Pour alimenter le capitalisme et ses nouveaux marchés opportunistes des voitures électriques, du numérique, des armes, des fusées et des énergies industrielles alternatives dites « renouvelables » complémentaires aux fossiles, les mines et l’extractivisme vont à nouveau exploser partout, ravageant davantage la biosphère. Avec des pollutions très toxiques pour des millénaires à la clef, aussi peu résorbables que celles causées par les industries nucléaires.
On ne veut ni de la peste (les énergies fossiles) ni du choléra (les mines nécessaires au maintien de la civilisation industrielle et à la survie du capitalisme, une catastrophe qu’ils nomment « transition »).
La prétentue « économie immatérielle » repose sur des infrastructures lourdes, de grosses dépenses d’énergies et des montagnes de déchets miniers toxiques non traitables qui polluent la planète pour des centaines ou des milliers d’années.
Après l’explosion du CO2 et du catastrophique réchauffement planétaire associé, voici l’explosion des pollutions minières toxiques ! Déjà que les nano-micro-plastiques, les pesticides et les « polluants éternels » sont partout...
Même les océans vont être raclés (et ravagés), la Norvège veut inaugurer ce nouvel extractivisme suicidaire dans ses eaux territoriales. La France suivra un jour ou l’autre (elle a déjà mené des recherches en se sens) surtout si la Chine restreint ses exportations de métaux « rares ».
Voici un bon article sur un livre qui semble édifiant, et terrifiant, et aussi une intervention vidéo :
La ruée minière au XXIe siècle
La ruée minière au XXIe siècle - Chaque jour, par l’usage de centaines d’objets et notre appétit de technologie, nous dévorons la terre : cuivre, argent, lithium... Saviez-vous qu’aux États-Unis on recense 500 000 mines abandonnées ? Que la pollution minière est irréversible ? Il est urgent de saisir les effets désastreux de l’extractivisme. Nous publions des extraits du remarquable livre-enquête de Celia Izoard.
Ces « Bonnes feuilles » sont extraites du prologue et de la conclusion finale de Celia Izoard, La Ruée minière au XXIe siècle. Enquête sur les métaux à l’ère de la transition, Seuil, 2024.
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Mais le lac n’est pas un lac, c’est le Berkeley Pit, une mine de cuivre à ciel ouvert exploitée entre 1955 et 1982. Et l’eau n’est pas de l’eau, c’est une mer d’acide pleine de cadmium et d’arsenic qui restera hautement toxique pour plusieurs milliers d’années.
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Dans toute la ville, les rivières et les zones environnantes, dans les eaux souterraines, les déchets issus de l’exploitation ont laissé des concentrations très importantes d’arsenic, de mercure, de cadmium et de plomb. Les enfants de 0 à 4 ans y ont six fois et demie plus de cancers du cerveau que dans le reste du Montana.
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Depuis quarante ans, les tentatives de décontamination se poursuivent. Sur des dizaines de kilomètres, on a décaissé le lit de la rivière Silver Bow, les berges et les plaines et déplacé des millions de mètres cubes d’alluvions et de sédiments contaminés. On a créé des systèmes pour détourner les eaux souterraines. On a créé des lacs artificiels pour recueillir les résidus miniers afin qu’ils ne soient pas entraînés par les précipitations vers les cours d’eau en aval. On a détourné le lit de la rivière et installé des pompes pour éviter le drainage des toxiques. On a saupoudré de chaux les collines et les plaines pour neutraliser l’acidité. On a recouvert des centaines d’hectares de bâches en géotextile pour limiter la dispersion des déchets par le vent et le ruissellement. On est intervenu dans 1 602 maisons pour limiter l’exposition aux éléments toxiques en nettoyant les caves, les greniers et les jardins. Mais la zone reste hautement contaminée. Tous ces travaux ne visent, selon l’agence environnementale, qu’à « contrôler les risques inacceptables pour la santé humaine », c’est‑à‑dire à parer au plus pressé en limitant les dégâts.
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Comme pour la radioactivité, « décontaminer » signifie déplacer la pollution. Il n’existe que deux manières de le faire : la disperser ou la concentrer.
