’un « Grand Rationnement ».
VOIR l’article complet : Pic pétrolier : rationnement ? « La marée baisse, on va voir qui a un slip ».
Voir aussi : Énergies fossiles : Le système pétrolier s’effondre rapidement - Cela pourrait compromettre les énergies renouvelables, avertissent des scientifiques du gouvernement français
- Une énorme récession économique mondiale irréversible avant 2030 ?
- Comme en 1973, les voitures ne rouleront plus guère...
Juin 2022, les gouvernements et les capitalistes évitent de parler trop de ces sujets mis au goût du jour par la baisse des livraisons de gaz russe à l’Europe, ils ne veulent pas faire peur et risquer de plomber l’orgie consumériste estivale, et ils veulent se laisser le temps de se préparer aux problèmes de l’automne et de l’hiver prochain.
L’actuelle inflation des prix permet aux industries fossiles d’engranger des milliards supplémentaires, mais ça ne résoudra pas le problème de fond.
Comme on le voit en ce moment en Europe et ailleurs, avec la fin du pétrole disponible facilement, les pays industrialisés recoureront massivement au charbon (énergie fossile la plus polluante) pour essayer d’éviter de sombrer complètement. Tandis que les pays pauvres sans charbon mais pourvus de massifs forestiers remplaceront le pétrole par du bois issu des coupes de forêts.
Ainsi, loin d’être une bonne nouvelle pour la biosphère et ses habitants, la fin du pétrole pas cher et disponible partout pourrait accentuer encore les pollutions, les gaz à effet de serre et les ravages des mondes vivants (sans parler des crises économiques accentuant inégalités sociales et pauvreté).
D’autant plus que les pays riches en pétrole et/ou en argent pourraient bien multiplier à fond les mines pour alimenter leurs industries éoliennes, photovoltaïques et numériques.
- Une énorme récession économique mondiale irréversible avant 2030 ?
- CC owenmoss / Flickr - Des pompes à esssence vides
Crever de l’abondance du pétrole ou de sa rareté ? - Ou se révolter
A l’automne 2021 on évoquait déjà ces questions :
- Crever de l’abondance du pétrole ou de sa rareté ? - Avec ou sans pétrole, la civilisation industrielle continuera à tout ravager
- Bonne nouvelle : la croissance et la reprise de la production industrielle étouffées par des pénuries de pièces et la flambée du prix des énergies - Des ralentissements temporaires, ...en attendant la méga crise économique structurelle irréversible, avant 2030 ?
Les pénuries et l’inflation ont déjà bien commencé depuis 2021, causées par divers phénomènes, avec parfois des coupures ou restrictions d’électricité dans certains pays. La guerre de l’Etat Russe contre l’Ukraine en a rajouté des couches.
Effrayés par les perspectives de récession économique, d’inflation record et de possibles révoltes, les puissants invitent d’ors et déjà aux économies d’énergies pour préserver leurs intérêts.
Par ailleurs, l’Etat français continue d’armer et d’absoudre ses milices policières afin de renforcer la société de surveillance et d’espérer mater dans le sang n’importe quel soulèvement consécutif aux inégalités sociales renforcées ainsi qu’aux pénuries et précarités dues aux crises pétrolières. Le souvenir des gilets jaunes est vif.
Les mesurettes promises par l’actuel gouvernement macro-lepéniste concernant le « pouvoir d’achat » et les petites augmentations de salaires obtenues par la grève entreprise par entreprise suffiront-elles à empêcher une révolte générale ?
Peut-être bien, tant la résignation semble grande malgré les colères à fleur de peau et les multiples grèves sectorielles.
- Une énorme récession économique mondiale irréversible avant 2030 ?
- Retour des soupes populaires et explosion de la précarité
Un peu d’anticipation pour les environs de 2030
A présent faisons un exercice d’anticipation, il s’agit d’imaginer ce qui risque d’arriver en l’absence de révoltes importantes, donc c’est forcément hasardeux, approximatif.
En déroulant les fils déjà existants et en appliquant les mêmes logiques et intérêts, on peut obtenir quelques reflets du futur probable. Les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Chaos des catastrophes climato-écologiques, réchauffement climatique accéléré, fin irréversible des énergies fossiles pas chères, précarité étendue, problèmes graves de production agricole, pandémies.... vont se cumuler. Si on mélange ça avec les impératifs de croissance du capitalisme, l’autoritarisme et les inégalités sociales, le résultat est on ne peut plus tendu et détonnant.
