Promenade dans Jerusalem : épisode 2

Chronique de Jérusalem
Deuxième épisode - Promenade dans la vieille ville de Jérusalem

Dans le quartier de Jérusalem-Est où je loge, il y a plusieurs églises. L’église Sainte-Marie-Madeleine de facture russe ; et « l’Église de toutes les nations ». Toutes deux remontent au IV^e siècle pour leurs fondations : un tremblement de terre en 746 les a fait disparaître. L’église de toutes les nations tient son nom du fait qu’elle a été financée par de nombreux pays et achevée en 1924. De nombreux éléments (notamment des mosaïques de l’époque préhébraïque) ont été intégrés à cet édifice. L’Église Sainte-Marie Madeleine bâtit en 1888, et c’est là que se trouve la dépouille de la grande Duchesse Élisabeth Fiodorovna de Russie (canonisé en 1981), assassinée en 1918 par les bolcheviks dans des conditions atroces.

Il y a cet immense cimetière (le plus grand du monde, paraît-il) impressionnant., le long de la vallée du Cédron. Il est divisé en trois, Juifs (le plus grand), musulman (le plus près des remparts ), et chrétien entre les deux. Il y a plusieurs tombeaux vieux de 4 000 ans, dont celui de Zacharie (coiffé d’une Pyramide), et celui du neveu de Noé taillé et celui d’Absolon, troisième fils de David., les trois directement dans la roche. Ce qui est frappant, c’est l’aspect qui n’a rien à voir avec nos cimetières : juste une pierre gravée. Pas de fleurs, rien. Juste une plaque. Et pour les trois religions. Un immense espace de tombes simples et sobres, des dizaines de milliers rangées les unes à côté des autres.

Le cimetière juif, à gauche la fameuse vallée du Cédron.

Toujours le cimetière, on aperçoit le tombeau d’Absolon, taillé dans la roche.

La vieille ville est toujours aussi fascinante. Mais l’urbanisation galopante de la périphérie est inquiétante. Les drapeaux à l’étoile de David bleue plantés sur les toits des immeubles sont la marque des colonies. Il y en a de plus en plus, même à Jérusalem-Est, où les résolutions de l’ONU les interdisent pourtant.

Colonies illégale au pieds du Mont des Oliviers.

L’ambiance est parfois tendue, des patrouilles de militaires israéliens sont à tous les coins de rue, c’est une armée d’occupation. Ils sont très jeunes, ce sont des « appelés » : service militaire obligatoire : 3 ans pour les garçons, deux ans pour les filles, dès 18 ans. Inexpérimentés, ils sont nerveux, tout Palestinien est un terroriste potentiel.
Les contrôles sont incessants, je me suis même fait viser par une soldate avec son Uzi qui n’a pas apprécié mon humour.

C’est dingue comme les fondamentalistes de tout poil se ressemblent. On parle souvent des « barbus » vêtus de blanc, pour qualifier les intégristes musulmans. Mais on croise des chrétiens catholiques, orthodoxes ou autres, des juifs, des musulmans, tout un tas d’autres personnages tel un patchwork de sectes (au sans biblique du terme). Ils affichent leur appartenance avec arrogance et sont parfois difficiles à reconnaître tant il y en a de sortes. On les reconnaît à leur couvre-chef ou aux papillotes qui dégoulinent devant les oreilles pour les juifs. Mais ils ont en commun leurs vêtements noirs et leurs longues barbes, hormis les chrétiens, le plus souvent glabres.

J’ai donné 5 shekels à un vieil homme en habit traditionnel qui mendiait assis par terre. Avec une pancarte en arabe où l’on pouvait voir le portrait d’un gamin. Manifestement un de ses enfants morts sous le feu des Israéliens. Je ne comprenais rien à ce qu’il me disait, mais je lui ai dit en lui donnant sa pièce "it’s for free Palestine". Et ça, il l’a bien compris et m’a serré la main avec des "shoukranes " à n’en plus finir. J’ai essayé de lui dire qu’il prenait des risques, qu’il risquait la prison pour ça, mais en vain.

Impossible d’entrer sur l’esplanade des mosquées, interdite aux non-musulmans et aux moins de 30 ans, selon les militaires israéliens. Ce sont eux qui décident, en fonction de leur humeur, comme trop souvent. Cependant, j’ai trouvé l’ambiance moins tendue qu’il y a 7 ans. Moins de soldats, et surtout moins agressifs. Mais toujours aussi malpoli : ils ne font même pas l’effort de vous parler en anglais et même pas bonjour : juste une brève tirade en hébreu que l’on comprend comme "interdis de passer là".

Vers 11h, quartier musulman. Je passe devant une maison avec des drapeaux israéliens, signe qu’elle est occupée par des juifs fondamentalistes. J’entends derrière moi comme un bruit de bouteilles brisées. Je me retourne et vois trois gamins d’autour de huit ans cavaler. Sur le coup je pense à une maladresse. Mais ensuite ils continuent avec d’autres bouteilles qu’ils jettent violemment dans les rues autour de la maison aux drapeaux bleus israéliens en rigolant. Surtout ne pas intervenir me dit mon ange gardien.
Un juif, reconnaissable à son costume noir à chapeau démodé sort en trombe et tente de les rattraper. Mais trop tard, ça cavale vite un gosse, et ça connaît les ruelles comme sa poche. Un couple de touristes américains sidéré me fait part de son désarroi sans comprendre. Ils ne soupçonnent pas qu’une communauté de fondamentalistes, que ces drapeaux en plein quartier musulman sont des provocations humiliantes pour un Palestinien. Que les anciens habitants ont sans doute été expropriés. Et que si ça trouve ces gosses sont de la famille qui a été injustement virée.

La suite, épique, au troisième épisode !

Devant le commissariat, il ont des chouettes voitures.