Cette affaire tragique et scandaleuse illustre une fois de plus la réalité du système policier français : des flics en roue libre, surarmés et surprotégés, qui tirent à tout va des munitions potentiellement létales avec des armes de guerres sur des personnes désarmées ne présentant aucun danger sérieux. Avec aussi des méthodes mafieuses pour étouffer l’affaire.
Fermer les yeux ou faire l’autruche ne fera pas disparaître le problème du système policier.
- Marseille : des policiers du RAID tuent un jeune père de famille début juillet
- Tir mortel depuis un blindé durant les émeutes motivées par l’assassinat de Nahel par la police
COMMENT LE RAID A TUÉ MOHAMED B.
Une colonne anti-terroriste, des tirs depuis un blindé, dont six vers la victimes à scooter
Au début du mois de juillet, pour anéantir la révolte suite à la mort de Nahel, Gérald Darmanin a déployé des forces anti-terroristes contre la population civile. En Lorraine, le RAID a plongé dans le coma Aimène, un jeune agent de sécurité qui circulait en voiture. À Marseille, la même unité militarisée a tué Mohamed, père de famille, qui circulait à scooter. Médiapart revient sur les circonstances, accablantes, de sa mort :
➡️ « Au départ, c’est le monsieur du fourgon qui était sur le toit qui tirait et ses collègues se sont mis à faire pareil » explique une témoin de la scène. Mohamed n’a pas été visé par un ou deux tirs, mais 6. « En quelques secondes, six détonations – des tirs de LBD ou de « bean bags » – retentissent » écrit Médiapart. Trois tirs touchent Mohamed, un impact à la jambe, un qui fait exploser le phare de son scooter, un autre au thorax. Fatal celui-ci. 6 tirs de policiers lourdement armés, protégés, depuis leurs blindés vers un seul homme. Une partie de ball trap.
➡️ Le Raid se déplaçait en convoi de sept véhicules « pour impressionner, mais aussi pour interpeller si nécessaire, ou disperser un attroupement ». Ces policiers sont formés à l’usage de toutes les armes, et sont très entraînés. « Chacun d’entre eux peut choisir ses armes et les embarquer en mission sans formalités particulières » écrit Médiapart, « au point que leur hiérarchie est incapable de déterminer, a posteriori, qui a pris quoi ». Open bar. Le policier qui a tué Mohamed possédait « un LBD multicoups, approvisionné par six munitions » De quelle arme s’agit-il ? Est-elle dotée dans les unités classiques. S’agit-il d’une arme encore plus puissante et dangereuse que le LBD utilisé actuellement par la police ?
➡️ Dans la nuit du 1er au 2 juillet, les agents de cette colonne du RAID ont tiré pas moins de 107 « bean bags », des cartouches tirées au fusil à pompe contenant des billes de plomb, 30 balles de LBD, 10 grenades lacrymogènes et 4 grenades de désencerclement. Ils n’ont rempli aucune « fiche TSUA », le traitement et suivi de l’usage des armes, obligatoire après chaque tir pour les policiers classiques. Aucune traçabilité des tirs n’est donc possible.
➡️ Depuis leurs blindés, ces agents militarisés n’ont jamais été en danger ni même menacés. Ils ont tiré sur les êtres humains qui croisaient leur convoi.
➡️ Les autorités ont interdit la diffusion des images. La personne qui a filmé les 6 tirs a dû faire une promesse lors de son audition : « Conformément à vos instructions, je m’engage à ne pas diffuser ce film à qui que ce soit ou à le montrer. Je prends acte qu’en cas de diffusion je pourrais être poursuivie par la justice. J’ai compris ce que vous me dites, je m’engage à respecter la loi. » Cette témoin a subi une pression illégale, rien dans la loi ne l’empêchait de diffuser les images. Et la révélation d’une telle vidéo aurait été dévastatrice pour le pouvoir en place.
➡️ Du côté du RAID, pas de caméras-piétons, et leurs échanges radio ne font l’objet d’aucun enregistrement. Mais une caméra située sur le véhicule de tête a filmé en continu le convoi. Elle ne sera transmise à l’IGPN « que le 28 juillet, deux jours après une nouvelle réquisition formelle et presque un mois après les faits ». Entre temps, les agents du RAID se sont concertés pour préparer leur défense.
