Intérieur extérieur parfaitement propresNichel chrome et lisseCylindres et organes fonctionnelsAstiquée sans cesse par ses appendicesElle glisse sans un bruit vers l’horizonLa voitureComme sur un coussin d’airElle avale les jolis paysagesLa voitureDans son cockpit ça clignoteC’est moderne et tout sourirePrêt pour la grande aventure.Avec l’automobileIl n’y a plus de campagne ni de villeJuste un immense terrain de jeuUne trace fugace sur la mappemondeDans l’habitacle tranquilleOn oublie le naufrage du mondeAvec les pare-chocs et l’acierCa respire à toute blinde la sécuritéA 80 ou 130 ça roule tout glisseLes problèmes s’applatissent sous les rouesAvec la voitureLes vitres font écranTout reste à distanceOn peut tourner en rondA l’infiniAvec la voitureLe sang glisse sur le polishLes cris rebondissentRien ne traverse le lustreLa bulle flotte sur les ruinesTranquillementLes tentacules d’asphalte étouffent la TerreUn règne de métal, de plastiqueDe goudron et d’électroniqueLa machine ne fait plus qu’un avec ses culs de jatte.Et puis un jour, par surpriseDes torrents de pluie se sont abattusLes homuncules ont perdu le contrôleLes voitures se sont mises à flotterA s’entrechoquerLeurs occupants se sont noyésLes égoûts ont reflué en masseLes routes devenues fleuves de boueSe sont retournées, défoncées, éventréesVoitures encastrées les unes contre les autresPeinture rayée, métal cabossé, vitres explosées4x4 en PLSCockpit rempli de boue noireCylindres et sièges en skaï submergésSubtile électronique HSEt puis l’eau a fini par se retirerLa boue a séché sur les cadavresLes tas de ferraille ont rouillé au soleilPartout des carcasses vides et momifiéesQui se décomposent en silenceC’était très saleMais les derniers oiseaux étaient heureuxLes rares hérissons aussiLes crapeaux bondissaient partoutSans parler des charognards.
Novembre 2024