Rassurez-vous, mes demandes sont modestes même si elles ont quelque importance dans une stratégie de lutte contre les menées fascisantes et ultra-libérales en pleine croissance en France.
Je ne demanderai pas aux réformistes de gauche, aux pacifistes intégraux, aux citoyennistes convaincus, ou à celleux qui croient avant tout aux processus politiques institutionnels de rejoindre les idées, modes d’action et perspectives de la gauche radicale, de l’écologie radicale ou des anarchistes.
Je ne vous demanderai pas non plus de vômir l’Etat ni même d’être farouchement anticapitalistes.
Il ne s’agit pas non plus de relancer une guéguerre ou de délivrer des brevets de radicalité. D’ailleurs chacun sait qu’on trouve toujours plus radical ou plus réformiste que soi ou que son mouvement.
- Quelques demandes amicales et raisonnables aux pacifistes, aux gauches institutionnelles et réformistes
- Un peu de tactique pour ne plus faire le jeu de l’adversaire
Mes demandes
Pour, espérons-le, améliorer globalement les capacités de contestation et d’éventuelles perspectives positives, voici donc 3 demandes adressées aux réformistes de gauche, aux pacifistes intégraux, aux citoyennistes convaincus, aux personnes qui mettent les processus politiques institutionnels en toute priorité et autres cas similaires :
- Acceptez svp le fait avéré qu’il n’y a pas de démocratie en France aujourd’hui (et même qu’il n’y en a jamais eu), et dites-le haut et fort. Dire qu’il n’y a pas de démocratie en expliquant pourquoi ne veut pas dire qu’on subit forcément une dictature, plein de formes hybrides sont possibles entre les deux. (voir autres référénces en PS sur ce point crucial)
Continuer à propager le mensonge qu’on serait en démocratie donne de la légitimité au régime et à sa répression, et appuie les réflexions aberrantes du type : « puisque la démocratie on le voit ça ne marche pas, essayons la dictature ». - Merci svp d’être solidaires des actions illégales, mêmes celles décriées généralement telles que la casse en manifestation, des incendies de poubelles ou de bâtiments, des émeutes, des pillages de grandes chaînes commerciales, des sabotages (on ne parle pas ici d’être solidaire d’assassinats bien sûr). Et donc svp arrêtez de faire le jeu des puissants en reprenant leurs phrases répressives du type : « nous condamnons toutes les violences, nous dénonçons fermement les casseurs et celleux qui jettent des canettes sur des policiers ». Je ne vous demande pas d’approuver ces actions, de vous interdire de penser ou de dire que c’est inefficace, juste d’être solidaires, de ne pas condamner ces actions et leurs auteurs, d’éviter de faire comme l’Etat, les merdias des milliardaires et les flics.
Si vous n’arrivez pas à dire « je comprends ces actions illégales même si ce n’est pas mon mode d’action, nous sommes solidaires des personnes qui les commettent », au moins ne dites rien, refusez de répondre aux injonctions des journaflics. Je ne vous demande même pas de soutenir les caisses antirépression liées à ce type d’actions, même si ça aussi ce serait bien utile. - Dans un conflit social, svp ne menez pas des discussions et ne signez pas tout seul des accords avec l’Etat et/ou des patrons dans le dos des mouvements radicaux et autres luttes de terrain
Si vous faites déjà tout ça, tant mieux, bravo.
Pour les autres, si je vous adresse solennellement ces 3 demandes ce n’est pas pour vous embêter ni me moquer, mais tout simplement parce que je considère que ce sont des points cruciaux (entre autre) qui freinent de possibles avancées positives (qu’on va dire de gauche) depuis des années.
Ne pas répondre favorablement à ces trois demandes, c’est faire le jeu des puissants, c’est accroître et valider leur propagande et leur domination, c’est favoriser la division et compliquer la tâche des plus radicaux dont pourtant vous avez pourtant ardemment besoin, et encore plus dans la période actuelle et ce qui va suivre, où les conflits sociaux/écologiques, et donc la répression, vont encore augmenter.
Réfléchissez bien, considérez les années passées et les années à venir.
Est-ce que vous avez plus à gagner en adoptant ces demandes, et donc en étant davantage critiqués par les merdias, les flics et le gouvernement (qui de toute façon ne vous aiment guère) mais avec l’effet positif de réduire les fossés entre courants de gauche, ou en les refusant et donc en continuant à faire le jeu des puissants et à accentuer une coupure entre vous et les divers courants qui pratiquent ou soutiennent déjà ces actions illégales ?
