Manifs/grèves du 06 juin : dernier round ou étape vers un mouvement long qui change de forme ?

Réforme des retraites : ne tournons pas la page !

lundi 5 juin 2023, par Auteurs divers.

Mardi 6 juin, journée de grèves et de manifs partout en france.
Dernier round avant l’été d’un mouvement énorme, ou simple étape dans un processus long qui va continuer de plus belle avec d’autres méthodes et objectifs ?

La révolte (latente ?) est plus grande que jamais, d’autant que la tyrannie veut continuer à accenter ses violences et dominations (France Travail, SNU, nouvelles répressions envers les exilé.e.s, etc.). Alors des syndiqué.e.s et d’autres ne veulent pas du tout "tourner la page", tandis que de nouvelles organisations émergent de ci de là.

Le "mouvement social" ciblé et réformiste est mort ? Alors vive la révolte sociale large et à visées révolutionnaires ?

Dans un élan d’optimisme et de méthode coué, on avait pu croire en mars après le 49.3 à la naissance d’un soulèvement révolutionnaire généralisé, mais ça n’a pas duré, manque d’entrain partagé, et surtout de monde ?
L’heure semble être davantage à présent dans le questionnement, la remise en cause, et l’organisation pour la suite en tenant compte de la situation. Ce qui est tout à fait indispensable, à ne pas bâcler en se "jetant" sur un autre sujet.

Le 06 juin en Drôme

Manifestations prévues :

  • VALENCE : rdv 14h30 Champ de mars - Avec AG de lutte en fin de manif
  • MONTÉLIMAR : 14h Rond-point N7 de Châteauneuf
  • ROMANS : 10h Place Jules Nadi
  • NYONS : 10h Sous-Préfecture

Réforme des retraites : ne tournons pas la page !

- Réforme des retraites : ne tournons pas la page !
Nous nous sommes tous rencontrés en bloquant pendant 40 jours l’incinérateur d’Issy. Nous avons décidé de continuer la lutte ensemble, et dans ce cadre nous voulons interpeler l’intersyndicale. Le texte ci-dessous a été distribué, sur papier, par mail ou via des réseaux sociaux. Si vous voulez vous joindre à nous, signez et faites signer cette Adresse à l’intersyndicale.
Adresse aux directions de la CGT, FO, SOLIDAIRES, FSU, CFDT, CFTC, UNSA, CFE-CGC :
(...)
Nous sommes pour la plupart syndiqués dans vos fédérations. Nous avons pour la plupart repris le travail. Nous entendons nos collègues nous dire que « faire grève ne sert à rien ». Nous pouvons les comprendre. Qui a envie de perdre du salaire "pour rien" ? Nous faisons aussi le constat que 14 journées de grève réparties sur 6 mois, de janvier à juin, est une tactique qui est loin d’avoir porté ses fruits.
Le pouvoir était beaucoup plus chancelant courant mars, lors de la grève reconductible de plusieurs secteurs (cheminots, raffineurs, énergéticiens, secteur des déchets...).
Nous avons conscience, comme des millions de travailleuses et travailleurs en France, que nous devons arrêter le travail tous en même temps, pour véritablement bloquer le pays et avoir le rapport de force nécessaire pour obtenir l’abrogation de la loi Borne.
En tant que directions syndicales, vous avez le pouvoir d’appeler à la grève générale, de l’organiser et de la financer.
(...)
Vous ne pouvez pas vous défausser de vos responsabilités sur le reste de la direction de votre confédération, ou sur vos fédérations.
Si nous perdons ce combat de civilisation, celui du travail contre le capital, celui du temps libre sur le temps contraint, vous serez les coupables tout désignés de cette défaite. Vos dizaines de milliers de nouveaux syndiqués ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir.
(...)
Nous vous demandons donc de prendre toutes vos responsabilités, et de vous engager par écrit à :

  1. Cesser toute rencontre avec Macron ou ses ministres. Ne pas "négocier" d’autres contre-réformes.
    Assumer la politique de la chaise vide. Arrêter d’être des "interlocuteurs responsables". Vous gagnerez en crédibilité auprès des seules personnes qui comptent : les travailleuses et les travailleurs.
  2. Appeler à la grève générale, l’organiser, et la financer.

