Guerre en Ukraine : une critique du « campisme » de gauche + Quelques réflexions critiques sur la guerre

Au lieu de ménager la Russie en tant qu’« ennemie » de l’impérialisme américain, se battre maintenant

lundi 2 octobre 2023, par Camille Z.

J’ai peu creusé le sujet épineux de la guerre menée en Ukraine par la Russie, et je connais finalement peu le campisme de gauche. Alors j’ai trouvé intéressant et éclairant cet article de P Madelin, sans être d’accord sur tout.
Plus bas, je tente aussi quelques réflexions personnelles sur ce conflit, sur la guerre en général, sur le système guerrier qui génère la guerre militaire.

- Des pensées décoloniales à l’épreuve de la guerre en Ukraine
Le 24 février dernier, l’armée russe envahissait l’Ukraine dans le cadre d’une opération militaire de grande ampleur dont le but était de décapiter rapidement le pouvoir ukrainien et de soumettre le pays. Cette invasion brutale, rapidement accompagnée par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité massifs – bombardements intensifs des infrastructures et des populations civiles, urbicides comme à Marioupol, massacres comme à Boutcha, usage fréquent et parfois même systématique du viol et de la torture – a plongé les gauches mondiales dans un abîme de perplexité. « Des militants d’habitude si résolus dans leur soutien de toutes les victimes de la guerre et du capitalisme sont soudainement devenus extrêmement nuancés et "réflexifs" », ironisait alors le politologue ukrainien Denys Gorbach dans lundimatin. De fait, une frange importante de la gauche, de l’Amérique latine à l’Inde en passant par la France, adopta des positions dites « campistes ».
(...)

Guerre en Ukraine : une critique du « campisme » de gauche + Quelques réflexions critiques sur la guerre
Guernica

Quelques réflexions persos

On se sent déjà tellement impuissant concernant les choix politiques locaux, c’est encore pire concernant l’échelle nationale, et encore pire pour l’échelon international !

Connaissant peu l’histoire de la Russie et de l’Ukraine je suis bien embêté d’avoir un avis tranché sur le sujet de la réaction à avoir concernant la guerre que mène Poutine (c’est un peu le même problème pour toutes les guerres).
Comme la plupart des gens, je suis contre la guerre, pour la paix, alors je critique un Etat qui déclenche une guerre, quel que soit le prétexte.
Mais pour autant, vais-je soutenir la résistance armée des ukrainiens et les envois d’armements à l’Ukraine par d’autres pays ?
Difficile quand on est antimilitariste et contre le système des Etats...

Je comprends qu’une bonne part des ukrainiens veulent défendre leur pays et leur indépendance, leur capacité à décider de leur avenir.
On peut se dire que la Russie de Poutine est pire que l’Etat ukrainien, et que les marges de manoeuvres contestataires sont plus importantes en Ukraine qu’en Russie, et donc que c’est important de tout faire pour éviter que ça empire en Ukraine ?
Il y a des degrés en enfer, alors il faut se battre pour un enfer moindre ?
Evidemment, Poutine et ses généraux ne vont pas céder face à des protestations et des marches pacifiques.
Il faudrait alors accepter par réalisme la résistance armée comme un mal nécessaire, et donc accepter les nombreux morts et blessés, les destructions/pollutions et les innombrables souffrances subies par les peuples ukrainiens et leurs soldats ? (et aussi celles des soldats russes)
Si la majorité des ukrainiens choisissent cette voie tout le monde devrait les soutenir et leur envoyer un maximum d’armes ?

Ca ne me parle pas vraiment.
Je me demande ce que je ferais si un Etat belliqueux et carrément dictatorial envahissait la France. Fuite ? Résistance passive et discrète en attendant des jours meilleurs ? Sabotage clandestin ? Lutte armée, avec l’armée officielle ou en dehors ?
Difficile de répondre sans être confronté au problème.

Pour moi, tous les Etats portent en eux la guerre, et les états industriels/capitalistes encore plus. Donc l’existence et la persistance des Etats (et du capitalisme, du système techno-industriel...) est déjà un échec collectif, une situation néfaste, dangereuse, une violence structurelle que la guerre militaire perpétue et aggrave.
Je ne me vois pas défendre une patrie, un Etat, à côté des armées régulières et des gouvernements tyraniques. Alors constituer une brigade parallèle ? ...qui risque d’avoir un poids négligeable et d’être absorbée/effacée par l’armée « officielle » et ses objectifs de restauration de l’ordre d’avant...

