Un dossier avec quelques articles, perspectives et analyses critiques sur l’agriculture industrielle et les limites des simples alternatives « bio-locale » qui sont coincées et phagocytées par le modèle techno-industriel productiviste.
A l’heure où le système agro-industriel et ses projets de conservation « forteresse » s’étendent, faisons le point.
- Impasse : agriculture alternative et magasins bio sont noyés dans le système agro-industriel dominant
- Robotisation et numérisation de l’agriculture aussi
L’agriculture malade de la technologie
L’agriculture industrielle nourrit mal la population, et ses alternatives inoffensives ne sont destinées qu’aux classes aisées, défendent les auteurs du livre « Reprendre la terre aux machines ». Pour eux, les alternatives (bio, Amap) doivent s’inscrire dans un projet politique dépassant la seule question agricole : rompre avec les logiques de marché et de technologisation.
Printemps 2016. À Paris, Nuit Debout draine les foules de curieux place de la République. Parmi elles, l’auteur de ces lignes, jeune banlieusard qui, de la campagne, n’a qu’une image d’Épinal, découvre par hasard lors d’un atelier sur les méfaits de l’agriculture industrielle que celle-ci ne nourrirait pas les hommes, mais les banques. Pour lui qui a été élevé à l’école républicaine, où l’on apprend sagement les mérites des Trente Glorieuses et de la révolution agricole, la chose étonne, mais l’idée germe et fait son chemin.
Cinq ans et des milliers de lignes lues plus tard, ledit jeune homme qui a mûri obtient confirmation de cette analyse avec Reprendre la terre aux machines, ouvrage collectif de L’Atelier paysan paru pendant la crise du Covid-19. Avec une explosion du nombre de demandeurs d’une aide alimentaire — en octobre 2020, 26 millions de personnes déclaraient ne pas avoir les moyens de manger comme elles le souhaitent —, celle-ci a dramatiquement mis en lumière un problème structurel : l’agriculture industrielle ne nourrit pas les gens.
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Dès lors, comment sortir l’agriculture du capitalisme ? Pour ce faire, il n’y a pas une solution miracle, mais une myriade de tactiques à déployer, tant à l’échelle locale que nationale et transnationale. En premier lieu, les auteurs appellent à s’appuyer sur les initiatives existantes, notamment en les réinscrivant dans un tissu de luttes qui dépasse la seule question agricole.
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il s’agit de dépasser « l’écologie sans conflit » dont rêvent plusieurs acteurs de l’agriculture alternative et de « faire le deuil de l’idée que le monde puisse changer sous l’effet de nos choix personnels ».
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chercher la désescalade technologique, à rebours de l’invasion des champs par la robotique, les algorithmes et l’intelligence artificielle, sources d’un nouvel endettement des exploitants et donc d’une nouvelle hécatombe sociale, et viser au contraire « des communautés paysannes technologiquement autonomes », à l’abri des banques et des industriels. En second lieu, rompre avec les logiques de marché auxquelles ont souscrit bon nombre d’alternatives agricoles en initiant une véritable socialisation de l’alimentation. S’inspirant de la Sécurité sociale telle qu’elle existait aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, les auteurs ambitionnent une Sécurité sociale de l’alimentation allouant à chaque citoyen une somme lui permettant de se nourrir décemment et, surtout, de leur donner le choix de ce qu’il mange et de la manière dont on le produit. Une telle mesure permettrait, au bout du compte, la réorganisation complète de la filière agricole, en accord entre citoyens et paysans.
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« l’exigence de la délibération politique et populaire dans la production de l’alimentation, dans les choix technologiques en agriculture, dans la répartition de la terre à celles et ceux qui la travaillent, dans la distribution de la nourriture à toutes et tous »
Voir aussi : En finir avec le mythe de la réussite agricole alternative (permaculture et microfermes) - Envisager ces bonnes approches et pratiques agricoles dans un autre système économique que le capitalisme ?
- Impasse : agriculture alternative et magasins bio sont noyés dans le système agro-industriel dominant
- Tout industrialiser et robotiser pour satisfaire l’appétit dévastateur de la mégamachine techno-capitaliste de la civilisation industrielle
La fuite en avant dans la robotisation et la technologie
Voici ce que le gouvernement et ses soutiens/influenceurs techno-capitalistes souhaitent imposer en guise d’"agriculture" :
Robots, coaching et intelligence artificielle... l’agriculture selon Xavier Niel - Une « business school » agricole portée notamment par le milliardaire Xavier Niel va ouvrir ses portes dans les Yvelines : Hectar. Syndicats de l’enseignement agricole public et paysans sont hostiles à ce campus version « start-up nation » qui promeut une agriculture technologisée.