Dans le cas contraire, nous en tirerons toutes les conséquences. »

Pour devenir signataire de ce texte :
Envoyez vos NOM, Prénom, Syndicat (Responsabilités syndicales éventuelles)
à netournonspaslapage chez proton.me

Les 100 jours d’apaisement promis par notre grand leader ont été entendus par le peuple.

Selon les sondages, le guide suprême a retrouvé la popularité massive qu’il n’avait finalement jamais perdu. Rarement un dirigeant français n’aura été autant aimé.

Partout où il passe, une foule en liesse acclame sa clairvoyance, les enfants pleurent de joie, des rassemblements spontanés témoignent de leur amour en jetant des fleurs sur le parcours présidentiel. Les ministres sont accueillis par une population souriante et unanime. Les gestes bienfaiteurs de ces derniers mois, en particulier les mesures en faveur des plus pauvres, sont reconnus à leur juste valeur.

Les prochains sondages, bientôt dans vos médias :
- « Les français remercient les spéculateurs pour leur générosité, et souhaitent être moins payés »
- « La population trouve le gouvernement trop bienveillant, et réclame plus de 49-3 »
- « Le gouvernement Macron considéré comme un bienfaiteur des plus précaires »
- « Popularité inédite pour Olivier Dussopt, pressenti pour être présidentiable »
- « Les français trop heureux heureux au travail, réclament la retraite à 80 ans »
- « 12 français sur 10 favorables à un troisième mandat de Macron sans passer par une élection »
- « Une dictature militaire plébiscitée par la population ? »
N’hésitez pas à ajouter vos idées en commentaires …

(post de Contre Attaque)

Manifs/grèves du 06 juin : dernier round ou étape vers un mouvement long qui change de forme ?

Macron : tyran ou fasciste ?

- Macron : tyran ou fasciste ? - (In memoriam Clément Méric)

Ceux qui ont voté une deuxième fois pour Emmanuel Macron en pensant faire barrage à l’extrême droite aux dernières élections en sont pour leurs frais, parce qu’il y a maintenant au pouvoir un gouvernement qui applique point par point la feuille de route du Rassemblement National. Il est appuyé par une droite qui copie verbatim le programme de Marine Le Pen. Chacun découvre un peu chaque jour ces réalités d’un second mandat qui n’en est qu’à ses débuts. Car sur la route d’un capitalisme typiquement français (qui n’aurait jamais été fasciste dit-on), ce pouvoir est devenu de plus en plus violent, abject, même si on est maintenant persuadé que Macron peut l’être encore plus. Tout un pays est devenu son punching ball, jusqu’à la nausée. Nous devrions le remercier ?
(...)
Son bellicisme tout azimut, s’applique à l’international comme dans la guerre sociale qu’il mène à l’intérieur. La police étant complètement militarisée on assiste à une mise en scène de son action distillée sur les chaînes des milliardaires. D’un autre côté, tout est scénarisé, à la manière d’une série télé, le design de la communication politique, pensé par des cabinets de stratégie esthétise les moindres formes de la communication gouvernementale : aucune parole ne déroge à l’impeccable mise en scène de très rigoureuses grilles d’éléments de langage. Cette esthétisation du politique accompagne l’esthétisation d’une guerre sociale, menée contre les plus démunis. Là s’exhibent les dernières armes, les lance-grenades, une orgie de munitions, les masques à gaz, les véhicules blindés, les préfets portant casquettes d’officiers allemands, les flonflons et les drones militaires.

L’esthétisation de la guerre combinée à celle du politique rappelle d’autres époques. Selon Walter Benjamin, l’esthétisation de la guerre est la marque du fascisme historique
(...)
On a longtemps cru que Macron était « illibéral », « démocrate-autoritaire », ou « presque fasciste ». Depuis la réforme des retraites on sait que c’est simplement un tyran. Un tyran, depuis l’antiquité, c’est d’une part « celui qui, dans la cité, exerce son autorité selon ses propres vues » mais surtout celui qui exerce cette autorité de manière illégitime et par usurpation.
Il y a d’abord eu une arnaque électorale pour arriver au pouvoir, largement organisée deux campagnes durant pour obtenir un vote par défaut. Ce fut une première illégitimité qui consacra la tyrannie du tyran. Mais après ce tour de passe-passe il y eut deux mouvements sociaux massifs. Celui des Gilets Jaunes qui a permis à l’appareil d’État d’exhiber une violence policière inouïe pour faire accepter par les populations la possibilité d’une sortie de l’État de droit, et ensuite le mouvement contre le projet de réforme des retraites, où ce même pouvoir mit cette fois en spectacle au niveau des institutions, des pratiques déloyales et vicieuses (usage d’un cavalier législatif, incapacité chronique à se confronter au vote, usage de l’article 40). Histoire de dire que le pouvoir était totalement privatisé, entièrement à sa botte. Ceci a largement décrédibilisé l’institution républicaine, qui comme chacun sait est censée être « publique » (la Res publica) et non une affaire privée.
(...)

