On a besoin de faire un point.
La ZAD de l’Orchidée a eu du mal à prendre forme. Nous ne dépendions d’aucune organisation écologiste, nous sommes issu.e.s du milieu autonome. Malgré le faux départ et après un travail acharné, nous avons réussi à nous faire une place dans le milieu écologiste et à faire entendre notre voix. Le mois dernier était l’expression de tout ce que l’on peut faire de mieux sur une ZAD. Beaucoup d’entre nous ressortent avec une expérience très enrichissante. Ce mois-ci représentait une réelle cohésion et bienveillance, trois semaines sans embrouilles et ou la plupart des gentes se sentaient bien, c’est rare sur une lutte d’occupation (du moins une ZAD).
Nous avions réussi à organiser une chouette dynamique organisationnelle ou même des gentes à l’origine anti-ag/réu participaient. Nous essayions au maximum de supprimer tout rapport de classe et donc d’éviter que les punks shlagoss se retrouvent encore une fois exclus de ces réunions (parce que nique le classisme). Beaucoup d’activités, avec et sans mec cis, se profilaient.
Nous avions commencé à mettre en place des ateliers pot’Haget le samedi afin de créer un potager et un verger communal pour créer le lien entre les locaux et nous-même. Nous voulions rendre la terre à celleux qui la travaillent ou qui la protègent localement. Même après la destruction des 3 cabanes sur zone, nous étions déterminé.e.s à reconstruire (ce que nous avons fait sous forme de tipis) et continuer la lutte.
Mais aujourd’hui, nombre d’entre nous en ont marre. Suite au retour des bassines où nous avons vécu beaucoup de violence, nous avions le besoin de nous poser, ne serait-ce qu’une semaine, dans la suite de l’ambiance bienveillante qui était émise ici. Sauf que ce ne fût pas le cas. Certain.es sont parti.e.s se ressourcer ailleurs, en toute légitimité. D’autres sont revenu.e.s sur zone et ont commencé à subir le comportement de certaines personnes qui jusqu’alors n’était pas abusif. L’alcool n’a évidemment pas arrangé les choses. Nous n’avons ressenti aucune compréhension de ces dites personnes alors qu’on leur avait expliqué la détresse psychologique dans laquelle nous étions (et sommes toujours, car entretenue par le comportement de ces gentes). On a eu un « oui mais moi, quand je suis mal, je me met à l’écart ou je me casse ».
L’ambiance de cette ZAD a changé. Une grande partie des gentes plutôt positionnées sur l’orga souhaitent partir. Nous sommes bien conscient.e.s que l’ambiance d’une zone de lutte est déterminée par les gentes qui l’occupent et que la ZAD de l’Orchidée peut reprendre son souffle et récupérer ses pétales. Celleux qui écrivent et celleux qui ont validé ce texte n’ont plus d’énergie à donner pour dénoncer ces comportements oppressifs. Dans les conditions du mois dernier, nous aurions pu continuer cette lutte, mais pas dans les conditions actuelles. Aujourd’hui, nous ne voulons pointer du doigt ni call out quiconque, mais relater et dénoncer certains comportements récurrents qu’on retrouve dans les zones de lutte et en faire une analyse politique de terrain.
Ici, c’est une lutte symbolique car il y a « seulement » 8ha à défendre. Nous nous étions dit que si on gagnait, nous irions ensuite sur d’autres luttes avec l’énergie créatrice et victorieuse de cette lutte passée.
Mais aujourd’hui, on trouve que l’énergie dépensée à essayer de régler des problèmes intérieurement prend trop d’espace comparé au si peu de nature à préserver, même si, on le rappelle, 8ha c’est déjà trop !
