Pour attaquer la rentrée du bon pied, Les Editions Libre proposent une traduction exclusive du dernier ouvrage du célèbre mathématicien Theodore J. Kaczynski.
Pour aller au delà du constat des carnages qui s’accumulent, pour éviter les "illusions vertes", le désespoir ou la résignation : penser de manière pratique et avec stratégie.
Révolution anti-tech. Pourquoi et comment ?
𝑄𝑢𝑎𝑡𝑟𝑖𝑒̀𝑚𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑡𝑢𝑟𝑒 :
La société dans laquelle nous vivons semble de plus en plus hors de contrôle. Mais il ne s’agit pas d’une simple impression, nous explique Theodore Kaczynski, histoire et sciences dures à l’appui. En effet, plus un système se complexifie, plus son instabilité augmente. Toute gestion rationnelle de son développement devient alors impossible ; de même qu’en matière de prédictions économiques ou météorologiques, dès que l’on dépasse le très court terme, « l’échec est la norme ». D’où l’importance de mettre fin au développement technologique qui ravage actuellement les systèmes sociaux et biologiques mondiaux et menace de détruire l’essentiel de la vie sur Terre.
Au travers d’un examen des organisations révolutionnaires du passé permettant d’identifier les erreurs à éviter, Kaczynski formule les règles objectives et les principes organisationnels que devrait suivre tout mouvement souhaitant sérieusement endiguer la catastrophe sociale et écologique en cours.
« Beaucoup de gens se rendent aujourd’hui compte que la société moderne court, d’une façon ou d’une autre, à la catastrophe, et considèrent la technologie comme la racine commune des principaux dangers qui nous guettent. […] Ce livre a pour but de montrer à ses lecteurs comment penser de manière pratique, et en termes de haute stratégie, ce qui doit être fait pour sortir notre société de la voie qui la mène droit à la destruction. »
Cette ouvrage sera disponible en librairie le 10 septembre, et un peu plus tôt via notre site internet !
https://www.editionslibre.org/nouveautes-et-preventes/
- Stratégie pour faire s’effondrer le système techno-industriel, et donc préserver le vivant
- Un livre essentiel pour la rentrée
Sur Theodore Kaczynski et sa prétendue folie
Au mois de septembre de cette année 2021, aux Éditions Libre, nous publions une traduction du dernier livre de Theodore Kaczynski, 𝘙𝘦́𝘷𝘰𝘭𝘶𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘈𝘯𝘵𝘪-𝘛𝘦𝘤𝘩 : 𝘗𝘰𝘶𝘳𝘲𝘶𝘰𝘪 𝘦𝘵 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦𝘯𝘵 ? Immanquablement, machinalement, d’aucuns nous reprocheront — à tort — de faire la promotion d’un affreux « terroriste », d’un fou dangereux.
À tort, parce que si nous avons jugé pertinent de proposer une version française de cet ouvrage, ce n’est pas 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘱𝘳𝘰𝘮𝘰𝘶𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘛𝘩𝘦𝘰𝘥𝘰𝘳𝘦 𝘒𝘢𝘤𝘻𝘺𝘯𝘴𝘬𝘪, mais 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘯𝘢𝘪̂𝘵𝘳𝘦 𝘤𝘦𝘳𝘵𝘢𝘪𝘯𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘴𝘦𝘴 𝘪𝘥𝘦́𝘦𝘴, 𝘴𝘰𝘯 𝘢𝘯𝘢𝘭𝘺𝘴𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘱𝘳𝘦́𝘴𝘦𝘯𝘵𝘦 𝘴𝘪𝘵𝘶𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘴𝘰𝘤𝘪𝘰-𝘦́𝘤𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘦𝘵 𝘴𝘦𝘴 𝘱𝘳𝘰𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯𝘴. Celles-ci ne sont absolument pas — ainsi que la lecture du livre vous le confirmera — des encouragements à assassiner plus ou moins n’importe qui ou à poser des bombes dans des endroits pour la seule raison qu’ils nous énervent. Car, bien entendu, les attentats et tentatives d’attentats de Kaczynski, les actes pour lesquels il fut condamné, étaient à la fois stupides, licencieux, dangereusement hasardeux et moralement indignes, donc condamnables[1].