Ca pourrait être totalement horrible comme ça pourrait être moins horrible, voire stimulant et exaltant. Tout dépend des niveaux et intensités des luttes anticapitalistes, révoltes pour l’autonomie et soulèvements en faveur de l’écologie populaire radicale, de l’émancipation sociale et de la démocratie directe.
Peut-être que faire de l’anticipation est un jeu un peu malsain pour se faire peur, une fascination pour le désastre ? Mais c’est aussi un avertissement, une alerte, une stimulation pour la réflexion stratégique, une invitation à faire en sorte d’éviter que les pires scénarios ne se réalisent. Les pires options sont hélas prévisibles et possibles si rien ne change, si la plupart des gens laissent faire et regardent ailleurs, préférant danser sur le « Titanic » au lieu de s’activer pour renverser la civilisation industrielle.
1. Vers 2030, sans doute bien avant, le pétrole deviendra rare et cher, les autres énergies nettement plus coûteuses, tandis que les catastrophes climatiques et écologiques seront nettement plus prégnantes.
Les pauvres et classes moyennes « basses » n’auront pas accès à la climatisation, à des logements bioclimatiques conforts, ils trouveront refuge lors des canicules dans les caves et dans les grandes surfaces climatisées.
En hiver, faute de chauffage, ils brûleront n’importe quoi dans des poêles, ou vivront à plusieurs dans des espaces plus petits pour se tenir chaud.
Le nombre de personnes ayant perdu leur logement augmentera (tornade, inondation, incendie...), et les assurances, l’Etat, auront du mal à les reloger et à reconstruire.
L’essence sera trop chère (et sans doute réservées en priorité aux industries et aux services d’Etat comme pendant la 2e guerre mondiale), ils n’auront pas de voiture électrique où ne pourront plus se payer l’électricité pour la faire marcher. Alors ils ne pourront plus utiliser leurs bagnoles, qui s’entasseront dans les rues, inutiles, à moins qu’elles servent de poulaillers improvisés ?
En dehors des transports en commun restants, ce sera la marche, le vélo ou les chevaux.
Les entreprises importantes paieront des transports en commun pour le ramassages de leurs travailleurs.
L’Etat effectuera des distributions alimentaires, et aussi d’eau potable, dans un nombre croissant d’endroits pour éviter trop d’émeutes de la faim. Il y aura des cartes alimentaires avec QR code et identification biométrique.
2. Les exilés, toujours plus nombreux, seront encore plus abandonnés, rejetés, parqués et tués aux frontières.
Certains territoires seront invivables, et progressivement abandonnés (comme des pans entier de l’Inde, de l’Australie ou de la Californie). D’autant plus qu’avec des énergies très chères il deviendra bien trop coûteux de reconstruire ou protéger les zones les plus « à risques ».
Le recours accru à une industrie alimentaire hors sol sera utilisé par les pays les plus riches pour fournir des nutriments de base. Les autres connaîtront la faim ou une difficile agriculture de survie dans des écosystèmes dégradés, des sols en mauvais état, un climat chaotique et destructeur, avec des alternances de sécheresses, d’inondations et de tempêtes.
Certains produits alimentaires, importants ou pas, deviendront rares ou hors de prix, surtout que certaines zones deviendront impropres à l’agriculture et même à la présence humaine. On voit avec la guerre en Ukraine comment la spécialisation agricole par région tourne vite aux pénuries et spéculations outrancières. Comme pendant la 2e guerre mondiale l’alimentation sera simplifiée. Retour en force des topinambours !
Les régions pas trop soumises aux cataclysmes climato-écologiques provoqués par la civilisation industrielle et pratiquant traditionnellement une agriculture de subsistance s’en sortiront mieux que les pays semi-industrialisés ou les zones pauvres des pays industrialisés.
3. Dans les pays encore industrialisés, les robots et les IA remplaceront de plus en plus les travailleurs, ce sera plus rentable pour la reproduction du Capital.
La société de surveillance hyper-policière et hyper-technologique va se déployer en grand.
