Le travail, graal et fondement du productivisme, qui sert à maintenir et justifier toutes les activités nuisibles et le système capitaliste lui-même.
On s’en plaint, on le fuit ou on en réclame (mieux payé), mais rarement on critique et on interroge ce qu’il est en réalité, ses fondements inséparables du capitalisme.
Arrêtons d’urgence de confondre travail et nécessité d’assurer notre subsistance.
Le travail c’est ce qui contribue à fabriquer toujours plus d’argent dans le capitalisme, où on exécute des taches (souvent absurdes et parcellaires) contre de l’argent et où on est prisonnier/dépendant de la mégamachine
Les activités de subsistance, ça fait partie de la vie, c’est ce qui assure la vie et rend indépendant du système, autonome, en lien avec les autres.
- Rien ne sert d’être vivant s’il faut que l’on travaille
- Subsistance solidaire soutenable au lieu de travail dépendant au service de l’Economie insoutenable
Rien ne sert d’être vivant, s’il faut que l’on travaille
Non le travail n’est pas une nécessité naturelle, éternelle, qui aurait toujours existé, c’est une forme sociale négative et destructrice de l’agir, dont l’avènement est concomitant de celui du capitalisme et qui fait abstraction de tous les contenus concrets des activités hétérogènes pour mieux les réduire à la forme vide de contenu d’une simple dépense abstraite d’énergie humaine – le travail abstrait.
Non le travail vivant producteur de marchandises n’a fondamentalement aucun rapport avec le métabolisme avec la nature (depuis quand la finalité du capitalisme est-elle la satisfaction des besoins ?!), le travail vivant n’est que l’expression « vivante » du travail mort – l’argent ‒ devenu fin en soi. Le travail vivant mis en boucle avec lui-même est le mouvement tautologique de reproduction et d’autoréflexion de l’argent qui ne devient capital que sous cette forme, comme transformation d’un quantum de travail mort et abstrait (la valeur) en un autre quantum plus grand de travail mort et abstrait (la survaleur). Le travail vivant est la manifestation concrète, de chair et d’os, de l’universalité abstraite du travail.
Non les êtres humains dans les sociétés non-modernes n’agissent pas sur la « nature « aux fins de satisfaire des besoins positifs tels que se nourrir ou se vêtir, mais pour sceller des relations d’« alliance » avec des divinités imaginaires qu’ils mettent à l’origine de leurs propres rapports sociaux.
Non le travail concret, dans ses gestes et ses savoir-faire n’est pas l’activité transformant en tout lieu et de tout temps, en toute innocence et neutralité, la « matière » pour lui donner une autre forme, mais la manière matérielle spécifique dont le travail abstrait en se matérialisant dans ton corps, ta parole, tes « savoir-faire » et tes gestes opère sa mainmise sur la « matière » naturelle ou sociale. Le travail concret est de prime abord rien d’autre que le précipité sensible-empirique d’un processus d’abstraction qui le transcende.
Non le travail dans le procès de production ne « vaut » pas pour ce qu’il paraît être, à savoir un procès concret de fabrication de meubles, de médicaments, de barquettes de poulet basquaise, de fers à friser les cheveux, de jouets Mattel ou Playmobil, etc., il vaut comme dépense de force de travail abstraite en général, comme « gelée de travail abstrait » (Marx) qu’il convient d’optimiser par une meilleure gestion, afin de le représenter sous la forme de davantage d’argent. Les marchandises qui se taillent dans le matériel humain les « besoins » qui leur correspondent, ne sont toujours que l’enveloppe d’étape, quelconque et transitoire, sous laquelle apparaît la métamorphose de l’argent.
Non le travail n’est pas aliéné, il est l’aliénation même.
Non tu ne travailles pas pour toi, tu travailles à produire des marchandises – biens ou services ‒ pour obtenir un salaire afin d’acheter des marchandises que d’autres auront fabriquées, et ce parce que tu es déjà à tout instant le support concret et vivant, exploité et interchangeable, de l’automouvement de l’argent, alias le rapport-capital.