Cependant, on note que si beaucoup considèrent Kaczynski comme un « terroriste » c’est, très simplement, parce qu’il a commis un certain nombre de meurtres, infligés des blessures et des souffrances. Les raisons de ses agissements et la qualité de ses victimes importent peu. Leur raisonnement est plutôt quantitatif que qualitatif. Kaczynski est un terroriste parce qu’il a tué ou blessé des gens (peu importe qui, peu importe pourquoi). Soit. Seulement, sur ce même plan moral abstrait, on remarque que Kaczynski a bien moins tué d’êtres humains que n’importe quel président des États-Unis[2] ou de France durant n’importe quel mandat ordinaire (au travers de ses agissements, décisions politiques, absence de décision politique [laisser mourir des gens dans les rues alors qu’on dispose du pouvoir de les aider, et parfois qu’on a promis de ce faire, par exemple], ventes d’armes, déclarations de guerre, interventions militaires, etc.), que nombre de généraux ou de soldats des armées des États-Unis ou de France, ou encore que nombre de PDG de multinationales (qui trafiquent des marchandises ou matières premières issues de zones en guerre ou de régions dans lesquelles des conflits sociaux font rage, qui imposent à des employés des conditions de travail cancérigènes, qui ordonnent de massacrer en masse des « animaux d’élevages », dont les décisions induisent parfois des guerres, des conflits sociaux, des destructions écologiques terribles, etc.).
(Certes, les victimes des guerres initiées par des chefs d’État sont facilement rationalisées. Il y a un motif valable, logique, respectable, à ces meurtres : il s’agit de terroristes, d’ennemis, de méchants — en tout cas de personnes désignées ainsi par le pouvoir. Tout comme les massacres d’animaux d’élevage en abattoirs sont facilement rationalisés au moyen d’une certaine idéologie, etc.)
Aussi, en condamnant la malfaisance d’un ignoble « terroriste » désigné à la vindicte populaire par les autorités, le respectable citoyen peut-il se sentir vertueux à peu de frais. Lui n’a pas tué, blessé, lui n’est pas mauvais, lui ne fait rien d’immoral — n’est-ce pas ? Pas vraiment. Mais ce qu’il y a de pratique avec la complexité, l’étendue et l’opacité des processus qui constituent la civilisation industrielle, c’est que lorsqu’on en consomme les produits, en bout de chaîne, en les collectant dans les rayons d’un supermarché, par exemple, on n’a pas l’impression de commettre le moindre mal. C’est en toute inconscience, ou ignorance, que l’on achète des marchandises produites grâce à l’exploitation d’êtres humains ici ou là, parfois d’enfants dans des mines au Congo, parfois issues de zones de guerre, ou d’endroits où des conflits sociaux font couler le sang, etc. C’est pourquoi les plus gros consommateurs (ceux qui disposent du pouvoir d’achat le plus conséquent) sont aussi ceux qui se retrouvent avec le plus de sang sur leurs mains. Qui connaît réellement les impacts sociaux et écologiques de tous ses choix de consommation, de tous ses achats (les afflictions humaines condensées dans un iPhone, les dommages écologiques condensées dans une voiture électrique, etc.) ? Qui peut prétendre n’avoir jamais cautionné la moindre infliction de souffrance ? Avant de juger férocement les agissements de Kaczynski, chacun devrait réfléchir, essayer d’évaluer les conséquences des siens. (Difficile, presque impossible ? Oui. Cela fait partie des inéluctables effets de la civilisation industrielle, du fait d’évoluer dans un système social ayant très largement dépassé la mesure de l’être humain, induisant le « décalage prométhéen » dont parlait Günther Anders et que dénonce aussi, à sa manière, Theodore Kaczynski.)
Quoi qu’il en soit, une dernière chose. Les médias de masse et les institutions dominantes décidèrent — et continuent — de présenter Kaczynski comme un individu littéralement atteint de sévères troubles mentaux. « L’auteur de 𝘓𝘢 𝘚𝘰𝘤𝘪𝘦́𝘵𝘦́ 𝘪𝘯𝘥𝘶𝘴𝘵𝘳𝘪𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘦𝘵 𝘴𝘰𝘯 𝘢𝘷𝘦𝘯𝘪𝘳 s’est évertué à plaider coupable, afin de souligner la rationalité de ses propos », comme le rappelle Renaud Garcia, mais le « recours des institutions à la vieille technique de psychiatrisation de l’accusé (schizophrène, paranoïaque) a néanmoins fait son chemin dans l’opinion ». Kaczynski ne serait rien qu’un fou (contrairement aux très sains d’esprit ingénieurs, scientifiques, techniciens qui conçoivent les bombes atomiques, les bombes et les armes modernes en général, les drones, les « armes bactériologiques » ou « biologiques » pour le compte de différents États, contrairement aux chefs‑d’État-marchands‑d’armes qui imposent d’ignobles inégalités et l’exploitation de tous par tous, aux PDG qui sacrifient le monde pour leurs profits immédiats, etc.). Pour comprendre la « psychiatrisation » de Kaczynski, voici quelques éléments de réflexion.