Avec par exemple divers robots-flics, des essaims de drones (volants et au sol) fonctionnant en réseau H24 et reliés par 5G. L’armée patrouillera de plus souvent dans les rues.
Dans la vie réelle tout sera cher, il y aura aussi le chaos climatique, les pandémies, les pillages, les émeutes, alors de plus en plus de gens se barricaderont chez eux et resteront connectés aux mondes virtuels du métavers, qui remplacera à peu près toutes les activités : travail, tourisme, relations, sexe, loisirs, vie « familiale », politique...
Les plus riches auront bien sûr accès à de meilleures immersions et à des outils d’interaction plus poussés. Les plus pauvres auront accès aux versions piratés et aux versions de base. L’Etat et/ou les multinationales fourniront des ordi-écrans avec connexion aux plus démunis afin qu’ils se tiennent sages.
Des drones et des camionnettes à pilotage autonome se chargeront des livraisons à domicile dans les zones riches, solvables. Ailleurs ce sera le marché noir, une économie locale de survie, la débrouille.
4. Avec la robotisation et les IA, les emplois et les salaires vont diminuer. Ailleurs, dans les pays moins riches, moins technologisés à l’aide des énergies alternatives éoliennes et photovoltaïques, la crise économique jettera des foules au chômage, avec récession et misère.
Ca va coincer sévère, car qui va encore pouvoir acheter les marchandises produites en masse par les industries optimisées ?
Les Etats auront beau organiser des sortes des « salaires minimum » pour tout le monde, les marchandises ne trouveront plus assez preneurs.
Les marchés d’objets et services virtuels du métavers pourront-ils suffire à maintenir les taux de croissance et la valorisation de l’argent ?
5. Politiquement, il y aurait forcément un durcicement autoritaire fascisant, voire davantage de dictatures, ou éventuellement une planification étatico-économique stricte portée par des gouvernements dits de gauche. L’éco-fascisme, soutenu par les classes dominantes, pourrait se multiplier sous diverses formes afin de tenter de faire tenir l’Etat-capitalisme et le monde techno-industriel sur fond d’un naufrage d’un nombre croissant de régions.
6. Après 2030, les classes les plus riches organiseront peut-être dans certaines régions une sorte de répartition de la production basée sur le rang et l’utilité sociale et non plus selon un salaire, de l’actionnariat, des profits ou des rentes en argent.
L’argent pourrait être remplacée par des droits d’accès à certains services et marchandises, avec contrôle strict par dispositifs biométriques individualisés.
Tandis que les masses de non-travailleurs seront laissées à l’abandon ou maintenues en état de survie via des distributions alimentaires de base et des accès gratuits au métavers de niveau 1 ?
Ces régions pourraient créer une sorte de « néo-communisme » planifié uniquement pour les élites dirigeantes et les classes techno-scientifiques ? Ils auraient beaucoup de robots et de logiciels dits « intelligents », avec une classe de scientifiques et de techniciens qui bénécierait d’un accès réglementé aux biens et services, monitorée par des applications de mesures strictes des flux consommés d’énergie, de CO2, de protéines et autres. Evidemment, les plus puissants s’affranchiraient de ces règles strictes et, comme d’habitude, se vautreraient dans le luxe et l’accumulation.
Il y aurait alors très peu ou pas de pauvres, qui seront rejettés dans les « extérieurs », exterminés s’ils gênent ou se révoltent, ou vaguement soutenus par des distributions épisodiques par l’armée robotisée. Des drones autonomes feraient aussi le job, un peu comme dans l’épisode fameux et terrifiant de Black Mirror : Metalhead
Comme dans Mad Max, mais en version plus technologique, des convois armés iront piller/contrôler les ressources (eau, minerais, pétrole, charbon, gaz...) aux alentours pour maintenir les enclaves techno-militaires. C’est simplement la même logique que le néo-colonialisme actuel.
Ca risque fort de coincer pour les minerais rares et lointains... A moins qu’une chaîne logistique solidaire entre zones techno-militaires et Etats « survivants » arrive à se maintenir ?
Peut-être aussi que les miséreux des « extérieurs » se ruineront la santé pour récupérer les moindres parcelles de métaux rares dans les décharges (comme actuellement en Afrique et en Asie), afin de les échanger contre un peu d’eau potable et quelques miettes de galettes vertes protéinées vitaminées ?