Manifs/grèves du 06 juin : dernier round ou étape vers un mouvement long qui change de forme ?

AUX ASSISES DU "ZBEUL" A MILLAU LES 1er ETJUIN

La ville de Millau a accueilli pendant deux jours les Assises des petites villes de France, en présence du ministre de la transition écologique. Deux cents personnes ont organisé en parallèle leurs propres « Assises du peuple debout », pour tenter de faire vivre la contestation sociale.
Cécile Hautefeuille
2 juin 2023 à 20h00

MillauMillau (Aveyron).– Des élu·es et un ministre dans le théâtre de la Maison du peuple, sous bonne garde des forces de l’ordre. Et dehors, tenu·es à l’écart, des manifestant·es qui s’époumonent et tapent sur des casseroles. « Le peuple, c’est nous », scande une pancarte en carton, qui pendouille à l’arrière d’un camion-sono, recouvert d’une affiche : « Petites villes, grand zbeul [désordre – ndlr] ».

Les 1er et 2 juin, la ville de Millau a accueilli les 25e Assises des petites villes, où des maires et des parlementaires sont venu·es « débattre et échanger sur les défis auxquels les petites villes auront à faire face dans les prochaines années ». En marge de ce congrès annuel, où il était question de transition écologique et de déserts médicaux, les opposant·es à la réforme des retraites ont animé leurs propres Assises du peuple debout, également baptisées Assises du zbeul ou Intervilles du zbeul, en référence au célèbre jeu télévisé dans lequel s’affrontaient des villes via des d’épreuves d’adresse.

Les Assises du peuple debout ont été organisées en marge des Assises des petites villes de France, à Millau. © Cécile Hautefeuille

Depuis qu’Emmanuel Macron a lancé ses « 100 jours d’apaisement », les actrices et acteurs du mouvement social jouent à « Intervilles », poursuivant partout le président, les ministres et parlementaires pour se faire entendre. À Millau, ce jeudi, c’est le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, qui s’est déplacé. Deux cents manifestantes et manifestants se sont rassemblés pour assurer le – bruyant – comité d’accueil. Des contestataires venu·es de tout l’Aveyron mais aussi de l’Hérault, du Gard et du Tarn.

Après des mois de mobilisation contre la réforme des retraites, et des semaines de casserolades, la technique est désormais bien rodée. Tout juste arrivé du Vigan (Gard), Jean-Marc ouvre ainsi le coffre de son van et en sort d’énormes boîtes de conserve, sur lesquelles il va taper des heures durant. L’une de ses passagères a opté pour une théière rouge en fonte, qu’elle extrait de son sac à dos. Deux autres déploient une large banderole, appelant à une « retraite par répartition pour une société plus solidaire ». Ils ont roulé près d’une heure et demie pour rejoindre le parking de la Grave de Millau, point de rencontre des manifestant·es du Sud-Aveyron, de l’Hérault et du Gard.

Trois cortèges doivent converger de différents lieux de rendez-vous pour rejoindre la place Foch, à deux pas du théâtre de la Maison du peuple. « Le premier cortège arrivé a gagné ! », lance une syndicaliste de Solidaires. « On s’en fout de gagner, on veut être entendus ! », répond Jean-Marc. Enseignant en Segpa (Section d’enseignement professionnel et général adapté) de 50 ans, il estime que « chaque occasion est bonne » pour faire du bruit lors des déplacements des membres de l’exécutif. Il ose même rêver que les ministres, de retour à Paris, feront passer le message. « Peut-être qu’ils vont dire, là-haut, dans la capitale : “J’ai vu, j’ai entendu.” Et pourquoi pas : “J’ai écouté.” »

