Même sans évoquer les questions de fond (voir liens en PS), on voit bien que le nucléaire en France est à abandonner au plus vite.
- Parc nucléaire français : état dégradé, dissimulations d’accidents en série dans des centrales nucléaires
- Vu aérienne de la centrale nucléaire de Tchernobyl après le désastre nucléaire
Même Le Monde rapporte des propos très critiques sur le mauvais état des centrales, la mauvaise maintenance, et la culture de d’escamotage des accidents et incidents matériels ou humains (notamment à la centrale de Tricastin) :
- Nucléaire : « L’état du parc français est préoccupant » - Pour le physicien critique du nucléaire Bernard Laponche, EDF n’a pas les moyens d’assurer la prolongation de la durée de vie des plus vieux réacteurs du parc français.
- Dans la centrale nucléaire de Tricastin, un problème électrique a accru le risque d’accident grave - Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’incident détecté en 2019 sur le moteur d’une pompe souligne l’importance de bien mesurer les effets du vieillissement des installations.
- Nucléaire : un cadre de la centrale du Tricastin dénonce une « politique de dissimulation » d’incidents de sûreté - Une plainte a été déposée contre EDF devant le tribunal judiciaire de Paris, notamment pour « mise en danger de la vie d’autrui », selon des informations du « Monde ». Le groupe assure que « la transparence et le respect de la réglementation sont scrupuleusement respectés ».
A la centrale de Tricastin, différentes dissimulations et minimisations ont été mise en oeuvre pour aider à passer les examens de sûreté et la "visite des 40 ans" du réacteur numéro 1.
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"si la réglementation française ne prévoit pas de durée de vie maximale des réacteurs, une partie des équipements a été conçue, à l’origine, selon une hypothèse de quarante ans de fonctionnement."
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Ce non-respect des procédures semble relever de pratiques généralisées, plutôt que de situations isolées. Un responsable des ingénieurs sûreté s’inquiète auprès d’Hugo des pressions de la direction : « Les ingénieurs sûreté en ont marre que les chefs d’exploitation baissent leur pantalon pour éviter [de déclarer] des événements significatifs de sûreté. »
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Dans la même note, l’ASN s’interroge officiellement sur « l’écoute de la filière indépendante de sûreté par les représentants de la direction lorsque ceux-ci doivent arbitrer le caractère déclaratif ou non de certains événements ».
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Pour tenter de minimiser les écarts de sûreté, la direction de la centrale du Tricastin peut également avoir recours à l’intimidation
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Au-delà de la gravité potentielle des différents incidents, ces pratiques remettent en cause le principe même de la sûreté. Le « gendarme » du nucléaire n’étant pas présent en permanence dans les centrales, le système est fondé sur le processus de déclaration par EDF et sur la transparence. « La sûreté, ce n’est pas qu’une question d’événements ou de valeurs qu’on dépasse, insiste Hugo, c’est une culture. On a tellement bien dissimulé certains incidents que l’ASN ne les a pas vus, c’est très grave. »
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Cette stratégie de non-déclaration répond à un objectif : l’accidentologie, et plus précisément le taux de fréquence des accidents du travail avec au moins un jour d’incapacité de travail, est un paramètre pris en compte, avec une pondération importante, dans le classement des centrales. Un classement à soigner pour réussir la visite décennale. En 2018, le taux de fréquence du Tricastin est particulièrement bas : 2,7. Plus de deux fois moins que celui d’un secteur comme la banque et l’assurance (6,8), pourtant beaucoup moins à risque.