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L’extraction minière consiste à déplacer des montagnes, à détourner des rivières, à combler des vallées. C’est la plus géologique des activités humaines : celle dont les effets sont les plus vastes et les plus durables, une action humaine dont les conséquences, en quelques décennies seulement, dépassent les actions humaines. À la fin des années 1990, quand les mines ont fermé dans d’anciens pays producteurs comme les États‑Unis ou la France, les pouvoirs publics ont dû se rendre à l’évidence : l’activité minière a enclenché des phénomènes qu’on ne sait pas maîtriser.
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Entre le xviiie et la fin du xxe siècle, près de 5 600 mines ont été exploitées sur le territoire métropolitain : mines de charbon, de plomb, d’argent, de zinc, de fer, de cuivre, etc., ainsi que 244 mines d’uranium. Elles ont laissé des milliers de dépôts chargés d’éléments toxiques, parfois radioactifs, qu’il faudrait aujourd’hui confiner.
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Alors qu’à cent kilomètres de là, l’usine de nickel de Goro tourne à plein régime pour alimenter la production de batteries de son client Tesla, à Thio, on se demande comment faire en sorte que les mines du passé arrêtent de vomir sur les villages. Le « passif » minier est en réalité très actif.
Il risque de l’être de plus en plus. Car si aujourd’hui, sa gestion est, au pire désespérante, au mieux acrobatique8, demain, le chaos climatique pourrait la rendre totalement inopérante, comme l’ont montré les pluies diluviennes qui ont lessivé les montagnes pleines d’arsenic de la vallée de l’Orbiel, dans l’Aude, en 20189. Les précipitations sont plus violentes, les incendies détruisent les arbres qui pourraient retenir ces matières toxiques. L’après‑mine se prolonge indéfiniment dans le futur.
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Le passé minier est un problème d’avenir, et pourtant notre civilisation, fondée sur la mine, parie aujourd’hui plus que jamais sur l’exploitation des sous‑sols. « Le xxie siècle sera le siècle des métaux », « les métaux sont le nouveau pétrole », proclament les milieux d’affaires et les représentants politiques. Après deux siècles d’une extraction minière, aux conséquences de plus en plus insoutenables, une nouvelle ruée pour les métaux d’une ampleur sans précédent a commencé. En seulement vingt ans, les volumes de métaux extraits dans le monde ont doublé10. On prévoit d’ici à 2050 de multiplier par cinq à dix la production minière mondiale11. De l’Arctique aux forêts tropicales, du Maghreb à l’Asie centrale, des vieux bassins miniers européens aux fonds marins, les entreprises, soutenues par des financements publics exceptionnels, repoussent partout les limites des frontières extractives. Mais cette fois, c’est différent, nous assure‑t‑on. Les mines d’aujourd’hui sont indispensables : elles sont destinées à produire les énergies vertes qui sauveront la planète.
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Ce livre se penche sur l’un des grands paradoxes de notre temps : pour tenter de limiter les émissions carbone à l’origine du réchauffement, a été programmée une amplification sans précédent de l’activité minière afin de fournir, entre autres, les matières premières des technologies bas carbone : cuivre pour l’électrification, cobalt, lithium, graphite, manganèse et nickel pour les batteries, platine pour les électrolyseurs, etc. Considérée sous l’angle de la consommation de métaux, cette transition est une contradiction dans les termes. Pour sauver la planète, un coup d’accélérateur historique a été donné à l’une des industries les plus énergivores et toxiques que l’on connaisse. L’extraction et la métallurgie représentent près de 12 % de l’énergie consommée dans le monde.
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Partir à la recherche de la mine responsable, c’est ce à quoi se consacre la première partie de ce livre qui nous amènera tour à tour en Espagne, au Chili, au Maroc et en France. Que signifie « extraire des métaux » au xxie siècle ? Peut‑on aujourd’hui faire fonctionner une mine aux énergies renouvelables ? Comment travaillent les mineurs ? L’activité minière peut‑elle cesser d’être énergivore et toxique grâce à des décisions politiques et des améliorations technologiques ? Pour le dire autrement : les mégamines de l’âge industriel sont‑elles prédatrices par accident, ou par nature ?
