La vidéosurveillance biométrique-algorithmique française déployée sous prétexte des JO, avec légalisation de la reconnaissance faciale en vue, se rapproche de certaines pratiques chinoises.
Des cultures différentes, mais un fond autoritaire et techno-industriel commun qui converge vers des dystopies anciennement vues dans des films d’anticipation.
En france la vidéosurveillance biométrique-algorithmique automatisée se déploie à marche forcée sous prétexte de JO 2024, d’expérimentation, d’attentats, de protection des femmes, ou de n’importe quoi. Stop ou encore ?
Il s’agit pour le régime, le système policier et leurs amis de légaliser, étendre et couvrir moults pratiques de vidéosurveillance policière illégales en cours secrètement depuis des années, pour ensuite faire accepter/légaliser la reconnaissance faciale généralisée et tutti quanti. (voir des infos et débuts de pistes de refus/contestation sur le dossier de la Quadrature du net). Tant qu’à faire c’est la vidéosurveillance elle-même qu’il faut démanteler, pas seulement son extension biométrique.
Le totalitarisme numérique de la Chine menace toute la planète, par Célia Izoard - Si la Chine est un régime totalitaire, ce n’est pas seulement parce que le numérique donne des moyens de contrôle supplémentaires au Parti dictatorial. Ces dispositifs électroniques sont aussi porteurs de leur propre logique de régulation sociale, qui s’étend à l’ensemble de la planète.
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« Il arrive que l’on constate soudain, pendant un chat, que la discussion perd toute espèce de sens : c’est que certains termes sont effacés automatiquement par WeChat dans les échanges entre l’émetteur et le récepteur sans qu’aucun des deux n’en ait été informé. »
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Malgré son titre, ce n’est pas une dictature que décrit l’ouvrage de Kai Strittmatter, mais un régime totalitaire. Une dictature règne certes, comme en Chine, par la force et le mensonge ; elle confisque la sphère publique pour empêcher la création d’organisations dissidentes. Mais un régime totalitaire ne s’arroge pas seulement un monopole de la sphère publique ; comme l’a montré Hannah Arendt, il tente de soumettre et d’exploiter à ses propres fins toutes les sphères de l’existence, jusqu’aux plus intimes. Le système du crédit social mis en place pour lutter contre la « malhonnêteté », en cours de déploiement à l’ensemble du pays, permet ainsi d’ajuster en permanence la note de chaque citoyen en fonction du moindre de ses actes : un message posté sur internet, un don du sang, le fait de ne pas rendre visite à un parent âgé, de ne pas avoir rendu un livre à temps à la bibliothèque. En 2018, déjà, 17,5 millions de Chinois n’avaient plus le droit de prendre l’avion et 5,5 millions étaient privés de train à cause d’un mauvais score. Grâce au big data et à l’automatisation du contrôle par les algorithmes, il devient possible, même dans le pays le plus peuplé du monde, de placer un policier derrière chaque transaction, chaque mot, chaque mouvement.
Qu’on se rassure cependant : ce système est mis en place « dans le cadre légal le plus strict » de façon à « protéger la vie privée », assure le Parti.
« Certains peuvent se sentir menacés par un système qui met pratiquement chacun sous l’œil d’un microscope, lit-on dans le Quotidien du Peuple. Mais la grande majorité se sent en sécurité parce qu’elle sait que la technologie est entre de bonnes mains. »
Cela prêterait à rire si on ne retrouvait pas là mot pour mot les formules rassurantes qui entourent chez nous le déploiement des mêmes technologies : vidéosurveillance, biométrie, smart city, smart mobility – la centralisation des données en moins. Ces expressions toutes faites visent à maintenir une séparation purement théorique entre, d’un côté, la technologie, et, de l’autre, l’intentionnalité politique qui guiderait son déploiement. Mais existe-t-il vraiment une version « libérale » de cette infrastructure de big data ? Un monde « libre » où les millions de capteurs, de caméras, et toutes les données collectées ne serviront « qu’à » nous proposer de nouveaux services, à affiner le ciblage marketing, à nous bombarder de messages incitant à des comportements vertueux ?
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ce régime n’est pas une simple mise à jour high-tech de la dictature maoïste. Il est le fruit du croisement de deux idéologies totalitaires : le nationalisme hérité du maoïsme incarné par le Parti, et le techno-solutionnisme porté par l’industrie des nouvelles technologies du monde entier. Car ce dernier ne peut être réduit à un simple appareillage du pouvoir. Tout autant que le premier, il porte en lui une vision de l’organisation sociale et du devenir humain.
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Quand Tao Jingwen (...) déclare vouloir « porter le monde numérique dans chaque organisation, chaque famille et chaque être humain », il exprime un désir commun à la plupart des chefs d’entreprise de la Silicon Valley. Quand le PDG de Baidu dit : « Nous devons injecter de l’intelligence artificielle dans le moindre recoin de la vie humaine », il fait précisément écho aux discours d’Elon Musk, patron de Tesla, ou à ce que Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google
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Le totalitarisme numérique est installé en Chine, et cela nous concerne tous. Pas seulement parce que l’essentiel de nos objets matériels, ne serait-ce que par leurs matières premières ou leurs composants, sont issus d’une gigantesque prison à ciel ouvert où l’on n’a pas le droit d’écrire l’expression « pas d’accord ». Mais aussi parce que les élites économiques n’ont de cesse de vouloir « rattraper la Chine » en matière d’intelligence artificielle et de big data, et que l’on imagine difficilement à quoi pourrait ressembler, même sans le décorum autoritariste post-maoïste, une déclinaison démocratique de cette infrastructure de contrôle social.
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