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« Le cas de Tricastin est un très bon exemple du fait qu’il n’y a pas que les composants majeurs comme les cuves et les enceintes qui vieillissent et dont l’importance est cruciale pour la sûreté, souligne Olivier Dubois. Les défaillances peuvent aussi venir des câbles électriques, de certaines pompes ou des moteurs. Même si ces éléments sont remplaçables, il faut repérer les défaillances suffisamment tôt et être donc très attentifs aux méthodes de détection. »
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Elle écrit que « la rigueur d’exploitation des centrales d’EDF est en recul » et que le nombre d’événements significatifs « augmente régulièrement depuis plusieurs années ». On peut citer le problème de la fragilité des diesels de secours face au risque de séismes : l’ASN parle d’une anomalie générique – c’est-à-dire qui peut concerner tous les réacteurs –, du mauvais état ou de mauvais montage des ancrages de ces systèmes. Or, si le diesel qui assure l’alimentation en électricité ne démarre pas, c’est l’accident grave.
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Il y a aussi des phénomènes de corrosion liés à des défauts de maintenance, des tuyauteries qui se dégradent. EDF aurait intérêt à se dire qu’il vaut mieux avoir 20 réacteurs qui fonctionnent bien et ont été bien réparés, et à arrêter rapidement les autres, plutôt que de tous les laisser fonctionner au-delà de quarante ans.
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Dans un rapport publié lundi 26 avril, le Groupe international d’évaluation des risques nucléaires (International Nuclear Risk Assessment Group), qui compte parmi ses membres l’ancien président de l’autorité de sûreté américaine Gregory Jaczko ou l’ex-directeur général de la sûreté nucléaire allemande Wolfgang Renneberg, affirme que les prolongations de durée de vie et l’exploitation des vieilles centrales accroissent le risque nucléaire en Europe. « Les processus de vieillissement tels que la corrosion, l’usure ou la fragilisation réduisent la qualité des composants, des systèmes et des structures et provoquent des défaillances », écrivent-ils notamment.
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En conséquence, il va y avoir un décalage de calendrier des visites décennales de trois, quatre, cinq ans. Des réacteurs vont fonctionner bien au-delà de quarante-cinq ans avant de voir leur durée de vie prolongée au-delà de quarante ans.
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Ni EDF, ni l’ASN, ni les décideurs n’ont suffisamment anticipé. Les responsables politiques se défaussent sur l’ASN, ils ne veulent pas entendre parler de la question de la sûreté.
La feuille de route énergétique de la France, qui prévoit l’arrêt de douze réacteurs d’ici à 2035, n’aborde pas cette question, et affirme que le principe général sera l’arrêt des réacteurs à l’échéance de leur cinquième visite décennale, soit à 50 ans. Le fait que l’on dépende complètement du nucléaire pour notre approvisionnement électrique pose un problème de fond et fait peser une pression folle sur l’ASN.
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Tout le système de sûreté repose sur les déclarations d’EDF. Or, deux exemples récents ont mis à mal ce principe : l’expérience des dossiers barrés [des irrégularités et des fraudes constatées dans la forge du Creusot, en Saône-et-Loire] et celle de la cuve de l’EPR [de Flamanville, dans la Manche, dont le couvercle, jugé non conforme, devra être remplacé en 2024]. EDF signale parfois les problèmes avec du retard ou ne les signale pas du tout. Pour les quatrièmes visites décennales, il faudrait une présence permanente de l’ASN sur les sites. Il lui faut davantage de moyens humains.
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Ce n’est qu’après Fukushima, en 2011, qu’il y a eu une prise de conscience du risque lié aux événements extérieurs. Tous les présidents de l’ASN ont reconnu qu’un accident comme celui du Japon pouvait se produire en France. Mais on a l’impression que ce n’est pas vraiment compris.
NUCLÉAIRE : communiqué de presse arrêt du nucléaire Drôme Ardèche samedi 13 novembre 2021
Dans un article du quotidien Le Monde daté du 13 novembre 2021, un haut responsable de la centrale nucléaire du Tricastin se déclare comme « Lanceur d’alerte » et dénonce des faits concernant la sécurité de la centrale et des manquements graves dans le suivi des accidents du travail.
L’ensemble de l’industrie nucléaire EDF, Orano, ANDRA , CEA et l’ASN sont connus depuis toujours pour leur fonctionnement basé sur l’omerta.
