Voici un article très intéressant qui fera date, il résume bien le cynisme brutal et sans limites des gouvernants et des puissants capitalistes : Seulement nous : l’écologie-contre-l’État, par Frédéric Neyrat, extraits :
« Nous, et personne d’autre ». - Il y a une scène bouleversante dans le dernier film de Todd Haynes, Dark Waters (2019), qui montre comment des produits toxiques utilisés dans la production de Teflon ont été déversés dans le fleuve Ohio. L’avocat, qui est passé du camp des multinationales à celui des paysans et riverains exposés aux substances toxiques génératrices de cancers, déclare : « Le système est truqué. Ils veulent nous faire croire que ce système nous protégera mais c’est un mensonge : nous nous protégeons, nous, et personne d’autre ».
Un tel désarroi recoupe un sentiment partagé : nous sentons bien, nous expérimentons chaque jour que les gouvernements, pour ne pas même parler des multinationales, ne nous protègent pas – et, plus encore, ne cherchent pas à nous protéger. La COP25, dernier en date des sommets consacrés aux changements climatiques, a abouti à une absence totale de mesures. Il y a encore quelques années, les gouvernements assemblés auraient au moins fait croire à des mesures, des intentions ou des plans à long-terme (réduire les émissions de CO2 à l’horizon 2173, et le tout-solaire programmé pour 2456, juste après la colonisation de Neptune). Mais ces faux-semblants sont tombés ; ne reste que la vérité politique de notre temps : il n’y a rien à attendre des gouvernements. Or cette vérité en dissimule une autre, plus surprenante : les gouvernements, eux-non plus, n’attendent plus rien de nous.
- Le capitalisme transforme la Terre en étuve, mais les puissants préparent leur improbable survie en nous piétinant davantage
Il est en effet de plus en plus difficile de ne pas savoir que l’écosphère va devenir inhabitable pour les êtres humains, condamnés à disparaître avec les autres espèces éteintes en masse, sur des terres infertiles et au bord d’océans asphyxiés. Macron le sait, Trump le sait, Poutine le sait. Ils ne sont pas dans le déni, ils savent, et prennent des mesures politiques en conséquence : non pas réduire les émissions de CO2, mais agrandir leur bunker, augmenter la taille des protections de leur propriété privée et le salaire des gardes du corps, adapter leur terrain de golf à la montée des eaux (ce que fait Trump en Floride). Qu’ils soient néolibéral-autoritaires, national-populistes, ou colonial-religieux, les États ont aujourd’hui pour tâche non pas d’éduquer ou prendre soin des populations, mais d’organiser la survie d’un appareil techno-industriel minimal pour une classe privilégiée. Celle-ci ne cherche plus la maximisation de son intérêt dans le futur, mais l’optimisation de sa survie dans le présent.
Une fois ce point compris, les mesures politiques actuelles prennent tout leur sens : fin de l’université comme instrument de formation de la classe moyenne, réputée pour son aptitude à consentir aux compromis sociaux ; fin de la recherche du consentement en général au profit d’une police d’« intervention » dotée de boucliers où le sang n’adhère pas ; fin du système de santé universel cédant la place aux cliniques privées (de pauvres) ; fin des retraites et avec un peu de chance fin des retraités morts dans la misère ; fin des discours à prétention idéologique remplacés par des mensonges n’ayant pas même l’intention de convaincre - car l’État n’en a plus besoin. Ni besoin de convaincre, ni besoin que nous agissions pour le futur ou même le progrès. On dira certes qu’il nous est toujours demandé de respecter l’ordre, la loi, la propriété privée, mais – précisément – cela ne nous est pas demandé. Il n’y a pas d’attente, de négociation avec ce qui serait une altérité reconnue, celle d’un sujet-peuple ou d’un objet-population, il y a seulement l’imposition sans délai de la force sur un rejet : après le peuple, après la population, voici venu le temps des dépeuplés.
En compléments :
Au fond, le vrai problème n’est pas Macron ni même son gouvernement, le problème c’est l’économie, c’est le capitalisme - Ne luttons pas en vain contre les chiens policiers et les larbins politiciens, mais contre le système qui tient leurs laisses
- « Les dominants n’ont plus besoin des 3,5 milliards de pauvres »
- « Le changement climatique, ils ne le freinent pas »
« Le projet qu’il y a derrière c’est bien la destruction de la partie la plus pauvre de l’humanité »