La police et les gendarmes tuent régulièrement, directement ou indirectement, et les violences d’Etat se sont multipliées depuis 2005.
Mais dans ce régime autoritaire non-démocratique, le système policier n’est pas démantelé ou remis en cause, au contraire il jouit d’impunité, les lois se durcissent et la répression s’aggrave sans cesse, tandis que le gouvernement vire à l’extrême-droite pour que le bloc bourgeois puisse continuer à régner, à se goinfrer et à imposer le capitalisme.
Au prochain embrasement suite à une violence d’Etat : se coordonner, élargir la base des révoltés, y ajouter tous les autres motifs de révolte, étendre les soulèvements partout et diversifier les modes d’action.
- Zyed et Bouna et les révoltes en 2005 - Morts pour avoir voulu se cacher de la police qui les poursuivait sans raison
Il y a 19 ans : la mort de Zyed et Bouna, vague de révolte dans les banlieues
C’était il y a 19 ans jour pour jour en banlieue parisienne. Le 27 octobre 2005, à Clichy-sous- Bois, Zyed Benna, 15 ans et Bouna Traoré, 17 ans et un de leur amis rentrent chez eux après un match de football. Sur la route, une patrouille de policiers les prend en chasse. Effrayés par la perspective d’un contrôle, de brimades voire de violences, les trois adolescents se cachent sur un site EDF.
Les policiers voient la scène, l’un d’entre eux dit à ses collègues : « Je donne pas cher de leur peau ». Les deux adolescents seront retrouvés morts dans un transformateur électrique. Morts pour avoir voulu se cacher de la police qui les poursuivait sans raison. Le troisième jeune, survivant, est gravement brûlé. L’acte banal de harcèlement policier du quotidien qui se terminera en drame absolu.
La mort horrible de Zyed et Bouna est suivie, deux jours plus tard, par le tir de grenades lacrymogène par les CRS, à proximité immédiate d’une mosquée selon les autorités, à l’intérieur du lieu de culte selon les témoins. Les gaz forcent les fidèles musulmans à quitter la mosquée pendant la prière, en plein Ramadan. Cette agression, couplée à la surenchère provocatrice de la police et de son ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait parlé de « racailles » et de « nettoyer les cités au karcher » les mois précédents, et à la situation sociale explosive, déclenchent une vague de révolte sans commune mesure dans l’histoire récente.
Des émeutes généralisées sur tout le territoire embrasent les quartiers populaires. Des milliers de voitures et des dizaines de bâtiments partent littéralement en fumée. De sérieux affrontements ont lieu avec les forces de l’ordre pendant plus de trois semaines. Des hélicoptères survolent les tours chaque nuit avec de puissants projecteurs.
La situation devient incontrôlable pour les pouvoirs publics. Le gouvernement a peur, ce sont les troubles les plus importants depuis Mai 68. Le Ministère de l’Intérieur déclare l’état d’urgence et le couvre-feu. La répression est terrible : plus de 3000 arrestations, une justice d’exception et des peines de prison très lourdes viennent mater la révolte. Le soulèvement est l’occasion de tester de nouveaux moyens de répression, notamment les premiers drones de surveillance, qui sont déployés en région parisienne.
Après ce soulèvement réprimé, les dirigeants décident de ne rien changer. Les mêmes politiques économiques et répressives continueront à marginaliser les quartiers. Les fils et filles d’immigrés subiront les mêmes violences d’État, le même racisme.
Pire encore, en 2007, Sarkozy est élu Président de la République. La police sera dotée d’un tout un nouvel arsenal de répression, notamment le Lanceur de Balles de Défense. Les lois racistes et sécuritaires continueront de se durcir inlassablement jusqu’à aujourd’hui. En 2015, les policiers mis en cause dans la mort des deux adolescents sont relaxés. À Clichy-sous-Bois, le quartier HLM d’où sont parties les émeutes est toujours enclavé, mal desservi, touché par la misère et manque de service public. Mais l’État y a construit un commissariat tout neuf et hautement protégé en 2010.
Presque 20 ans après les émeutes pour Zyed et Bouna, la militarisation galopante de la police suit son cours. Le racisme d’État s’exerce toujours plus fortement contre les jeunes noirs et arabes, surtout s’ils sont musulmans. Des pans toujours plus larges de la population sont victimes de violences policières. Les lois sécuritaires et liberticides se sont multipliées. La police radicalisée s’autonomise d’avantage. Le ministre de l’intérieur est d’extrême droite, le gouvernement assume au grand jour ses penchants pétainistes et applique la politique du Rassemblement National. Du côté des syndicats de police et des fascistes, le désir de guerre civile et d’envoi de l’armée dans certains quartiers sont affirmés sans pudeur.
En juillet 2023, c’est une autre onde de révolte qui embrase les banlieues françaises après l’exécution par balle du jeune Nahel. En 4 nuits seulement, les autorités recensent « 2579 incendies volontaires », 1100 bâtiments sont brûlés ou dégradés dont 269 locaux de forces de l’ordre. Des commissariats, des mairies et des préfectures sont envahies et mises à sac. Soixante-six départements métropolitains – dont 13 durant 4 nuits d’affilée – et 516 communes sont touchés. L’extension territoriale de telles émeutes est sans précédent : elles touchent des villes moyennes et même des communes rurales. La déflagration est aussi puissante qu’éphémère, car le gouvernement déploie l’antiterrorisme dans les rues, mutile et blesse des centaines de personnes et tue un livreur, Mohammed Bendriss à Marseille. Plus de 4000 jeunes sont arrêtés, dont 1056 sont jetés en prison.
En 2024, rien n’est pardonné, ni pour Zyed et Bouna, ni pour Nahel, ni pour toutes les victimes des violences policières. En 2023 comme en 2005, l’État a tremblé face à la colère fulgurante des oubliés et des méprisés. Avant de reprendre la main, faute de coordination des insurgés, de renforts venus du reste de la population, et d’actions simultanées sur le reste du territoire, notamment près des lieux de pouvoir.
La prochaine étincelle pourrait bien être celle qui embrasera la plaine pour de bon.
source, avec des liens en compléments : https://contre-attaque.net/2024/10/28/il-y-a-19-ans-la-mort-de-zyed-et-bouna-vague-de-revolte-dans-les-banlieues/