Violents affrontements avec les forces de l’ordre

Mais à Millau, il n’y aura ni échange ni rencontre. Le bruit des casseroles et des chants n’est sans doute même pas arrivé jusqu’aux oreilles des élu·es et du ministre. Les cordons des forces de l’ordre barrent tous les accès, y compris les étroites ruelles. Et des affrontements éclatent sur la place Foch, dès la fin de matinée. Des manifestants retirent les barrières de sécurité plantées devant les gendarmes mobiles qui chargent à quatre reprises, inondant les lieux de gaz lacrymogène. Une femme se retrouve à terre, blessée au coude et au nez. Elle est emmenée par les pompiers. Un homme est interpellé. « Ils sont complètement fous !, commente une Millavoise. Ils l’ont embarqué pour avoir jeté un œuf ! »

Le calme finit par revenir. Et les chants, devenus des classiques, reprennent de plus belle. « La retraite, elle est à nous ! Et la rue, elle est à nous ! »
Membres de la Confédération paysanne, militantes et militants des Soulèvements la Terre, « gilets jaunes », syndicalistes... La place Foch rassemble toutes les luttes des derniers mois. Tout ce que le mouvement social a agrégé depuis janvier. « Nous, on est là pour participer à “Intervilles”, ça nous fait tellement marrer ! », rigole une jeune femme, qui entonne le générique de l’émission dans un mégaphone. La foule le reprend en chœur devant les forces de l’ordre, avant de partir manifester dans les rues de la ville, en bloquant au passage un rond-point pendant une trentaine de minutes.

Le jeu démocratique n’est plus là, maintenant c’est de la stratégie technocratique.

Francine, éleveuse de brebis à la retraite, défile avec l’énergie du désespoir, ulcérée « par la façon dont on est traités », depuis le début du mouvement social. À ses côtés, Jean-Luc arbore une pancarte « Face aux Assises, soyons debout » et raille la présence de membres du gouvernement au congrès de Millau. « Ils viennent parler ruralité mais ce ne sont que des mots. On peut se débrouiller tout seuls, on n’a pas besoin d’eux ! »
« Les gens sont en colère et ils essaient vraiment de la contenir », soupire Sébastien, syndiqué Unsa et professeur des écoles dans l’Aveyron. La veille du rassemblement, la majorité a torpillé, en commission des affaires sociales, la proposition de loi Liot visant à abroger la réforme des retraites. Ce nouvel épisode a-t-il aggravé le ressentiment ? « Sincèrement, moi, les débats parlementaires, je les regarde de loin, balaie Sébastien. Le jeu démocratique n’est plus là, maintenant c’est de la stratégie technocratique. »

Le syndicaliste s’inquiète : « Je ressens autour de moi une perte de foi dans nos institutions. » Évoquant les récents propos d’Emmanuel Macron sur le Rassemblement national, Sébastien redoute « un vote de colère » à la prochaine présidentielle. Concernant le mouvement social, il considère que « l’entêtement du gouvernement » s’est retourné contre lui, en agrégeant les colères. « Et ça a permis aux syndicats de retrouver une légitimité et de glaner de nouveaux adhérents. »
Jean-Marc, le Gardois, s’accroche aussi aux espoirs nés de la contestation. « Je sens du bon dans ce mouvement où le mot fraternité prend beaucoup de sens. Sur le papier, on n’a pas gagné car la réforme des retraites sera sûrement appliquée. Mais le mouvement, lui aussi, a gagné sur plein de tableaux. » Et il conclut : « Aujourd’hui, il y a du découragement face à la stratégie du gouvernement. Mais pas de démotivation. »

Assis sur un banc à l’ombre d’un platane, Michel, 69 ans, est l’un des rares gilets jaunes présents au rassemblement. Chasuble sur le dos et chapeau de paille sur la tête, il prend des nouvelles de la femme blessée quelques heures plus tôt, lors d’une charge des forces de l’ordre. « Elle est toujours à l’hôpital », explique-t-il en raccrochant son téléphone. Michel est gilet jaune depuis 2018 et se dit de tous les combats. « J’ai toujours été un peu rebelle », s’amuse-t-il.
Opposé au fonctionnement des organisations syndicales, « trop pyramidal, avec des chefs qui décident tout », il concède que l’intersyndicale « a bien fait le boulot » dans cette lutte qui dure depuis près de six mois.
Ce jeudi, à Millau, des manifestant·es se disaient déçu·es que les Assises du zbeul n’aient pas attiré davantage de monde et reconnaissent que le mouvement s’émousse. « On était peu mais on en a fait, du boucan ! », s’enthousiasme tout de même une jeune femme. Cette trop faible affluence et les petits groupes éparpillés dans la ville l’après-midi ont également conduit à l’annulation des Assises du peuple, censées être un temps d’échange et de débat.