Non l’utilité, la valeur d’usage de cette marque de frigo, de cet ordinateur portable, de ce pack de bières, de ce livre que tu tiens entre les mains, n’est pas une détermination ontologique-transhistorique plantée dans l’immaculée blancheur de sa forme sociale prétendument neutre, elle est la manière toujours spécifique dont l’abstraction réelle de la valeur s’empare des choses, en soi non abstraites, pour en faire des marchandises.
Non le produit concret, sensible, le corps même d’une marchandise n’est pas un bien neutre et innocent qui aurait pu exister depuis la nuit des temps, il n’est que l’expression concrète et transitoire de l’abstraction de l’argent.
Non le goût de ce sucre de betterave néonicotinoïdé ou de cette tomate modifiée génétiquement, de cette charcuterie aux sels nitrités, de ces hochets et anneaux de bébé chimifiés, de ce steak de bœuf gonflé aux anabolisants, de ce soda saturé de sucre, n’est pas le sensible neutre, innocent et naturel, mais le sensible-abstrait déjà modifié intérieurement pour être le « support » du plus profitable automouvement de l’argent qui soit.
Non la durée de vie de cette « machine à pain », de cette chaise en plastique, de cet écran télé que l’on ne veut plus regarder, n’est pas celle de la dégradation naturelle de leurs matériaux, mais celle de leur obsolescence toute programmée afin de raccourcir le cycle d’incarnation de l’automouvement de l’argent dans une nouvelle flopée de marchandises jetées sur le marché.
Non ceci n’est toujours pas une pipe, c’est une chose sociale pleine de subtilités métaphysiques, c’est du travail abstrait.
Non ceci ce ne sont pas des vaches, qui, dans leur univers concentrationnaire de stabulation et de nourriture artificialisée, ne regardent de toute façon plus passer les trains, c’est de l’argent sur pattes perfusé aux tourteaux de soja qui ne demande qu’à s’accroître.
Non ceci n’est pas une tranche de jambon, c’est l’automouvement de l’argent qui s’est concrètement incarné d’une façon aveugle et terrifiante dans un animal vivant qui sent, éprouve, s’adapte, agit.
Non ceci n’est pas un missile de Nexter industrie, c’est de l’argent qui s’est investi dans un contenu de production quelconque pour se métamorphoser en davantage d’argent au travers des corps des enfants éventrés, des habitants terrorisés et des ruines fumantes de Damas, d’Alep ou de Sanaa.
Non ceci n’est pas un poirier qui produit des poires, c’est un arbre capitalistiquement transformé qui produit de l’argent comme le poirier pouvait jadis produire des poires.
Non la valeur d’usage ne définit pas un au-delà de l’économie politique, la valeur d’usage n’est toujours que l’horizon aberrant de la valeur marchande.
Non tu n’es pas un être de besoins, Non tu n’es pas voué à les satisfaire, Non tu n’es pas une force de travail.
Une saison dans l’enfer du travail
Recul de l’âge de la retraite, lois-travail à répétition, ubérisation du travail, mal-être au travail et sentiment d’une perte du sens des métiers, « boulots à la con » dénoncés publiquement, développement massif des troubles musculosquelettiques, explosion des pathologies de surcharge de travail comme le burn out ou la mort subite (le karôshi) de cadres ou d’employés par arrêt cardiaque ou AVC, multiplication des suicides sur les lieux de travail, harcèlement moral et sexuel, diatribes contre l’open space, télétravail sous Covid-19, débat sur la possibilité d’un revenu universel, dénonciation de la « charge mentale » des femmes ou de la répartition du « travail domestique », etc., ces dernières années, jamais les plaintes à propos du travail n’auront été autant entendues et jamais le travail n’aura été à ce point ancré dans les mœurs que nous ne voyons toujours pas comment vivre sans lui.
(...)
SUITE de cet éditorial sur Rien ne sert d’être vivant, s’il faut que l’on travaille, par Clément Homs (Éditorial Jaggernaut n°3, Abolissons le travail !)