7. De fait, plein de monde deviendra survivaliste, les décharges et les casses seront réouvertes pour récupérer les matériaux devenus introuvables ou trop chers. Les moindres parcelles seront cultivées autant que faire ce peut malgré les manques d’eau et de fertilisants, en France les méthodes de permaculture en zone aride seront très utiles. A défaut d’engrais et confronté au manque d’eau, les toilettes sèches se généraliseront enfin, sous la contrainte.
Les meilleures stratégies de survie seront les plus coopératives et collectives.
8. A force de refuser mordicus une décroissance radicale choisie et une sortie volontaire de la civilisation industrielle, ce sont les pénuries subies et les désastres planétaires qui arrivent.
Dans le futur, à force de détruire la biosphère, dans beaucoup de régions seule la techno-industrie pourrait hélas encore arriver à fournir des ersatzs de nourriture comestible.
Idem pour l’eau, qui sortira des usines de désalement ou de dépollution.
A force de rêver de transformer la Terre en une certaine sorte de « paradis » fantasmé libéré des réalités terrestres, la civilisation en fait une sorte « d’enfer ».
Un scénario plus positif ?
On peut aussi examiner l’option, moins probable hélas (en tout cas au niveau global), de scénarios avec de nombreuses fortes révoltes émancipatrices (ayant des visées sociales et écologiques) victorieuses.
De longues et violentes séries de soulèvements éclatent dans les pays industrialisés et dans les pays extractivistes, avec force émeutes, occupations, blocages, grèves et sabotages.
Malgré la répression féroce et sanglante, les régimes ouvertement néo-fascistes et les renforts d’armées d’autres pays, les révoltés persistent, résistent, affinent leurs stratégies et arrivent à faire s’écrouler un nombre croissant de systèmes industriels et d’Etats. Le techno-capitalisme est en déroute dans plusieurs régions importantes, ce qui entraîne des effets dominos dans d’autres pays (comme les conséquences de la guerre en Ukraine) du fait de l’interdépendance mondialisée des chaînes logistiques, où des forces rebelles libertaires et paysannes en profitent pour prendre la main sur les Etats et le Capital.
Ca paraît très improbable pour l’instant en occident une telle culture de résistance, mais qui sait vraiment ce qui va se passer d’ici 2030 ?
Il est en revanche plus probable que les populations de pays pauvres extractivistes se soulèvent (voir ces derniers temps en Amérique du Sud) avec une inspiration d’écologie populaire, ce qui plomberait fortement l’économie mondiale, privée d’énergies fossiles, de matières premières et de minerais indispensables aux industries.
Les rebelles occidentaux sauront-ils alors soutenir ces rebellions là ?
En tout cas, malheureusement, ces évolutions vers de possibles sociétés vivables ne se feraient que dans des convulsions violentes, avec des morts, des tas d’emprisonnés et de blessés. Ce sera très loin d’être rose pour tout le monde évidemment.
Plus la culture de résistance est étendue, pratiquée, avec un nombre important de personnes impliquées, moins ce sera difficile.
Plus on attend, plus on se regarde le nombril, plus on se concentre sur nos loisirs et nos activités purement personnelles, plus on s’enlise dans le déni et le réformisme purement « non-violent », plus ce sera difficile.
Une image un peu ressemblante de ce type de scénario pourrait se voir au Rojava kurde ou dans les fictions insurgées déployées par « Bâtir aussi ».
Vu la volonté de ne rien lâcher de la mégamachine et de ses agents, vu notre dépendance à la techno-industrie, vu le degré de destruction de la biosphère, vu la répression étatique, vu le manque d’entraînement et de préparatif, vu la faiblesse numérique et opérationnelle des forces de résistance, etc., l’option révolte générale sera très très difficile, c’est pourtant la seule voie possible pour limiter la casse et ouvrir des voies vers un avenir vivable et désirable.
- Bretagne, sabotage d’un camion grue contre une ferme usine ?
Une longue phase de très grands chamboulements
Ces phénomènes de crises et de révoltes vont durer : 10, 20, 30 ans on ne sait pas.