En fin de journée, la casserolade a repris de plus belle sur la place Foch. Clou du spectacle – et peut-être des points en plus pour le grand « Intervilles » national –, un avion de tourisme traînant dans son sillage une banderole « Destitution » a survolé Millau et le parc régional des Grands Causses.

Cécile Hautefeuille

Et une couche de "l’optimiste" Chastaing pour finir.
Il me semble plutôt que l’été et ses vacances va achever ce mouvement social, et je ne crois pas que le pouvoir se désagrège tant que ça. La foi en lui oui, mais le pouvoir se recompose (du côté de l’extrême droite) en même temps qu’il se décompose.
Mais c’est pas impossible qu’il y ait de fortes tensions à l’automne.

CROISSANCE DE NOTRE FORCE ET DESAGREGATION PROGRESSIVE DU POUVOIR

Dans le contexte actuel, la victoire des ouvrières de Vertbaudet n’est pas anodine.
Elle rend visible l’évolution des rapports de force en cours dans le contexte général du mouvement contre la réforme des retraites. Elle est le premier signe d’un basculement des rapports de forces.

Leur grève a pris une portée nationale au moins par deux fois.
Une première fois par la violence d’un niveau inédit depuis longtemps de la police dans une grève et par l’intervention d’une milice fascisante dans un lieu, Tourcoing, lié à Darmanin, dans un groupe capitaliste lui-aussi lié à Darmanin par le fils de Fillon, directeur dans le groupe Equistone propriétaire de Vertbaudet, un important groupe d’investissement présent dans de nombreuses entreprises françaises de Spie Batignolles à Domus VI en passant par Novares, Gerflor ou encore Webhelp et bien d’autres.
On ne peut pas séparer la politique violemment anti-ouvrière et les méthodes fascistes chez Vertbaudet de la politique générale ultra-violente de Darmanin qui essaie de se positionner comme recours possible entre Macron et le RN. Il faisait là une démonstration nationale. La victoire des ouvrières de Vertbaudet est dont aussi une défaite de Darmanin. Elle montre également par le recul d’Equistone qu’au moins un grand groupe capitaliste ne soutient plus cette politique si elle aboutit à renforcer la détermination de la classe ouvrière. Ce n’est certes qu’un seul groupe capitaliste qui renonce ainsi et préfère négocier plutôt qu’essayer d’écraser, mais ce n’est pas un petit groupe et c’est un groupe lié à Darmanin. Si on associe ce fait à l’isolement politique progressif du pouvoir, cela sonne comme l’amorce du lâchage également du pouvoir économique.
La seconde fois où la grève des ouvrières de Verbaudet a été "nationalisée", c’est lorsque la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a déclaré qu’elle faisait de ce conflit un conflit national et a avertit la direction de Vertbaudet que si elle ne négociait pas, ce serait les 600 000 membres de la CGT qui entreraient en action. Or, cette déclaration suivait l’initiative de militants CGT des Bouches du Rhône qui avaient investi un magasin Vertbaudet dans leur région incitant toutes les structures CGT du pays à faire de même. Quelques unes avaient suivi. Sophie Binet avait alors donné une date ultimatum à l’exécution de sa menace... et la direction de Vertbaudet/Equistone s’est exécutée. Or cette attitude nouvelle de la direction de la CGT, est elle-même le reflet du mouvement des retraites qui a impacté le congrès national de CGT au mois de mars, le poussant clairement plus à gauche, en même temps que ces premiers mois de l’année, plus de 100 000 personnes rejoignaient les syndicats sur une base combative.

Il faut associer les caractéristiques nationales de cette victoire - qui en annonce d’autres par ce contexte général - à l’incroyable séquence que nous vivons depuis le 19 janvier. On ne le mesure pas assez, mais cela fait depuis le 17 avril, qu’il y a des casserolades tous les jours. Au 8 juin, cela fera 62 jours de manifestations continues à chaque déplacement de Macron ou de ses ministres, les obligeant souvent à annuler ou se cacher, qui empêchent Macron de passer à autre chose. A raison de 5 ou 6 par jour, cela fait entre 300 et 400 manifestations contre le gouvernement, auxquelles il faut ajouter des manifestations plus classiques contre la réforme des retraites, ou moins, sous forme par exemple de carnavals ou de coupure de courant ou d’intervention de la palme d’or au festival de Cannes, ou encore mêlant réforme des retraites à la lutte antifasciste .