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C’est une business school agricole ». Si on n’y apprendra pas les bases du métier agricole, qu’enseignera-t-on à Hectar ? La seule formation bénéficiant d’une plaquette de communication détaillée — qui serait aussi la première à être complète — est celle proposée en partenariat avec l’école 42 de M. Niel. Baptisée Agritech IA, elle permettra aux étudiants de « développer des compétences techniques dans le cadre de projets d’intelligence artificielle liés au contexte et aux besoins du secteur agricole ». Au programme : édition de logiciels agricoles, « fermes verticales intelligentes », serres connectées et robots de désherbage
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« D’un côté, on veut asphyxier l’édredon dans la valise, et de l’autre, on laisse la place aux officines privées qui peuvent ainsi se verdir la cerise tranquille »
A un niveau plus général, c’est la même fuite en avant : Une 4e révolution industrielle dévastatrice en guise de politique « climatique »
- Impasse : agriculture alternative et magasins bio sont noyés dans le système agro-industriel dominant
- Des drones automatiques localisés par GPS et satellites, de la 5G, à la place des paysans
La "conservation forteresse", au service du Capital avant tout
Actualité de début septembre 2021 :
📢La Confédération Paysanne de la Drôme est à Marseille, au sommet "Notre Terre, Notre Nature", qui précède le congrès de l’Union Internationale de la Conservation de la Nature. Les paysans sont présents pour dénoncer la financiarisation de la terre. Avec La Via Campesina Les paysans défendent la justice sociale et climatique.✊
En ce moment à. Marseille : contre-sommet à celui de l’UICN qui s’apprête à étendre la "conservation forteresse" sur 30% de la.planète. Une vision capitaliste de la conservation de la nature qui met les paysans et les peuples autochtones dehors, ici comme là bas, tout en les stigmatisant
(posts sur Confédération Paysanne de la Drôme)
Sur la financiarisation du vivant, nouvel eldorado pour la valorisation compulsive du Capital : Capital naturel : capitalisme et technologisme veulent capter le monde naturel pour leurs profits - Financiarisation de la nature et accélération technocapitaliste, « vertes » bien sûr
- Impasse : agriculture alternative et magasins bio sont noyés dans le système agro-industriel dominant
- L’homme machinique au milieu des machines
Compléments d’info
Exemple dans la vallée de la Drôme de la pression de la grande distribution :
- LIDL Aouste : pas besoin de référendum pour refuser définitivement tout projet d’implantation
- Le projet supermarché LIDL à Aouste sur Sye veut faire pression à l’aide d’un sondage « orienté »
- LIDL Aouste-sur-Sye : coopération solidaire au lieu de supermarchés commerciaux
Pour élargir et compléter le sujet :
- Du sacrifice de la paysannerie à son renouveau - souhaitable
- Gastronomie : la « nourriture » industrielle est mauvaise à tout point de vue, mais sa production est autorisée et elle est en vente libre
- Marché de la Foodtech : Dark kitchen et dark store - Détruire et remplacer petits restaurants et épiceries - Les micro-résistances, les activités alternatives (coopératives, associations, collectifs...), aussi louables et éthiques soient-elles, ne font pas le poids face à la puissance commerciale de l’agro-business mondialisé, de leurs publicités omniprésentes qui distillent l’idéologie de la marchandise et du consumérisme, de leurs médias de masse militants pour le productivisme, des législations faites pour eux et par eux, de l’influence qui s’étend jusqu’en dans les systèmes scolaires, dans le développement de techniques et de recherches scientifiques calquées sur les besoins de la valorisation du Capital et non sur une qualité de vie recherché en tout domaine.
- C’est vital, Amazon doit disparaître définitivement...
- Politisons la restauration écologique
- Voir articles sur la revue TERRESTRES
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- Des robots dans les champs industriels, toujours plus loin de l’écologie
Publications de la coopérative L’Atelier paysan :
Livre : Reprendre la terre aux machines. Manifeste de la coopérative L’Atelier paysan - Bonnes feuilles – Comment s’attaquer à l’hégémonie du complexe agro-industriel et enrayer sa logique productiviste ? L’Atelier-Paysan propose diagnostics et stratégies pour construire l’autonomie paysanne et alimentaire. L’introduction du livre précise les enjeux et objectifs du projet, dont l’ambition est de rendre possible l’installation d’un million de paysannes.
Observations sur les technologies agricoles, notre premier rapport d’observatoire
Dans le prolongement de sa stratégie de transformation sociale, l’Atelier Paysan publie un deuxième livre, enrichissant et complétant les réflexions politiques développées dans l’essai " Reprendre la terre aux machines " (Le Seuil, mai 2021). Voici le premier rapport d’ « Observations sur les technologies agricoles », préparé depuis un an avec un groupe de sociétaires, rassemblées au sein d’un Observatoire, nouvelle instance de notre coopérative
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Le rapport montre, sur la base des informations agrégées depuis 1988 par le Réseau d’information comptable agricole (RICA), que l’aberration est aussi économique pour les paysans. Nous y mettons en lumière un véritable cul-de-sac, puisqu’en dépit des promesses d’économies d’échelles qui accompagnent l’injonction à toujours s’agrandir en avalant les fermes voisines, les coûts liés à la machine, aux bâtiments et aux intrants qui accompagnent le déploiement de technologies agricoles croissent bien plus vite que le revenu par paysan. Pire, ces coûts, rapportés à l’unité de surface, augmentent : cela signifie que plus les fermes se sont étendues en taille, plus le revenu généré par économie d’échelle a enrichi les industries de l’amont (agrofourniture, machinisme, etc.) et de l’aval, au détriment des paysans.
Les deux autres articles du rapport sont davantage des récits de deux dynamiques qui expliquent les origines de cette disparition des paysans : les politiques dites « publiques » et le secteur industriel de la machine agricole. Le premier montre ainsi ce qu’ont été, depuis plus de 70 ans, les politiques agricoles en matière de machinisme, depuis le premier plan quinquennal (au sortir de la Seconde guerre mondiale) jusqu’au « plan de relance » annoncé en 2020 par Emmanuel Macron : la disparition des paysans n’est pas un dommage collatéral involontaire mais un but recherché, hier par les politiques de restructuration, aujourd’hui par la robotisation. Que l’objectif soit désormais moins ouvertement assumé ne le rend pas moins glaçant.
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- Impasse : agriculture alternative et magasins bio sont noyés dans le système agro-industriel dominant
- L’agriculture industrielle capitaliste réclame toujours plus de technologie, de productivité