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L’impératif d’extraire des matières premières pour la transition relègue au second plan les besoins galopants du numérique, de l’aérospatiale, de l’armement, bref, la poursuite de la croissance industrielle pour accumuler plus de capital et de puissance. Le récit d’une relance minière au nom de la transition est arrivé à point nommé pour justifier la ruée des États occidentaux sur les matières premières essentielles à la croissance, face aux superpuissances des ressources que sont devenues la Chine et la Russie.
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L’histoire du capitalisme est l’histoire d’une civilisation extractiviste, un rapport singulier à la production d’objets fondé sur la mine et sur son corollaire, la conquête. Cette entreprise d’accumulation et d’artificialisation du monde a été justifiée successivement par les idéologies du Salut, de la Civilisation, du Progrès et du Développement. La Transition n’en serait‑elle pas le prolongement ? Ce livre explore l’histoire du capitalisme à travers la mine, les métaux et les fossiles. J’y retrace les événements et les imaginaires qui ont façonné le régime minier auquel nous sommes plus que jamais assignés.
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Bien sûr, l’accumulation de richesses ne débouche pas seulement sur une surconsommation minérale dans la sphère privée. Elle a des effets plus graves et plus systémiques.
Ainsi, les capitaux et le pouvoir prodigieux accumulés par les entreprises du numérique leur ont permis d’imposer des choix technologiques à l’ensemble de la société : 5G, objets connectés, déploiement de l’intelligence artificielle dans tous les secteurs. Des technologies issues de l’hyperconcentration de la richesse, hypervoraces en métaux, totalement futiles du point de vue des besoins essentiels. Elles sont, comme l’écrivent Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin, emblématiques des « technologies zombies », c’est‑à‑dire des technologies insoutenables sur le plan des limites terrestres.
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En plus de leurs émissions, les entreprises devraient être confrontées à leur consommation globale de ressources, à l’ensemble des hectares fantômes qu’elles exploitent dans le sol et dans le sous‑sol pour assurer leur production. Les mouvements pour la justice sociale pourraient planifier, sous forme de revendications, la réduction de l’activité des principaux secteurs à certaines fonctions essentielles à la subsistance et à la vie sociale. Nous n’avons pas besoin d’une décision présidentielle pour organiser, à l’échelle régionale et nationale, des conventions citoyennes pour le climat et la décroissance, ce qui serait un moyen démocratique de hiérarchiser les besoins et de se confronter à ce qu’implique matériellement la sobriété.
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article complet : https://www.terrestres.org/2024/01/11/la-ruee-miniere-au-xxie-siecle
- Transition industrielle : les mines dévastent et polluent la Terre pour alimenter les technologies et le capitalisme
- La Ruée minière au XXIe siècle - Enquête sur les métaux à l’ère de la transition, par Celia Izoard
Complément : Intervention | Ruée minière au XXIè siècle : jusqu’où les limites seront-elles repoussées ?
L’intervention met en parallèle l’augmentation exponentielle de la consommation d’eau et d’énergie, ainsi que des impacts environnementaux et sociaux de l’industrie minière, et l’augmentation exponentielle de la production métallique pour répondre aux scénarios de transition actuels.
Le monde fait face à une demande croissante en ressources minérales dans tous les secteurs, en particulier ceux de la construction, du transport, de la défense, de l’approvisionnement en énergie ou encore des technologies de l’information et de la communication. Si la mine a servi toutes les révolutions industrielles, il est désormais attendu qu’elle soit plus que jamais sollicitée pour l’avènement de la Révolution 4.0, celle de la « dématérialisation », des énergies « propres » et des technologies « vertes ». Ce modèle de développement repose sur l’intensification de l’industrie minière, considérée comme l’une des activités les plus prédatrices et dangereuses. Le secteur est ainsi le plus important producteur industriel de déchets solides, liquides et gazeux, ou encore responsable du plus grand nombre de conflits socio-environnementaux. Dans un contexte de diminution des teneurs et de raréfaction des gisements facilement exploitables, il en résulte une augmentation exponentielle de la consommation d’eau et d’énergie, ainsi que des impacts environnementaux et sociaux. Jusqu’où toutes ces limites seront-elles repoussées pour répondre à une consommation de métaux démesurée ?