J’ajouterai bien un autre point, concernant la reconnaissance explicite que le système en place se fout de tout ce qui est expression et symbolique (manifestations, pétitions, tribunes, marches, vols de portraits du Macron, happenings, articles, grèves épisodiques secteurs par secteurs, débats...), il s’assoit dessus, et donc que d’autres moyens bien plus offensifs et conséquents sont indispensables, mais c’est moins utile car les faits parlent d’eux-mêmes et tout le monde peut s’en rendre compte.
Les militants antiracistes des quartiers populaires ajouteraient sans doute autre chose, du type :
Dénoncez svp clairement et fortement les arrières fond racistes de la France et de sa police, dénoncez fermement l’islamophobie qui monte et qui se cache derrière la laïcité et les « valeurs de la république » (en ce moment avec la scélérate loi « séparatismes » dont l’examen démarre le 9 décembre). Les macronistes, l’extrême droite et leurs merdias vous traiteront d’islamo-gauchistes, de traîtres à la république et de suppôts des terroristes, pas grave.
Là aussi, qu’est-ce qui est le plus important, quel est votre camp ? Soutenir les opprimés et accepter de subir la vindicte puante des puissants en dérive vers le néo-fascisme, ou aboyer avec eux et ainsi faire le jeu de la division, de l’exclusion, de l’invisibilisation, de l’empêchement à être une voix politique des victimes du racisme et des menées anti-musulmans, ce en vous imaginant obtenir quelques strapontins dans le train de la mort du Pouvoir ?
voir :
- Loi « séparatisme » = islamophobie d’État
- Darmanin confirme la dissolution du CCIF. Stop à l’offensive autoritaire et raciste !
Remarques complémentaires sur comment concilier sans trop de conflits réformisme/radicalité
C’est une tâche un peu impossible, et floue, car les frontières réformisme/radicalité fluctuent tout le temps suivant les périodes, les gens, les contextes, les sujets.
Néamoins on peut tenter de clarifier le sujet en distinguant les objectifs et idées générales des modes d’action.
On peut avoir des objectifs radicaux, profonds, et néanmoins discuter/négocier des réformes en guise d’amélioration partielle et temporaire, en attendant mieux, et en continuant à lutter pour des changements radicaux.
En revanche, porter des idées et objectifs très réformistes est nettement plus problématique, et peut signifier une forme de résignation et d’acceptation complète du système inégalitaire et violent en place (voir ce qu’est devenu par exemple le PS).
On peut avoir des idées radicales et utiliser des méthodes d’actions très pacifistes.
Plus rare, possible d’avoir des objectifs réformistes en utilisant des modes d’actions très virulents et illégaux.
Dans une configuration idéale, les idées radicales et les actions virulentes contribuent (pas seules bien sûr) grandement à faire bouger les lignes tandis que les courants réformistes aident à inscrire dans la durée et la culture les transformations obtenues. Il peut ainsi exister une forme de complémentarité malgré l’inévitable conflictualité.
Les radicaux empêchent que ça stagne, que ça s’enkyste ou qu’il y ait un retour en arrière vers le centralisme bureaucratisé ou le libéralisme, tandis que les réformistes peuvent parfois servir à tempérer des actions trop virulentes de type « terre brûlée » alors qu’il y a rien derrière pour reconstruire autrement.
Voir aussi cet extrait de https://floraisons.blog/full-spectrum-resistance-2-4/ :
Voilà pourquoi les grands groupes modérés ont du mal à recruter, parce que beaucoup de personnes (comme les radicaux) comprennent que leurs tactiques sont souvent vouées à l’échec. Et voilà aussi pourquoi les groupes plus militants peinent à recruter quand ils n’adoptent pas une véritable culture de résistance, quand ils se focalisent à outrance sur la pureté idéologique, quand ils dénigrent systématiquement les petites victoires réformistes, ou quand ils sont arrogants avec les nouveaux venus… et ça c’est triste. Et nous avons vu comment surmonter ces défauts. Mais recruter des personnes n’est que la première étape pour un groupe, nous allons maintenant voir comment organiser ces personnes.
Espérons que tout ça aidera à faire avancer le Shmilblick.
Forum de l’article