J’aurais trop l’impression d’être un pion participant à un conflit entre puissances, pour des intérêts qui me dépassent totalement et un pour un modèle de société qui me débecte.
D’un coup, en cas de guerre, les Etats et leurs gouvernements qui nous méprisent habituellement, nous maintiennent par la force armée dans l’impuissance totale, ignorent et piétinent nos choix, et détruisent sans scrupules nos vies et nos moyens de subsistances, nous appelleraient (nous obligeraient le plus souvent) à défendre le pays en nous valorisant et en nous fourguant des médailles de « héro national » ??!
Après avoir été exploité par le Capital, après avoir subi la bureaucratie et les institutions politiques antidémocratiques, il faudrait lutter avec eux pour défendre les territoires où on vit ? Tous ensemble ? Et après on continue comme avant, ou ils lâchent quelques grosses miettes comme après 1945 ?
Les institutions et individus qui ravagent les territoires et notre avenir voudraient qu’on aille se faire tuer dans un conflit militaire pour éviter que ces territoires soient ravagés par un autre Etat, une autre puissance techno-industrielle ?
J’aurais plutôt envie de tous les envoyer se faire foutre, gouvernement local comme ennemi envahisseur, et de fuir « lâchement » ailleurs si la situation devenait trop difficile/dangereuse, pour rejoindre la cohorte des réfugiés et déserteurs.

- Russie, USA, Chine, Ukraine sont peut-être ennemis, mais en tout cas ils commercent entre eux non stop (mondialisation capitaliste oblige) et se retrouvent tous d’accords pour maintenir le productivisme, l’étatisme et l’assujetissement des peuples, chacun avec son style et ses méthodes. Ils sont donc davantage concurrents qu’ennemis.

- Concernant la guerre de l’Etat russe contre l’ukraine, je suis épaté du courage des russes et autres en Biélorussie, anarchistes ou non, qui ont pratiqué des sabotages (de voix ferrées par exemple) pour ralentir le déploiement de l’armée, mené des actions contre des centres de recrutement militaire, etc. Il y a eu aussi le mouvement russe anti-guerre et des anarchistes qui ont essayé de gripper la machine de guerre et de propagande.
Si énormément de russes avaient participé à tout ça par divers moyens, Poutine et sa guerre aurait été sans doute destabilisés.

En fait, ici en France on n’est pas vraiment en paix. Le système en place mène une guerre économique implacable et fabrique des individus en guerre les uns contre les autres, il néo-colonise, pratique une guerre contre la biosphère, une guerre sociale, tout en se militarisant, tout en fabriquant et vendant des tas d’armes à diverses dictatures, tout en ayant des échanges commerciaux/industriels poussés avec des dictatures (dont la Russie).
La guerre militaire est un paroxysme de tout ça, une suite.
Aussi, la résistance à la guerre il faudrait plutôt et surtout que ce soit maintenant, ici et partout, pour lutter contre le système en place et pour des mondes vivables.
Quand les armées, les bombes, les missiles, les grenades, les balles se déversent sur nous, c’est en quelque sorte trop tard. On a perdu, et il reste à fuir, à s’adapter. A résister par des moyens clandestins et non-armés (sabotage d’infrastructures, grève du zèle au travail, réseaux d’émigration pour réfugiés et déserteurs...) ?
Quand par malheur la guerre militaire et ses blindés se déversent, fuir au lieu de continuer par les armes la guerre permanente que se livrent les industriels et les Etats pour la domination des cheptels humains et l’exploitation des ressources.

C’est un peu comme les catastrophes climatiques/écologiques provoquées par la civilisation industrielle. Quand tout a été détruit, que le climat est entré dans un auto-emballement débridé, qu’on ne peut plus faire machine arrière, et qu’alors on réagit face à des famines énormes et d’autres périls mortels immédiats (qu’on peut « comparer » à la guerre), c’est trop tard pour enrayer les choses (il fallait résister avant), il reste à fuir et à s’adapter tant qu’on le peut.

Pour éviter à tout prix les guerres, c’est le système en place qu’on doit détester, combattre, entraver, démanteler et remplacer. Maintenant. Partout.

- D’autres articles précédemment sur Ricochets en compléments :


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