Cela fait presque 5 mois de mobilisation continue depuis le 19 janvier. C’est considérable. Et ce n’est pas fini parce que la phase du 6 au 8 juin va relancer le processus qui est un processus de désagrégation – et pas seulement d’affaiblissement - progressive d’un pouvoir de plus en plus isolé, aux abois, qui ne sait plus quoi faire, perd tous ses appuis, et qui là, avec Vertbaudet, commence peut-être à être lâché aussi par le grand patronat.
Le gouvernement croyait pouvoir gouverner de manière minoritaire, avec ses alliés du RN et de LR. Mais LR se désagrège. On l’a vu lors de la dernière motion de censure, où LR était coupé en deux, et on le voit encore par le sondage qui ne lui donne que 8% aux européennes et probablement encore moins par son soutien au gouvernement le 8 juin. Par ailleurs, le RN, lui qui a pourtant voté sans état d’âme contre la hausse du Smic et pour la hausse des loyers, n’ose pas cette fois aller contre ses électeurs populaires qui ne veulent pas travailler deux ans de plus. Il a peur de les perdre, en masse, et lui aussi peur de se désagréger sous les coups de boutoir de la poussée populaire.
Le pouvoir est tout seul et le sera de plus en plus

Dorénavant, toute la situation est dans les mains d’un personnage totalement isolé, le Président qui prend de ce fait l’allure d’un roi et dont la fin pourrait bien y ressembler plus qu’à celle habituelle d’un président, or élections. On voit bien que si les grands médias n’étaient pas là pour diffuser du soir au matin les éléments de langage du pouvoir, il serait à bout. Mais même là, on sent des usures dans le concert de louanges, un peu parfois une prise de distance. Par ailleurs, son autre pilier, les forces de l’ordre », lui aussi se désagrège puisqu’elles n’hésitent plus à se dire au bout du rouleau et que les démissions s’y multiplient comme ce n’est jamais arrivé dans l’histoire.

Bien sûr, bien que fragilisé, comme une locomotive devenue folle, le gouvernement continue dans ses mesures réactionnaires et ses méthodes antidémocratiques. Il n’a pas le choix, s’il s’arrêtait, il tomberait. Mais en continuant, il ne peut plus que dérailler.
La victoire des ouvrières de Vertbaudet le pousse un peu plus sur cette voie. C’est un signe de la détermination des travailleurs que Macron n’arrive pas à soumettre alors que tout le sens de son existence, la source de son pouvoir et l’appui des ses mandants milliardaires, tenaient dans sa capacité à soumettre les travailleurs.
Or la victoire des ouvrières de Verbaudet c’est l’ouverture de cette voie à d’autres. C’est déjà en partie fait. Le niveau des revendications salariales augmente significativement. Les Vertbaudet voulaient 150 euros d’augmentation mensuelle. Les ouvriers de LSDH actuellement en grève depuis plus d’une semaine veulent 300 euros. Les ouvrières de "Maison Berger Paris" veulent 20% d’augmentation. Ceux de Disneyland Paris veulent 200 euros. Ceux de Tisséo Toulouse veulent l’échelle mobile des salaires. Ceux de STG en grève depuis plus d’une semaine sur plusieurs sites veulent 80 cts de plus par heure soit dans les 130 euros... Les travailleurs sont passés dans une phase plus offensive que la précédente où les revendications salariales ne dépassaient guère celle de 6%, le niveau de l’inflation, juste pour ne rien perdre. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de ne pas perdre, de résister, mais de gagner, de reprendre tout ou partie de ce qui a été perdu les années précédentes. Ainsi, la vague de grèves salariales en cours, alimentée en force par le mouvement des retraites, est d’une autre nature que les précédentes

