« On n’est pas venu vous dire ce qu’il faut faire »

« On n’est pas venu vous dire ce qu’il faut faire »
Récit d’une semaine de rencontre avec des zapatistes venus du Mexique(1) en vallée de la Drôme...

Ils l’avaient annoncé dès octobre 2020 : une délégation d’environ 150 zapatistes et membres de collectifs indigènes du Mexique effectue en ce moment un voyage "pour la vie" à la rencontre des aspirations d’autres "mondes" qui poussent ici et là ; à la rencontre des peuples, des collectifs, des citoyen.ne.s du monde qui inventent, se bougent et refusent de se laisser marcher sur les pieds.

Rendu compliqué par la situation sanitaire mais aussi par des obstacles venant des autorités mexicaines et françaises, le voyage pour la vie a fini par prendre forme mi-septembre. Les quelques 150 compas sont finalement arrivés par l’Autriche pour ensuite se répartir par groupe de 5 dans différentes régions de France et d’Europe.

Arrivée de la délégation en bord de Drôme à Saillans le dimanche 17 octobre

C’est un de ces groupes que nous avons accueilli du 17 au 21 octobre dernier dans la vallée. Pendant 5 jours, au cours de rencontres avec des paysan.ne.s, des acteur.trice.s du monde de l’éducation, des membres de collectifs de luttes locales, au cours de rencontres publiques autour de la justice communautaire, de l’auto-organisation, au cours d’une visite d’une expo de photos du Chiapas commentée par les zapatistes, nous avons pu faire connaissance concrètement avec le mouvement zapatiste, cette expérience d’organisation réellement démocratique qui a réussi à se sortir de l’hydre capitaliste et à ouvrir une brèche dans le monde individualiste et marchand...

Soirée discussion autour de l’auto-gestion à la salle des fêtes de Saillans le jeudi 21 octobre. Crédit photo : Magda

Ballade commentée de l’exposition photos de rue sur le mouvement zapatiste

Vidéo d’un temps de partage musical avec les zapatistes

Nous avons appris que la prison n’existe plus dans les territoires zapatistes et que les délits sont sanctionnés par des travaux communautaires sans aucune amende, afin que les individus riches ou pauvres soient égaux devant leurs peines, appris que l’alcool a été prohibé des territoires zapatistes pour ne pas compromettre la réussite de la révolution menée et pour lutter contre les comportements sexistes. Nous avons pu sentir dans chaque intervention des compas à quel point l’intérêt collectif prime au-dessus de l’intérêt individuel, à quel point leur passage par la clandestinité a été un temps primordial dans la construction de leur mouvement et de leur unité. Nous avons aussi pu ressentir à quel point la prise en compte de leur histoire, de leur culture, de leur passé commun a été une base de construction, ressentir leur humilité et leur remise en question permanente, percevoir leur volonté de combattre le patriarcat et leur détermination à lutter et à partager leur expérience sans en faire un modèle parfait.

Quelques illustrations des temps de rencontre et de discussions qui ont lieu pendant la semaine.

Maintenant qu’ils sont repartis vers d’autres régions se pose la question des suites que nous allons donner à cet élan qui a parcouru la vallée. Plusieurs propositions et pistes ont été évoquées, allant notamment vers la mise en place d’une journée collective régulière d’action à l’échelle de nos villages, vers l’ouverture de maisons collectives pour toustes, vers des ateliers pratiques autour de la justice communautaire, l’auto-organisation alimentaire, l’autogestion médicinale, éducative......

Si participer ou être informé de ces sujets et de ces suites vous intéresse, n’hésitez pas à envoyer un mail à : otro-mundo-ya-existe-2607 chez riseup.net

Le collectif d’Accueil des Zapatistes en Vallée de la Drome.

1. le mouvement zapatiste est une initiative de transformation sociale et politique radicale née au Mexique dans la région du Chiapas. Apparu au grand jour en 1994, le mouvement s’étend sur une région grande comme la Belgique, forte de 11 territoires (caracoles) et s’organise avec ses propres instances démocratiques, culturelles, judiciaires, d’éducation, de soins... et son armée de libération, l’EZLN. 150 à 250 000 personnes compose la communauté zapatiste. C’est la plus importante expérience d’auto-gouvernement collective de l’histoire moderne avec le Kurdistan.