𝗜.
Dans un article intitulé “The Unabomber Returns” (« Le retour de l’Unabomber »), publié le 20 mai 2011 sur le site du 𝘕𝘦𝘸 𝘠𝘰𝘳𝘬𝘦𝘳, William Finnegan, journaliste de longue date pour le 𝘕𝘦𝘸 𝘠𝘰𝘳𝘬𝘦𝘳 — qui s’était chargé, en 1998, de couvrir le procès de Kaczynski, notamment au travers d’un célèbre article —, résume l’affaire comme suit :
« Le procès se termina d’une mauvaise manière. Je fus amené à penser, du moins, qu’une alliance de convenance entre les procureurs, les psychiatres, les spécialistes de la prévention de la peine de mort, les avocats de Kaczynski et même le juge chargé de l’affaire, contraignit Kaczynski à plaider coupable et à être condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Pour diverses raisons, personne ne souhaitait que l’Unabomber bénéficie de la possibilité d’expliquer, au tribunal, pourquoi il avait fait ce qu’il avait fait. Un psychiatre engagé par la défense me confia que ses opinions anti-technologie étaient en elles-mêmes une preuve de schizophrénie paranoïde. D’ailleurs, ces opinions avaient été amplement exposées dans un essai de trente-cinq mille mots intitulé 𝘓𝘢 𝘚𝘰𝘤𝘪𝘦́𝘵𝘦́ 𝘪𝘯𝘥𝘶𝘴𝘵𝘳𝘪𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘦𝘵 𝘴𝘰𝘯 𝘢𝘷𝘦𝘯𝘪𝘳, que le 𝘛𝘪𝘮𝘦𝘴 et le 𝘞𝘢𝘴𝘩𝘪𝘯𝘨𝘵𝘰𝘯 𝘗𝘰𝘴𝘵 avaient été contraints de publier en 1995, en échange de la promesse de l’auteur d’arrêter ses attentats à la bombe. Cet essai — plus connu sous le nom de Manifeste — n’était pas d’une lecture aisée, mais assez convaincante. James Q. Wilson, spécialiste conservateur des sciences sociales, écrivit dans une tribune libre du Times : “S’il s’agit de l’œuvre d’un fou, alors les écrits de nombreux philosophes politiques — Jean Jacques Rousseau, Tom Paine, Karl Marx — ne sont guère plus sains d’esprit.” »
𝗜𝗜.
Alston Chase, ex-professeur de philosophie diplômé d’Harvard, Oxford et Princeton, est l’auteur d’un livre intitulé 𝘏𝘢𝘳𝘷𝘢𝘳𝘥 𝘢𝘯𝘥 𝘵𝘩𝘦 𝘜𝘯𝘢𝘣𝘰𝘮𝘣𝘦𝘳 : 𝘛𝘩𝘦 𝘌𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘰𝘧 𝘢𝘯 𝘈𝘮𝘦𝘳𝘪𝘤𝘢𝘯 𝘛𝘦𝘳𝘳𝘰𝘳𝘪𝘴𝘵 (« Harvard et l’Unabomber : l’éducation d’un terroriste américain »). Dans un article publié dans le numéro de juin 2000 du mensuel américain 𝘛𝘩𝘦 𝘈𝘵𝘭𝘢𝘯𝘵𝘪𝘤, intitulé “Harvard and the Making of the Unabomber” (« Harvard et la fabrique de l’Unabomber »), il commente la prétendue folie de Theodore Kaczynski :
« Michael Mello, professeur à la Vermont Law School (école de droit du Vermont), est l’auteur d’un livre intitulé 𝘛𝘩𝘦 𝘜𝘯𝘪𝘵𝘦𝘥 𝘚𝘵𝘢𝘵𝘦𝘴 𝘰𝘧 𝘈𝘮𝘦𝘳𝘪𝘤𝘢 𝘷𝘴. 𝘛𝘩𝘦𝘰𝘥𝘰𝘳𝘦 𝘑𝘰𝘩𝘯 𝘒𝘢𝘤𝘻𝘺𝘯𝘴𝘬𝘪 (Les États-Unis d’Amérique vs. Theodore Kaczynski). De concert avec William Finnegan, journaliste au 𝘕𝘦𝘸 𝘠𝘰𝘳𝘬𝘦𝘳, il affirme que le frère de Kaczynski, David, sa mère, Wanda, et leur avocat, Tony Bisceglie, ainsi que les avocats de la défense de Kaczynski, persuadèrent de nombreux médias de dépeindre Kaczynski comme un schizophrène paranoïaque. Dans une certaine mesure, c’est exact. Soucieux d’éviter l’exécution de Theodore Kaczynski, David et Wanda accordèrent une série d’interviews, à partir de 1996, au 𝘞𝘢𝘴𝘩𝘪𝘯𝘨𝘵𝘰𝘯 𝘗𝘰𝘴𝘵, au 𝘕𝘦𝘸 𝘠𝘰𝘳𝘬 𝘛𝘪𝘮𝘦𝘴 et à 𝘚𝘪𝘹𝘵𝘺 𝘔𝘪𝘯𝘶𝘵𝘦𝘴, entre autres, dans lesquelles ils cherchèrent à dépeindre Kaczynski comme mentalement perturbé et pathologiquement antisocial depuis l’enfance. En contrepoint, contre sa volonté et à son insu, affirme Theodore Kaczynski, ses avocats recoururent à l’argument de la santé mentale défaillante pour le défendre.