Cette prise de parole d’un haut responsable de la centrale du Tricastin est donc un événement important même si les faits rapportés pour l’instant étaient déjà dénoncés par les associations écologistes et antinucléaires. Elle l’est en particulier car elle montre la violence de l’institution contre celles et ceux qui de l’intérieur dénoncent les multiples manquements à la sécurité des installations.
Médecins du travail, salariés sous-traitants, inspecteurs de l’ASN ont déjà du subir les mises à l’écart, les accusations, les menaces, les procès pour avoir fait uniquement leur travail en refusant de taire des faits graves concernant la sécurité nucléaire et la santé des travailleurs. Ce témoignage est à ce titre très important car ce ne sont pas les salariés de la filière qui sont responsables mais bel et bien un fonctionnement au plus haut niveau avec, bien souvent, la complicité de l’état et de ses préfets, ses procureurs et parfois de ses juges.
Les situations dénoncées ne sont pas propres à la centrale du Tricastin. Rien que pour les 14 réacteurs de la vallées du Rhône ( Bugey, Saint Alban, Cruas et Tricastin) et pour les usines d’Orano à Romans sur Isère et Tricastin nos associations ( Arrêt du nucléaire, réseau Sortir du nucléaire, FRAPNA, Ma zone contrôlée, Greenpeace….) ont du aller en justice pour mettre en lumière les manquements à la sécurité des installations de notre région.
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Arrêt du nucléaire Drome Ardèche apporte tout son soutien au cadre lanceur d’alerte, mais aussi à tout ceux, salariés sous-traitants, qui subissent la répression à la suite d’accidents du travail ou de dénonciations d’irrégularités graves. Il est temps qu’une autorité totalement indépendante soit mise en place. Il est temps qu’on mette fin à la privatisation rampante de l’industrie de l’énergie électrique. Il est temps que le secret, les mensonges soient dûment sanctionnés à la centrale de Tricastin mais aussi dans l’ensemble de la filière.
Arrêt du nucléaire 26/07
Soigner le mal par plus de mal
Pendant ce temps, l’industrie nucléaire et ses lobbys continue de pavaner et essaie de se relancer avec l’appui du macronisme et de la droite en jouant la carte du réchauffement climatique et de l’énergie propre bas carbone :
World Nuclear Exhibition 2021 : L’industrie du nucléaire, un acteur-clé pour une société bas carbone et un avenir responsable - Aujourd’hui plus que jamais, la filière nucléaire est porteuse d’espoirs et de perspectives. Espoirs de parvenir à une société bas carbone et de limiter durablement le réchauffement climatique ; perspectives de dynamiser toute une économie et de faire émerger de nouvelles technologies visant à améliorer sa production, ses performances et ses applications, tout en la rendant toujours plus sûre et respectueuse de l’environnement.
Le réchauffement climatique global provoqué par la société techno-industriel productiviste a bon dos. Il sert cyniquement d’excuse aux lobbys industriels et technocratiques pour continuer le même système techno-industriel !
Soigner le mal par plus de mal, il n’y a que dans la tête formatée des sociopathes extrémistes et fanatiques au pouvoir que des idées aussi farfelues peuvent germer.
Malgré les désastres qu’il a produit, la foi dans le progrès techno-industriel-scientifique ne semble pas se tarir, il faut dire que le capitalisme en veut toujours plus, ralentir serait synonyme de son effondrement, alors la Machine doit continuer à pédaler toujours plus vite, même dans le vide au dessus de l’abîme qu’elle a ouvert.
La chute n’en sera que plus brutale et radicale si on laisse encore se poursuivre ce système irréformable et indésirable.
Et si les miasmes du système techno-industriel productiviste tapissent aussi nos têtes, il faudra aussi que chacun.e fasse l’effort de s’en extraire, dans la lutte collective, l’effort de penser et de s’informer seul.e ou à plusieurs.