Il pourrait y avoir un peu de tout : des tentatives d’enclaves techno-militaires organisées, des guerres pour les ressources, des régimes néo-fascistes (ou éco-fascistes), des rébellions émancipatrices, des zones autonomes d’inspiration libertaire, des dictatures, des bandits, des zones de chaos, des territoires tenus par des mafias, des groupes para-militaires ou des néo-sectes...
Dans cette longue phase d’instabilité et de difficultés, le pire sera possible et adviendra, mais il y aura aussi des possibilités accrues d’émergences et d’extensions de zones autonomes plus ou moins larges, animées d’un esprit libertaire, écologique et d’égalité sociale, en conflit avec les restes d’Etat-capitalisme, les pillards et les chefs de guerre.
Les mouvements les plus organisés/puissants et/ou porteurs des perspectives les plus convaincantes l’emporteront. Ou, tout simplement, capables de fournir des méthodes low-techs pour boire et manger.
Ensuite, vers 2050 et au-delà disons, que pourrait-il se passer ? Si les Etats et le capitalisme, ou leurs avatars, ou leurs prolongements, tous embringués dans la fuite en avant dans la technologie, les hiérarchies, les inégalités et le productivisme, continuent à dominer, alors les destructions écologiques et le réchauffement climatique global continueront de s’aggraver fortement. La Terre deviendra de plus en plus inhabitable pour un nombre croissant d’humains et d’autres vivants. Et là c’est le chaos total en vue, la survie sur fond d’apocalypse, un mélange de Mad Max, de Soleil Vert et de films catastrophes.
La plupart des personnes, et même des activistes, sont aux antipodes de tout ça.
On continue comme si les rouages du monde actuel allaient continuer, mais le modèle social en vigueur va en grande partie imploser, créant des séismes colossaux partout.
Comme toujours les plus pauvres ramasseront en premier et davantage. Mais l’indifférence habituelle largement partagée pour leur sort ne pourra plus durer car des pans entiers d’autres classes sociales subiront ensuite les mêmes problèmes.
Soit on se prépare rapidement, on construit une culture de résistance large et puissante afin de passer à l’offensive, soit on subira, on en prendra plein la tronche sans grande possibilité de riposter ou de sortir la tête hors de l’eau.
Il n’y aura plus de trêves, de périodes d’accalmie, de retour au plein emploi et à l’Etat social avec consumérisme compensateur effréné et (un certain type de) grand confort matériel pour les classes pas trop pauvres des pays riches.
Les catastrophes vont succéder aux catastrophes, certaines prévues et prévisibles, d’autre pas. Une pandémie, puis une canicule ici et là, une inondation, une tempête, la grêle, une pénurie de ci ou de ça, un incendie géant, le chômage, le néo-fascisme, puis, de plus en plus, tout arrivera en même temps au même endroit au lieu d’être distribué spatialement et dans le temps.
Le confort pépère dans la civilisation industrielle va concerner un nombre de plus en plus restreint de personnes contrairement aux promesses mensongères et mortifères de la croissance infinie et de l’élévation partout du fameux « niveau de vie » ou du « pouvoir d’achat ».
Ce qui nous attend ce n’est pas la merveilleuse smart city connectée baignée dans le parfum de rose et les plaisirs, c’est plutôt l’inconfort permanent et la précarité. Les stimulis neuronaux « apaisants » fournis H24 par le métavers ne suffiront plus à calmer les angoisses, la suffocation et la faim.
Hormis certaines zones militarisées, on ne pense pas que la civilisation industrielle puisse se maintenir, il y aura trop de pénuries, de problèmes et de ruptures dans les cycles d’accroissement du Capital. Raison de plus pour la faire disparaître sans attendre. Même pour les adeptes heureux de la civilisation industrielle il n’y a pas d’espoirs, les innovations et les discours « verdits » n’y pourront rien, alors vont-ils rejoindre les révoltes radicales ou persister à s’accrocher à leurs rêveries fumeuses ?
Les civilisés vont-ils malgré tout soutenir ou laisser faire la civilisation industrielle jusqu’au bout en rognant les miettes, ou beaucoup d’entre eux, par intérêt de survie (à défaut de vouloir préserver les autres animaux, les pauvres et les plantes, qui leur sont complètement étranger et qui les indiffèrent), vont se révolter pour de bon afin de se construire, peut-être, un avenir vivable hors de la mégamachine mise volontairement hors service au plus vite ?
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