Des livres et des articles de Jérôme Baschet, pour en finir avec les « mauvais gouvernements » et le capitalisme, pour l’autonomie, la société du bien être et la multiplicité des mondes. Une pensée et des actes qui peuvent rejoindre et inspirer les gilets jaunes et autres rebelles :
- ADIEUX AU CAPITALISME Autonomie, société du bien être et multiplicité des mondes
- Une juste colère - Jérome Baschet - « On ne veut plus vivre comme avant » [Bonnes feuilles] - Une juste colère - Interrompre la destruction du monde de l’historien et anthropologue Jérôme Baschet, paraîtra le 12 septembre aux Editions Divergences. Nous en publions les bonnes feuilles et donc ce bon chapitre, parmi d’autres.
- 25 ans d’insurrection zapatiste : « C’est une forme de démocratie réelle, radicale »
- La rébellion zapatiste - Jérome Baschet
- Une juste colère (avec Jérôme Baschet), Podcast : Ce livre, en partant du mouvement des Gilets Jaunes, permet d’entrevoir une critique plus large du capitalisme. Aussi, les formes-de-vie qui se développent au Chiapas nous donnent véritablement de l’espoir à la fois pour la lutte et la construction d’un monde libéré de l’Économie.
Le podcast s’articule en trois temps. Tout d’abord on reviendra sur la civilisation marchande et sa critique. Puis on s’attardera sur le mouvement des Gilets Jaunes, notamment en le mettant en parallèle avec le mouvement zapatiste. Pour terminer on proposera une réflexion sur la complémentarité des stratégies et de la nécessité de la lutte offensive. - et aussi : Leur écologie et la nôtre - André Gorz répond aux entrepreneurs de la transition écologique - que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et, par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? Réforme ou révolution ?
- Une juste colère - sur Lundi.am
La prise en compte des coûts écologiques aura, en somme, les mêmes effets sociaux et économiques que la crise pétrolière. Et le capitalisme, loin de succomber à la crise, la gérera comme il l’a toujours fait : des groupes financiers bien placés profiteront des difficultés de groupes rivaux pour les absorber à bas prix et étendre leur mainmise sur l’économie. Le pouvoir central renforcera son contrôle sur la société : des technocrates calculeront des normes « optimales » de dépollution et de production, édicteront des réglementations, étendront les domaines de « vie programmée » et le champ d’activité des appareils de répression. (…)
Direz-vous que rien de tout cela n’est inévitable ? Sans doute. Mais c’est bien ainsi que les choses risquent de se passer si le capitalisme est contraint de prendre en compte les coûts écologiques sans qu’une attaque politique, lancée à tous les niveaux, lui arrache la maîtrise des opérations et lui oppose un tout autre projet de société et de civilisation. Car les partisans de la croissance ont raison sur un point au moins : dans le cadre de l’actuelle société et de l’actuel modèle de consommation, fondés sur l’inégalité, le privilège et la recherche du profit, la non-croissance ou la croissance négative peuvent seulement signifier stagnation, chômage, accroissement de l’écart qui sépare riches et pauvres. Dans le cadre de l’actuel mode de production, il n’est pas possible de limiter ou de bloquer la croissance tout en répartissant plus équitablement les biens disponibles.
l’expérience zapatiste représente une source d’inspiration plutôt qu’un modèle, au Mexique et au-delà. Du moins, pour tous ceux qui pensent qu’il ne peut y avoir de solution au désastre actuel qu’à partir du moment où l’on cherche à sortir du système capitaliste, et qu’un anticapitalisme conséquent doit se construire par le biais d’une autre politique qui renonce à la centralité des formes d’organisation étatiques.
Les zapatistes ont montré qu’une autre voie de transformation radicale était possible. C’est celle qu’ils dénomment autonomie et qui associe autogouvernement populaire et formes de vie autodéterminées. Elle ne demande qu’à croître partout où la dévastation provoquée par l’hydre capitaliste se fait de plus en plus flagrante et où toutes les solutions traditionnelles ont montré leurs limites ou leurs impossibilités. Cet esprit de l’autonomie n’est peut-être pas si éloigné de ce qui s’exprime dans les courants les plus novateurs des gilets jaunes, tels qu’on peut les voir à l’œuvre notamment dans la récente Assemblée des assemblées convoquée, fin janvier, à Commercy.
Tant qu’on raisonnera dans les limites de cette civilisation inégalitaire, la croissance apparaîtra à la masse des gens comme la promesse — pourtant entièrement illusoire — qu’ils cesseront un jour d’être « sous-privilégiés », et la non-croissance comme leur condamnation à la médiocrité sans espoir. Aussi n’est-ce pas tant à la croissance qu’il faut s’attaquer qu’à la mystification qu’elle entretient, à la dynamique des besoins croissants et toujours frustrés sur laquelle elle repose, à la compétition qu’elle organise en incitant les individus à vouloir, chacun, se hisser « au-dessus » des autres. La devise de cette société pourrait être : Ce qui est bon pour tous ne vaut rien. Tu ne seras respectable que si tu as « mieux » que les autres.
Or c’est l’inverse qu’il faut affirmer pour rompre avec l’idéologie de la croissance : Seul est digne de toi ce qui est bon pour tous. Seul mérite d’être produit ce qui ne privilégie ni n’abaisse personne. Nous pouvons être plus heureux avec moins d’opulence, car dans une société sans privilège, il n’y a pas de pauvres.
Considérables et semblant insurmontables sont les obstacles qui se dressent pour empêcher la réalisation du « monde du faire réconcilié, de la détente temporelle et de la créativité intersubjective ». Les dominants, peu enclins à renoncer à leurs privilèges, s’assurent un minimum de consentement pour maintenir quelques semblants de crédibilité avec l’idéologie des droits de l’Homme, la croyance dans la liberté d’expression et l’illusion de la démocratie électorale, même si leur fonction de leurre transparaît chaque fois avec plus d’évidence. « Finalement, la vie sociale relève d’un incroyable automatisme qui tient à l’incorporation pratique de ses normes : on agit ainsi parce que les choses sont ainsi. La permanence du système social repose donc sur une étrange tautologie : cela tient parce que cela tient. C’est-à-dire aussi… jusqu’au moment où cela commence à ne plus tenir. » S’enclenche alors un processus de dés-adhésion, de reconnaissance de l’arbitraire du monde social, donné jusque là pour un cadre intangible de vie, ouvrant la voie à la désobéissance, à l’insubordination, à l’expérimentation d’autres formes de subjectivités et d’autres manières d’agir. « Il ne s’agit plus de s’en remettre à un Événement majuscule, concentré dans le temps et reporté à un futur lointain, qu’il s’agisse de la conquête de l’État, d’une insurrection générale ou de l’effondrement du système capitaliste.