Techno-capitalisme punitif : les canicules assomment les pauvres

Bientôt tous confinés ? - Et un peu d’anticipation pour enfoncer le clou

mercredi 31 juillet 2024, par Les Indiens du Futur.

La civilisation industrielle crée des conditions de vie insoutenables, en premier lieu pour les pauvres et les plus précaires. Et en plus ni l’Etat ni le Capital ne se préoccupent d’atténuer les effets des désastres qu’ils ont imposé à tout le monde pour le luxe de quelques uns et pour satisfaire la voracité d’un macro-système insatiable et irréformable.

Mais si les pauvres morflent sévèrent, crèvent et doivent errer dans des centres commerciaux climatisés pour survivre, les riches vont eux d’un coup d’avion (qui largue du CO2 et pollue) se rafraichir dans leurs villas climatisées avec piscines à l’autre bout du monde, ou se déplacent en yacht (CO2 et pollution) climatisé vers des baies méditéranéennes de cartes postales.

  • « Condamnés à rester dans ce trou à rat » : la canicule assomme les quartiers populaires - Dans les quartiers populaires, les vacances d’été ne riment pas toujours avec voyage. Beaucoup d’habitants restent coincés entre quatre blocs de béton, affrontant la canicule. « On n’a pas le choix », se désolent des Toulousains. (...) « Je rêve juste d’une petite chambre, quelques jours au bord de l’océan, soupire Kadidja, 64 ans. Observer les rouleaux, respirer l’air marin et changer de décor. » Des larmes ruissellent sur ses pommettes. Elle s’excuse. Puis, entre deux sanglots, murmure : « Malheureusement, nous ne pourrons jamais nous payer ça. Nous sommes condamnés à rester dans ce trou à rat. » D’une main délicate, son époux Mohammed la console en silence. (...) Elle se désole, en revanche, du triste quotidien de certains enfants : « Grâce à la Sécurité sociale, j’envoyais les miens en colonie de vacances dans les Landes ou en Corse. Malheureusement, ces programmes n’existent plus. »
  • Avec les canicules, bientôt tous confinés ? - S’enfermer chez soi, une bonne option pour survivre aux fortes chaleurs ? Tout dépend pour qui. Isolation du logement, climatisation, piscine... Certains ont des conditions plus agréables que d’autres.

- Le futur plus ou moins proche, pour beaucoup d’exclus, de pauvres et même de classes moyennes (basses) pourraient ressembler à l’horreur décrite avec une précision terrifiante dans le roman d’anticipation indiqué ci-dessous si les choses continuent de se dégrader et de s’accélérer.

Un roman d’ancipation atroce, d’autant plus épouvantable qu’il est parfaitement réaliste

- Et voici un roman d’ancipation atroce, d’autant plus épouvantable qu’il est parfaitement crédible (lecture à réserver aux coeurs bien accrochés), et pourrait arriver plus vite que prévu dans de nombreuses régions si les choses continuent de s’accélérer :

Le Ministère du futur

Alors que la France semble plongée dans la tourmente politique, l’Inde vit une canicule mortelle. Que se passerait-il si, au gré d’une puissante et longue canicule, les conditions climatiques devenaient littéralement suffocantes ? C’est sur ce scénario effroyable que s’ouvre le roman d’anticipation climatique de Kim Stanley Robinson. Extrait.
(...)
Puis le soleil surgit sur l’horizon. Avec l’éclat d’une bombe atomique, ce qu’il était par définition. Le contre-jour assombrit champs et bâtiments dans cette direction, tandis que la tache lumineuse s’élargissait, devenait un croissant aveuglant. La chaleur qui en émanait gifla Frank. Les radiations solaires lui brûlaient la peau. Ses yeux baignés de larmes ne voyaient plus grand-chose. Tout était ocre ou beige ou d’un blanc insoutenable. Une ville ordinaire de l’Uttar Pradesh à 6 heures du matin. Il consulta son téléphone : 38 °C. Ce qui faisait en Fahrenheit – il pianota – 103°. Humidité aux alentours de trente-cinq pour cent. C’était cette conjonction le vrai problème. Quelques années auparavant, il se serait agi de l’une des plus hautes températures humides jamais enregistrées. Non pas d’un simple mercredi matin.
(...)
Le bruit des climatiseurs cessa d’un coup. Provoquant d’autres cris d’horreur. Plus de connexion sur le téléphone. Plus d’électricité. Baisse de tension ou coupure totale ? Les sirènes beuglaient comme tous les dieux et déesses du panthéon hindou.

Les générateurs prirent le relais, engins braillards à deux temps. Carburant illégal – essence, gazole ou kérosène – gardé en réserve pour ce genre d’occasion, passant outre la loi qui imposait le gaz naturel liquéfié. L’air, déjà pollué, ne tarderait pas à s’emplir de vapeurs d’échappement. Autant se mettre le pot d’un vieux bus sous le nez.
(...)
Lorsque quelqu’un se mettait à pleurer, d’autres se rassemblaient pour le réconforter. Des vieillards en détresse. Ou de jeunes enfants. Quelques accidents sur les besoins pressants. Frank installa des seaux dans les toilettes, qu’il sortait une fois pleins afin de les déverser dans le caniveau. Un vieil homme succomba ; Frank aida quelques adultes à monter le corps sur le toit, où ils l’enveloppèrent d’une bande de tissu fin, peut-être un sari. Le pire se produisit quelques heures plus tard lorsqu’il fallut faire de même pour un gamin. Tout le monde sanglota tandis que le petit cadavre était évacué vers le toit-terrasse. Frank s’aperçut que le générateur allait bientôt manquer de carburant ; il prit un bidon dans la réserve et remplit le réservoir.
(...)
Quatre autres personnes moururent cette nuit-là. Au matin, le soleil se leva une fois de plus, cet horrible four, brûlant la terrasse et sa sinistre cargaison de corps emmaillotés. En ville, chaque toit-terrasse et, en se penchant sur les murets, chaque trottoir semblait s’être changé en morgue. La ville entière n’était plus qu’une morgue écrasée par une chaleur encore plus atroce que la veille. Le thermomètre indiquait à présent 42 °C et soixante pour cent d’humidité. Frank contempla son écran d’un air morne. Il avait dormi environ trois heures, par intermittence. Le générateur poursuivait sa percussion irrégulière ; le mauvais climatiseur continuait à vibrer. À l’extérieur retentissait le bruit d’autres générateurs et d’autres climatiseurs. Qui ne résoudraient rien.
(...)


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