➡️ Auditionné, Alexandre P., le policier responsable du tir mortel osera finalement : « J’ai considéré son geste d’accélérer en direction du convoi comme un geste d’agression ». Il a fait feu sur Mohamed, à scooter, à dix mètres de lui. Il considère que tout être humain s’approchant de sa colonne est une menace. « Je n’ai pas visé la tête, je voulais arrêter ce putain de scooter ». Ou encore : « J’ai jamais été aussi stressé alors que j’ai vécu l’Hyper Cacher. C’est le ciel qui me tombe sur la tête. » Comme à chaque crime policier, le responsable fait croire que c’est lui qui est traumatisé et qui a eu peur. Si « l’élite » des forces anti-terroriste française est terrorisée par un scooter aperçu depuis une tourelle de blindé, alors il faut démissionner avant de commettre l’irréparable. 3 membres du RAID sont mis en examen suite à cet homicide.
(post de Contre Attaque)
Rappel :
UNE FAMILLE BRISÉE PAR LA POLICE À MARSEILLE
Abdelkarim, 22 ans, et Mohamed, 27 ans, étaient cousins. En deux nuits d’émeutes, l’un a perdu un œil et l’autre est mort. La sœur de Mohamed a été emprisonnée. Témoignage de l’ensauvagement inouï de la police française.
➡️ Samra et Meriem sont sœurs. Et leurs familles ont été fracassées par la violence d’État en quelques jours. Le 30 juin, le fils de Samra, Abdelkarim, 21 ans, est éborgné par un tir policier en plein visage. Ce soir-là, il croise la route de policiers déployés dans une rue commerçante de Marseille. Abdelkarim dit avoir vu cinq camionnettes remplies d’agents « habillés en noir, avec des casques noirs » qu’il n’avait « jamais vus dans Marseille ». Il s’agit du RAID, unité anti-terroriste déployée dans la ville pour mater la révolte. « J’ai vu un policier en train de me viser, je n’ai pas caché mon visage. Quand j’ai voulu tourner, ils m’ont tiré dessus » explique-t-il à Médiapart. Abdelkarim pense avoir « perdu connaissance » dans la rue et se souvient seulement de s’être relevé en se tenant le visage. « Mon nez saignait, des morceaux sortaient ». Il subit trois opérations. La vue de son œil gauche est définitivement perdue.
➡️ Le 2 juillet, vers 1 heure du matin, c’est le fils de Meriem, Mohamed, 27 ans, qui s’effondre juste devant la porte de sa mère où il a réussi à se traîner en scooter. Les médecins constatent deux impacts « en cocarde » de 4,5 cm de diamètre, évocateurs d’un « flashball », en tout cas de munitions policières. Les balles de LBD mesurent justement 4 centimètres de diamètre. Un tir sur la cuisse, l’autre en plein thorax, qui a provoqué un arrêt cardiaque chez ce jeune homme sans antécédents médicaux. Mohamed était livreur, père d’un petit garçon, et sa compagne attend un enfant. Sa mère dit « Vers 20 heures, il m’a fait un bisou
sur le front et un câlin, puis il est sorti et je ne l’ai plus revu ». Dans le téléphone du défunt, les dernières images prises quelques minutes avant sa mort : il filmait l’interpellation d’un homme par la police. Il s’est fait tirer dessus, deux fois, et abandonner mourant.
➡️ Le 5 juillet, des dizaines de personnes arrêtées les nuits précédentes à Marseille passent à la chaîne au tribunal, en comparution immédiate, et subissent une justice exceptionnellement violente. Parmi les personnes jugées, la sœur de Mohamed. L’avocat Rafik Chekkat, qui assistait à l’audience, raconte : « elle vient d’être condamnée à 1 an de prison dont 6 mois avec sursis après avoir été interpellée avec une chaussure (même pas une paire) venant du Foot Locker pillé 3h plus tôt. Pas de mots ».
(post de Contre Attaque)