Ce constat d’impasse des manifestations ressurgit à l’occasion des protestations contre le passe sanitaire et son monde. Comment sortir de l’ornière ?
🛑LA RUE EST-ELLE UNE IMPASSE ? 🛑
Depuis 10 semaines, des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues de petites, moyennes et grandes villes françaises, pour refuser le pass sanitaire. Malgré l’ampleur de la mobilisation, le pouvoir n’est pas prêt de fléchir.
Il fut un temps, pas si lointain, où des mobilisations sociales importantes pouvaient annuler des réformes impopulaires. Mais depuis plusieurs années, le pouvoir ne cesse de rappeler que « ce n’est pas la rue qui gouverne ». Lancée par Raffarin en 2003, cette maxime a depuis été reprise par Sarkozy en 2012 (La rue n’a jamais fait la loi) puis Valls en 2016 (La démocratie, ce n’est pas la rue).
Macron est sans aucun doute le président qui aura appliquée cette maxime de façon radicale. En quatre ans, le président de la Startup Nation a connu au moins six mouvements sociaux d’ampleur exceptionnelle (détail en fin d’article). Sans jamais changer sa politique.
Dans l’histoire française, la prise en compte des revendications sociales fait partie des éléments de la démocratie. Il ne s’agissait pas d’élire, puis de laisser un pouvoir faire ce qu’il voulait pendant 5 ou 7 ans. Manifester faisait partie des outils d’expression... et de pression.
Mais le pouvoir a rapidement compris qu’il avait tout intérêt à ignorer la colère populaire. Que s’il restait inflexible, semaine après semaine, mois après mois, la mobilisation faiblirait forcément. Et le mouvement s’estomperait « naturellement ». Qu’importe le mouvement, son ampleur et sa popularité
Face à cela, la pression et le rapport de force pouvait venir d’une mobilisation offensive, mettant le pouvoir devant une situation qui l’oblige à « réagir ». Ce n’est pas un hasard si le seul petit « pas » que Macron a fait en 4 ans fut au moment de la séquence la plus insurrectionnelle des GJ. Ce ne fut pourtant pas le moment où le plus de Français furent dans la rue (il y a eu plus de monde contre la réforme des retraites par exemple).
Mais pour annihiler toute nouvelle possibilité de rapport de force compliqué pour le pouvoir, Macron a choisi de militariser le « maintien de l’ordre » des manifestations. Les manifs sensibles pour le pouvoir sont ainsi devenues de véritables nasses mobiles, où les manifestants sont totalement encerclés de milliers de policiers/gendarmes. Aucun autre pays au monde n’offre un tel spectacle, véritable simulacre de démocratie. Une prison à ciel ouvert pour « manifester ses droits ».
Résultat ? Il n’est plus possible de peser sur les décisions du pouvoir en mobilisant massivement. Puisque le pouvoir s’en fout. Et sait que s’il ne réagit pas, le mouvement finira par s’essouffler. Et il n’est plus possible de peser en mettant le pouvoir en difficulté dans la rue puisque chaque manif déclarée est une nasse. Et que tout appel non déclaré est violemment réprimé : arrestations, charges, amendes, GAV, LBD, lacrymo, BRAV M...
Face à ce constat d’échec, nous n’avons clairement pas de solution miracle. Mais reconnaitre l’impasse des manifs déclarées permettrait déjà de tenter de construire différemment les mobilisations futures.
Qui parmi ceux qui sont descendus dans la rue depuis 10 semaines contre le pass sanitaire pense encore que continuer ces manifs peut infléchir la position de Macron ? Qui, pense que les réformes ultra libérales et sécuritaires du pouvoir peuvent être stoppées par des mobilisations futures ?
Pour ceux qui veulent lutter contre ce monde et qui ne se voilent plus les yeux sur cette impasse, il n’y a pas d’autre choix que de prendre acte de la situation et de concevoir des parades. Pour créer un nouveau rapport de force qui mette réellement le pouvoir en difficulté. Que ce soit de façon symbolique ou non.
