Chères voisines, chers voisins,
Nous habitons la même ville, la même vallée. Nous traversons les mêmes rues, nous entrons dans les mêmes magasins, nos enfants sont dans les mêmes écoles et pourtant, nous avons des expériences du monde différentes. Aujourd’hui, nous venons vers vous pour vous partager un petit peu de nous, de ce qui nous anime en ce mois de novembre.
Nous sommes un petit groupe d’habitant.es du Crestois, nous sommes des personnes queer ou parent.es d’enfants queer, nous sommes une majorité de personnes blanches et de classe moyenne.
Vous vous demandez peut-être ce que nous entendons par « queer ». Pour nous ce terme inclut toutes les personnes vivant ou explorant leur identité de genre et/ou leur orientation sexuelle en dehors du cadre de la norme binaire et hétérosexuelle imposée par notre société.
Le mot « queer » est un anglicisme qui veut dire « bizarre ». C’était à l’origine une insulte que les personnes concernées se sont réappropriées pour en faire une fierté. Ce mot s’est diffusé largement au-delà des pays anglophones.
Nous sommes donc des personnes queer, ou parents de personnes queer. Nous nous sommes réuni.es pour œuvrer autour de rendez-vous annuels de novembre qui sont très importants pour nous : Le TDOR et la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Le TDOR (Trangender Day Of Remembrance, en français : Journée du souvenir trans) a lieu chaque 20 novembre, en mémoire de Rita Hester, assassinée le 20 novembre 1998, dans le Massachusetts (USA). C’est une journée de souvenir et de célébration pour les personnes trans mortes parce qu’elles étaient trans.
A Crest nous avons organisé un rassemblement, l’an dernier, pour la Journée du Souvenir Trans. Il y avait des bougies sur le pont Mistral, des personnes descendant la Drôme en canoë avec des torches lumineuses dans la main, des discours et un temps, ensuite, pour célébrer nos vies, autour d’un repas.
Au mois de juillet dernier, nous nous sommes également rassemblé.es, suite à l’assassinat de deux femmes trans, Geraldine et Angelina.
La Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes se déroule le 25 novembre. L’idée de cette journée et sa date symbolique sont nées en 1981, lors du premier congrès féministe pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. Cette journée a ensuite été adoptée en 1999 par L’ONU, qui depuis invite les gouvernements, organisations internationales et non gouvernementales à organiser des actions de sensibilisation ce jour-là. Dans sa résolution 54/134 en 1999, l’ONU a défini les violences à l’égard des femmes comme "tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin (...) que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée".
La date du 25 novembre a été choisie en mémoire des soeurs Mirabal : Patria, Maria-Teresa et Minerva, dont le nom de code était "Las mariposas", les papillons. Ces trois femmes furent des figures importantes de la résistance au régime dictatorial de Trujillo en République Dominicaine. Elles ont été incarcérées, violées et torturées à plusieurs reprises. Suite à une dénonciation, elles ont été battues à mort par des agents de l’état le 25 novembre 1960, alors qu’elles allaient rendre visite aux maris de deux d’entre elles, eux-mêmes prisonniers politiques. Cet assassinat a causé une grande émotion dans le pays, qui a accéléré la fin de la dictature déjà en marche. Elles sont aujourd’hui des héroïnes nationales en République Dominicaine.
A Crest, nous avons déjà célébré cette journée ces dernières années, par des rassemblements rythmés par des chants et prises de parole.
Nous avons choisi d’élargir la lutte en l’intitulant "Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux personnes minorisées". Car si le patriarcat tue et violente encore beaucoup de femmes, il tue et violente aussi les enfants et les personnes qui font partie des minorités raciales et/ou minorités de genre ou d’orientation sexuelle.
Dans le contexte politique actuel, il nous paraît fondamental de visibiliser ces journées et les violences subies par les personnes minorisées. Ce monde en crise voit l’extrême-droite et le fascisme monter un peu partout. L’histoire nous a montré à maintes reprises que sous un régime fasciste, ce sont les femmes et les minorités (de race, de genre et/ou d’orientation sexuelle) qui subissent le plus violemment l’autorité du régime, qu’iels paient parfois du prix de leur vie.
D’autre part, des années après Metoo, la parole n’en finit pas de se libérer, attestant de l’ampleur des violences sexistes et sexuelles, mais aussi de la complicité de toustes celleux qui savaient mais n’ont rien fait...dans le monde du cinéma, dans le monde du sport, dans le monde en général, autour de nous. Le procès des viols de Mazan démontre que la plus abjecte des violences peut se dérouler au sein du foyer idéal, nous invitant à déconstruire le mythe du bon père de famille et à regarder en face la manière dont la culture du viol est omniprésente dans notre société. Il nous apprend qu’une femme peut un jour se rendre compte que le couple dans lequel elle se sentait en sécurité, soutenue, aimée, est en fait le lieu d’une violence sans nom. La parole de certains accusés et de leurs avocats révèlent à quel point nous avons encore du chemin à faire.
La parole se libère, au moins en partie, oui, mais les inégalités et les violences persistent. La misogynie comme l’homophobie, le racisme et la transphobie, tuent.
Nous nous inscrivons dans ces histoires-là, et sommes en train d’organiser deux temps, les 20 et 25 novembre prochains.
Pour célébrer ces deux dates il y aura cette année, à la Médiathèque Départementale de Crest, une table avec une sélection d’ouvrages, des textes explicatifs et des brochures à consulter. De même que cette lettre, c’est une façon pour nous de sensibiliser et d’informer.
Vous verrez peut-être des bougies sur le pont Mistral le 20 en fin de journée, vous nous verrez peut-être rassemblé.es près du kiosque le 25, peut-être nous rejoindrez vous, en tous cas vous saurez pourquoi nous sommes là et ce que nous faisons. Ces rassemblements sont pour nous une manière de lutter contre l’oubli, de se donner de la force dans l’espace public, de se rassembler entre personnes concernées et personnes alliées, de se tenir chaud, de se soutenir, alors que l’hiver arrive et que certain.es d’entre nous sont isolé.es et/ou en souffrance.
Si vous souhaitez soutenir ces luttes, vous opposer à ces violences, nous rencontrer, vous êtes les bienvenu.es à ces rassemblements. Sachez tout de même que ces moments soulèvent des sujets douloureux. Nous demandons donc le respect des vécus et des souffrances des un.es et des autres, et de nos actions. Si vous souhaitez en savoir plus sur les discriminations subies par les femmes, les minorités raciales et les minorités de genre ou d’orientation sexuelle, vous pouvez aller faire un tour à la médiathèque ou sur internet. Lors de ces deux rassemblements, la seule chose que nous souhaitons, c’est le respect, le soutien et la solidarité.
Jour du Souvenir Trans (Tdor) : 20 novembre, 18h 30 pont Mistral. (CREST)
Rassemblement contre les violences faites aux femmes et aux personnes minorisées par leur genre, leur identité raciale ou leur orientation sexuelle : 25 novembre, 18h 30 au kiosque (CREST)
Le collectif d’organisation des 20-25 nov
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