Dans le contexte social et écologique actuel nous avons autre chose à faire que gérer des comportements masculinistes et puérils. Dans beaucoup de ZAD autonomes c’est la même chose. La ZAD du Lien en a fait les frais aussi. La répartition de la charge mentale n’est pas à l’ordre du jour pour elleux. Faire des cabanes c’est cool, et ça a son utilité à la lutte. Mais l’impression que, comme des gentes font des cabanes, bah les autres qui font la cuisine c’est normal. Comme un compte à rendre de leur investissement. Sauf que ces charges sont des charges mentales quotidiennes, et dans le cas d’un collectif, elles doivent être gérées collectivement. Beaucoup d’entre nous aimeraient avoir du temps à se dégager pour également construire des cabanes ou faire autre chose. Mais on sait pertinemment que si on ne fait pas le rangement des espaces co, qu’on ne pense pas à la récup, qu’on ne pense pas à l’organisation etc.. ça ne sera pas fait étant donné l’individualisme présent. La cuisine est un cas concret, des personnes vont penser à faire une cuisine co, base vegan pour permettre à tout le monde de rajouter ou pas ce qu’iels veulent par rapport à leur régime alimentaire. Si on ne pense pas à le faire, le plus souvent, les mecs carnistes vont se servir leur viande dans la récup et ne vont pas initier une deter pour cuisiner co. Mais lorsque la motiv a été faite, les gentes vont se servir et très souvent laisser leurs couverts et assiettes non lavées, voir même posées à l’endroit où ils ont mangés. Plusieurs alternatives pour retirer la charge mentale de la vaisselle sont possibles. Ici, une copaine a créé une étagère pour que la vaisselle soit gérée par l’individu. Sauf que les gentes qui ne faisait pas leur vaisselle prenaient la vaisselle lavée des camarades qui elleux, jouaient le jeu. Ces problèmes sont pour nous à discuter en AG pour mettre les choses à plat et apporter des solutions. Mais les personnes concernées posant les problèmes ne veulent pas de réu ou d’AG pour en parler, et souvent en rigolent et se moquent de ces modes de fonctionnement, les décrédibilisent. Sûrement pour ne pas se retrouver confrontés au mécontentement. Nous avons donc opté simplement pour des réu informelles, de simples discussions exposant les problèmes comportementaux. Mais soit il y a du déni, soit les personnes
quittent la pièce en n’écoutant pas, et parfois en s’énervant et en devenant violentes verbalement (ou physiquement dans certains cas, pas ici). Il y a une sorte de fraternisation masculiniste qui s’opère.
On vous passera, même si on les dénonce, les blagues et paroles sexistes de certaines personnes. On retrouve des symptômes de relations toxiques comme notamment la prise de conscience des individus oppresseurs, vraie ou fausse, et les excuses qui suivent pour que peu de temps après les oppressions continuent. L’impression donc pour les oppressé.es que leur ressentis sont exagérés et l’impression « d’abuser », laissant un sentiment de doute et d’incertitude. L’impression que la victime est l’oppresseur.se et que l’oppresseur.se devient la victime. Ce sentiment est un moyen de défense des oppresseurs, tentant de retourner la situation pour mettre mal à l’aise le moindre individu se rebellant contre ces oppressions. On tient à préciser que ces mots on été écrits par des personnes issues du milieu prolétaire voir lumpen prolétaire et qu’ils ne visent en aucun cas à dénigrer le shlagisme. Certains oppresseurs sont d’ailleurs des personnes issues d’un milieu plus privilégié.
Nous avons tracté à de nombreuses reprises en discutant avec certain.es d’entre vous. Nous vous avons « vendu » la ZAD comme étant inclusive. C’était le cas mais ça ne l’est plus et ne le sera plus. Le facteur humain est compliqué lorsqu’il y a de l’incompréhension. Cela engendre beaucoup de fatigue et d’épuisement en dehors de la lutte. Il est compliqué, voir impossible de créer des lieux 100% safe. Surtout quand les personnes sujettes à ces sensibilités et ces oppressions, tentant d’améliorer les choses sont en sous-effectifs. Faudrait il plus s’imposer dans les discussions ? Souvent les personnes qui s’expriment finissent par être montrées du doigt et rabaissées dans leur dos.
