Du 5 au 7 Avril, le collectif Stop Micro organisait à Grenoble la mobilisation De l’eau, pas des puces ! contre l’accaparement des ressources par les industries du numérique et la « vie connectée ».
Y étaient proposés des ateliers, des conférences, une manifestation et un rassemblement. ATR était présent.
D’après Stop Micro, l’agrandissement des usines de STMicroelectronics et Soitec « devraient consommer plus de 29 000 m³ par jour, soit l’équivalent de 700 000 douches ou 16 méga-bassines ». Les opposants, réunis notamment dans ce collectif, multiplient les actions pour tenter de faire reculer la puissante industrie électronique : réunions publiques, lettres ouvertes, conférences, manifestations, etc.
Le vendredi soir, l’historien François Jarrige nous présenta l’histoire de l’accaparement industriel de l’eau (et des énergies). Nous apprenons que l’accaparement de l’eau est à l’origine même de l’industrialisation ; autrement dit, l’accaparement est inévitable (en société industrielle). François Jarrige insiste effectivement sur le fait que celui-ci est exponentiel, provoquant notamment l’augmentation des pollutions. Pour remédier à ces évidents défauts, Jarrige rappelle que le « progrès technique » a permis d’apaiser les tensions en Europe en mondialisant l’industrie (délocaliser l’accaparement dans les pays colonisés). La conclusion de cette conférence ne souffrait pas d’ambiguïté : l’industrie est indissociable d’un mode de production extractiviste, que les machines soient collectivisées ou non. Pourtant le public continua de réclamer la sacro-sainte « régulation », variante du mythe de l’éternelle planification. Seule une membre d’Anti-Tech Resistance prit la parole pour défendre le désarmement du techno-léviathan.
Le samedi, pas moins de 2000 personnes répondent à l’appel d’une manifestation contre le centre de Recherche et Développement de ST, l’épicentre des innovations et productions funèbres qui infestent Grenoble. Aux premiers tambours, des slogans comme « reprenons la terre aux machines » ou « la tech assèche nos montagnes » réchauffent nos cœurs. Nous imaginons alors rencontrer des révolutionnaires par dizaines, tous fécondés par une même idée : mettre l’infrastructure technologique à l’arrêt. Après tout, l’industrie électronique est le rouage d’un vaste réseau d’ensemble, de l’industrie informatique, automobile, aéronautique, militaire, etc. Au final, elle n’est qu’un maillon du système techno-industriel. Malheureusement, nous découvrons que les personnes présentes ont peu d’intérêt pour la perspective stratégique, qu’ATR seule tâche de porter.
« Il suffit d’interdire les téléphones portables », entend-on. « Moi je déconstruis cet imaginaire de l’efficacité. » Ainsi humains et forêts recouvriraient liberté ! Car colibristes et étatistes s’embarrassent peu du réel. Crier des slogans révolutionnaires n’est alors qu’un rituel psychologique.
Le dimanche s’annonce plus motivant. Une dernière journée placée sous le signe du débat, avec des Faucheurs d’OGM, la Confédération Paysanne, l’Atelier Paysan, etc. Nous retrouvons des camarades. Mais aucun rapport de force global n’est proposé. On parle du monde d’après, sans se demander comment y arriver. Qu’à cela ne tienne : nous discutons longuement avec notre référence Aurélien Berlan. Celui qui ne met pas l’autonomie avant la révolution.
Si nous luttons aujourd’hui, c’est parce que les poireaux n’arrêtent pas les bulldozers.
Si l’extension de Soitec semble désormais stoppée à Bernin, c’est une autre usine, autre part, à Singapour et à Catane, entraînant les mêmes ravages, qui prendra sa place. Réjouissons-nous, mais avec mesure.
Si les luttes locales sont utiles pour dénoncer, conscientiser, s’entraîner, parfois vaincre, nous pensons que ceux voulant se débarrasser de l’industrie électronique n’ont d’autres choix que de réfléchir sérieusement à la mise hors service de tout le système technologique. Chose impossible sans une organisation disciplinée.