***MACRON. 4 ANS DE DÉNI****
- Fin 2018 : les Gilets Jaunes évidemment, avec plus de 400 000 manifestants sur les premiers actes. Des dizaines d’actes, pendant près de deux ans et 40 000 rassemblements ! C’est énorme et du jamais vu.
- 16 mars 2019 : 350 000 personnes dans les rues pour la Marche pour le Climat
- 05 décembre 2019 : près d’un million de personnes contre la Réforme des retraites, avec de nombreuses autres manifs massives les semaines suivantes
- 13 juin 2020 : 30 à 50 000 personnes rien qu’à Paris contre les violences policières et le racisme.
- 28 novembre 2020 : Près de 500 000 personne dans toute la france contre la loi Sécurité Globale, avec de nombreuses autres manifs massives les semaines suivantes.
- 07 aout 2021 : Plus de 500 000 personnes dans toute la France contre le pass Sanitaire. Plus de 10 samedis consécutifs de mobilisation avec plus de 100 000 personnes dans les rues.
Post de Cerveaux non disponibles
- Les manifestations de rue, une impasse face à l’instransigeance autoritaire ?
- Le régime autoritaire en place méprise et réprime toujours plus les contestations
Pour ne pas répéter des analyses déjà faites ces dernières années, voici une sélection d’articles trouvés sur Ricochets sur la question de l’impasse des manifs de nos jours pour peser dans l’émancipation sociale. De même sur les grèves sectorielles épisodiques :
- Juste manifester contre le passe sanitaire, ou s’attaquer en priorité aux causes systémiques de cette pandémie et autres désastres ?
- Des manifs et des grèves épisodiques face à un régime autoritaire surarmé déterminé à piller et asservir ?
- Les gouvernements et le capitalisme veulent rendre la grève impossible ou inoffensive, la perte d’autonomie alimentaire rend la grève difficile
- Mieux que la grève générale, la grève définitive !
- Etendre la grève et les objectifs au lieu de s’enliser dans les manifs ?
- Grèves réformistes ou action révolutionnaire ? il faut choisir
- La lutte contre la réforme retraite va-t-elle déborder du cadre : une occasion historique ratée ?
Il serait bon de s’instruire des luttes de ces dernières années, d’éviter de s’enliser dans des impasses et luttes défensives qui mènent à l’échec global. (Re)construisons plutôt une culture de résistance ferme et conséquente sur ses moyens comme sur ses objectifs.
- Face au régime Macron et son monde : quelle grève gagnante ? pour quels objectifs ?
- Pour une grève longue et dure des secteurs clés de l’économie + coopération avec les petits paysans
- Durcir le mouvement, ni réclamer ni revendiquer mais imposer ce qui est la vie désirable
- Grèves et luttes sociales : gilet jaunisation et insurrection générale ou simples luttes réformistes contrôlables ?
- Grève générale longue et dure, et tous dans la rue, OU moyens illégaux de lutte, choisissez
On voit bien que le réformisme marche encore moins bien qu’avant et que la portée des moyens légaux d’expression contestataire et de transformations sociales se réduisent de mois en mois.
Vous attendez encore quelque chose de positif des élections de 2022 ?
En 2021, malgré toutes les expériences accumulées, malgré l’aggravation de la surveillance totale et la réalité des catastrophes climatiques qui s’affirme, malgré l’intransigeance et la brutalité crasse de l’Etat, du gouvernement et de leurs polices, malgré la précarisation croissante, etc., il n’y a pas davantage de mondes dans les luttes d’émancipation et les modalités/objectifs des luttes ne changent guère, à part pour quelques minorités.
Jusqu’à quand ?
« Il faut allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté. »
Antonio Gramsci
Comment ne pas être pessimiste en pensée, face à l’effondrement planétaire, au désastre climatique, aux fascismes qui montent partout, à la brutalisation économique et policière ?
Comment ne pas être optimiste en actes, car nous sommes peut-être la dernière génération à pouvoir faire basculer l’histoire, celle qui traverse de grands bouleversements sociaux et politiques, sur fond de crises totales et de soulèvement global ?
Le pouvoir n’est fort que de notre impuissance.
Post de Nantes Révoltée
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