Tous le monde n’est pas capable de répondre face à une agression ou micro-agression (mégenrage, blague sexiste, mensonge, violence verbale, physique..) ni de réagir face à un comportement oppressif. Et c’est ok, on ressent tous.tes des sentiments et nous ne sommes pas tout le temps à même de réagir comme on l’aurait voulu. Parfois les situations se retournent contre les personnes en difficulté qui n’ont pas la force mentale de ne pas baisser les yeux. Nous nous positionnons contre le call out systématique et voulons essayer d’apporter des solutions contre ces violences en milieu militant. Nous vous conseillons d’ailleurs le protocole de gestion d’agressions et micro-agressions en milieu militant écrit par la FRAP (Front Révolutionnaire Anti Patriarcal) et le CRAC (Collectif Rennais Anti Carcéral), quelques fois lu à la ZAD dans le cadre de lecture collective.
Les solutions à appliquer ne sont pas simples et sont souvent à adapter au cas par cas. Il arrive que les personnes oppressives finissent par s’exclure elle-même.
Quelles solutions peuvent être mises en place ?
- ZAD de l’Orchidée : Analyse politique du SFH (Saleté de Facteur Humain)
1. La communication
Communiquer est le meilleur moyen de prévenir les tensions et oppressions ainsi que désamorcer toutes violences. Cela peut prendre la forme d’assemblées générales (AG) hebdomadaires pour exposer les problématiques rencontrées au sein du collectif mais aussi parler du positif et continuer à s’organiser. Cela arrive que des personnes ne soient pas à l’aise avec les AG et donc s’excluent par elles mêmes. Situation d’ailleurs qui peut relever d’une oppression qu’on appelle le classisme. Dans ces cas-là pourquoi ne pas envisager des discussions informelles afin d’inclure tout le monde ? Il arrive que dans certains cas les personnes ne veulent simplement pas évoquer le problème et fuient la discussion, ce qui mène souvent au renouvellement des comportements oppressifs. Se retrouver en groupe affinitaire peut libérer la parole et faciliter la transmission des informations. En confiance, les personnes victimes d’oppressions peuvent mieux arriver à s’exprimer (ex : réunion en mixité choisie) et si elles le veulent, la parole pourrait être déléguée et rapportée au groupe entier.
Suite à des oppressions subies, il est important, avec l’accord de la victime, d’en parler avec le groupe pour exposer le(s) problème(s) et trouver des solutions. Nous vivons en collectivité et nous devons donc gérer les problèmes collectivement.
2. Les actes
Une fois qu’un problème est communiqué et débattu, il paraît important de mettre en place des solutions concrètes pour y répondre. Cela peut passer par la mise en place d’une team care (équipe référente du « soin » psychologique d’un collectif). Cette équipe peut rassembler différentes personnes avec l’énergie nécessaire pour accompagner et soigner les individu.es qui en ressentent le besoin. Des espaces « safe » peuvent être mis en place comme des cabanes en mixité choisie sans mec cis, des cabanes sans drogue ni alcool, des cabanes sans animaux etc..
Plus haut nous parlons du call out ; même si son application systématique est nocive (justice punitive), nous admettons tout de même que cet outil peut s’avérer nécessaire dans les cas extrêmes où la violence tend à s’accroître et où les personnes ne se remettent pas du tout en question et perpétuent leurs agissements.
Et de manière générale, prendre soin de soi et des autres permet la cohésion du groupe. C’est même la base du vivant, ce pour quoi on se bat. Sans cela, aucune lutte ne peut aboutir.
Cette décision d’arrêt de cette zone à défendre a été prise consciencieusement et de manière anti-autoritaire en prenant compte de l’avis de toutes les personnes qui s’investissaient pour l’orga et la bien-gérance de ce lieu de lutte. Nous trouvons que ce lieu (et par là, on veut dire des personnes) est dangereux. Et nous ne voulons pas que d’autres personnes se retrouvent confrontées à des violences ou donnent davantage d’énergie à essayer de gérer ces comportements. Si il y avait 300ha à défendre, on en reparlerait peut-être...
Nous avons appris que nous étions sur la liste du ministère de l’intérieur. On en ricane. Cette tentative d’intimidation ne nous fait nulle peur et nous invitons ce violeur de Darmanin ainsi que les gouvernements criminels qui se surpassent de jour en jour à faire gaffe à leurs fesses. Car c’est bien nous-même qui décidons de ce qui est bon pour nous. Nous appelons à la création de communes autonomes et à continuer la lutte. On se retrouvera sur d’autres lieux ;)
Bisous, la ZAD de l’Orchidée.
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