Une psychologue travaillant pour la défense, Karen Bronk Froming, conclut que Kaczynski présentait une “prédisposition à la schizophrénie”. Un autre, David Vernon Foster, perçut en lui “une image claire et cohérente de schizophrénie, de type paranoïaque”. Un autre encore, Xavier F. Amador, décrivit Kaczynski comme “typique de centaines de patients atteints de schizophrénie”. Comment ces experts étaient-ils parvenus à leurs conclusions ? Si des tests objectifs, seuls, avaient suggéré à Froming que les réponses de Kaczynski étaient “compatibles avec” la schizophrénie, elle confia à Finnegan que c’étaient ses écrits — en particulier ses opinions “anti-technologie” — qui l’avaient amenée à cette conclusion. Foster, qui rencontra Kaczynski à quelques reprises mais ne l’examina jamais formellement, cita ses “thèmes délirant” comme preuve de sa maladie. Amador, qui ne rencontra jamais Kaczynski, fonda son jugement sur les “croyances délirantes” qu’il avait détectées dans les écrits de Kaczynski. Quant au diagnostic provisoire de Sally Johnson, selon lequel Kaczynski souffrait d’une schizophrénie de type paranoïaque, il reposait en grande partie sur sa conviction qu’il entretenait des “croyances délirantes” au sujet des menaces posées par la technologie. Les experts trouvèrent également des preuves de la folie de Kaczynski dans son refus d’accepter leurs diagnostics ou de les aider à les établir.
La plupart des allégations de maladie mentale à son encontre reposaient sur les diagnostics d’experts dont les jugements, par conséquent, découlaient en grande partie de leurs opinions concernant la philosophie de Kaczynski et ses habitudes personnelles — il s’agissait d’un ermite, d’un homme en apparence sauvage, qui ne faisait pas beaucoup le ménage, d’un célibataire — et de son refus d’admettre qu’il était malade. En effet, Froming affirma que “l’inconscience de sa maladie” était un signe de sa maladie. Foster se plaignit du “refus [de l’accusé] de coopérer pleinement à l’évaluation psychiatrique, découlant de ses symptômes”. Amador déclara que l’accusé souffrait “de déficits sévères dans la conscience de sa maladie”.
Mais Kaczynski n’était pas plus négligé que beaucoup d’autres personnes qui vivent aujourd’hui dans nos rues. Sa cabane n’était pas plus en désordre que les bureaux de nombreux professeurs d’université. Le Montana sauvage est rempli de déserteurs comme Kaczynski (et moi). Le célibat et la misanthropie ne sont pas des maladies. Kaczynski n’était même pas un véritable ermite. N’importe quel journaliste pourrait rapidement découvrir, comme je l’ai fait en interrogeant des dizaines de personnes l’ayant connu (camarades de classe, professeurs, voisins), qu’il n’était pas le solitaire extrême que les médias dépeignirent. En outre, il serait passablement absurde de sérieusement considérer le refus d’admettre que l’on est fou ou de coopérer avec des personnes payées pour nous déclarer fou comme une preuve de folie. »
[...]
Pour la suite, c’est par ici : Sur Theodore Kaczynski et sa prétendue folie (par Nicolas Casaux)
Forum de l’article