L’ambiance créée et révélée par le mouvement des retraites qui change progressivement de forme mais s’enracine durablement, signifie que là où le patronat ou le gouvernement dans toute cette période voudraient nous attaquer sur d’autres terrains, ils trouveront plus de militants, plus de résistance, plus de détermination, avec certainement beaucoup plus de succès, qui seront autant d’encouragement pour les autres. Et tous ces combats et ces succès tendront à n’en faire qu’un seul, pour dégager Macron, pour dégager l’oppression et l’exploitation, dégager le capitalisme. Hier c’étaient les seuls électriciens et gaziers qui avaient gagné une augmentation de 200 euros par une lutte longue et offensive juste avant le mouvement pour les retraites et qui, du coup, ont été et sont toujours à l’avant-garde du mouvement par leurs grèves et avec leurs Robins des Bois. Ce qui s’est passé pour les électriciens, vient de se passer pour les Vertbaudet, et va se passer pour beaucoup avant de l’être pour tous. Nous ne vivons pas un mouvement avec un début et une fin comme le croient encore beaucoup mais un changement d’époque où la classe ouvrière passe à l’offensive et dont les débuts et les fins ne seront que la différence d’ampleur de nos victoires.
C’est pour ça que le 6 juin ne sera pas un baroud d’honneur, où, comme auparavant, on aurait pu entendre ce jour là : "on a fait tout ce qu’on a pu mais on a été confronté à plus fort que nous", additionné d’un "il faudra donc bien voter aux européennes au printemps 2024". Ça, c’était avant.
Bien sûr, la majorité de l’intersyndicale ne souhaite pas de suite au 6 juin et est inquiète du chemin que prend le mouvement actuel, la sortant de sa zone de confort. Mais déjà, dans les bases, on la prépare, par exemple dans les syndicats CGT du commerce, ou chez les retraités ou encore les cheminots qui appellent déjà à une suite le 15 juin et probablement demain les électriciens et gaziers et d’autres encore. On verra. Mais ce qu’il y a de sûr c’est que la manifestation du 6 juin est déjà sortie du cadre que lui avait conféré l’intersyndicale, pas seulement parce qu’elle va s’étendre dans le temps du 6 au 8, mais aussi par son contenu qui va dépasser l’objectif de l’intersyndicale de seulement faire pression sur les députés pour qu’ils votent le 8 juin, la proposition de loi LIOT et son abrogation du passage de 62 à 64 ans. En effet, on sait déjà que le pouvoir va empêcher le vote des députés à l’Assemblée Nationale même si les députés semble-t-il s’apprêtaient à voter l’abrogation de la loi. Tout le monde le sait. La pression sur les députés devient secondaire. Par contre, les magouilles anti-démocratiques du pouvoir ranimeront la détestation de l’opinion contre tous ces abus de pouvoir qui, désormais, caractérisent le régime et seront au centre de cette manifestation.

Tout le monde va regarder ce qui se passe le 8 juin et le 6 juin en sera la préparation. Comme le 49.3 avait réveillé la colère, les magouilles du 8 juin le feront aussi. Du coup, cette manifestation qui n’en est plus une pour faire pression sur les députés dans le cadre du système est déjà autre chose en dehors de ce cadre, pas tout à fait encore une manifestation pour faire tomber le pouvoir, mais déjà une manifestation d’entrée dans une nouvelle ère, dont les mobilisations sociales prendront un tour de plus en plus politique avec comme but de faire tomber Macron, et dont la première étape, au delà du 15 juin, pourra être d’aller jusqu’au 14 juillet, date politique s’il en est. C’est la date de fin des 100 jours fixés par Macron pour reprendre les choses en main, donc la date de son échec patent . C’est aussi la date aussi où Macron va recevoir Modi le président indien d’extrême droite dont les militants aiment à se revendiquer de Mussolini, date donc où Macron s’affiche clairement avec l’extrême droite et donc date de l’addition de la lutte sociale et politique contre ce régime autoritaire ouvrant la porte aux fascistes. C’est enfin la date anniversaire d’une révolution pour faire tomber un pouvoir royal autoritaire, dont celui de Macron se rapproche. C’est une date qui donne la tonalité générale d’une ère où se construira la certitude que la mobilisation de rue est la seule solution pour faire tomber ce pouvoir qu’on ne supporte plus et qu’elle est la seule démocratie qui nous reste.

Comme je l’écrivais dans mon dernier post, nous sommes en train de gagner aujourd’hui dans ce mouvement une conscience collective et une force avec de nouveau militants qui vont nous permettre bien des succès à venir. C’est énorme parce que c’est ça qui va nous permettre de tout reprendre. Pour participer pleinement à ce moment, y être utile, il nous faut rompre avec les routines de pensée et de comportement du temps passé, il nous faut être à la hauteur des circonstances de cette page de l’Histoire qui s’ouvre et s’y plonger à fond.

Jacques Chastaing 4 juin 2023


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