Le train a toujours été une cible privilégiée des saboteurs

pour des revendications sociales ou paralyser le pouvoir, ou pour des motifs écologiques

samedi 3 août 2024

- Pourquoi cibler des trains ? Une histoire du sabotage
Le train a toujours été une cible privilégiée des saboteurs. Cheminots, syndicalistes, anarchistes, écologistes radicaux... De tout temps, le chemin de fer a été visé pour des revendications sociales ou paralyser le pouvoir.
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Depuis son apparition, le train a été pris pour cible par des groupes de militants ouvriers et syndicalistes, des anarchistes, des paysans ou écologistes radicaux. Tout un cortège de révolutionnaires et d’indociles, adeptes de la clé à molette et de la bombe incendiaire. S’ils n’ont pas toujours eu le même mobile, au fil des époques, ils attaquent les voies ferrées à la fois pour ce qu’elles représentent symboliquement, mais aussi pour bloquer les flux, paralyser le pouvoir, faire dérailler l’économie.
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« Loin d’un long chemin pacifique, l’essor du train s’accompagne de controverses incessantes sur les meilleures techniques à utiliser, le choix des tracés, les enjeux sociaux liés à sa démocratisation », écrit-il. Le train fut l’un des équipements les plus importants de la modernité industrielle : apparu autour de 1830 pour accélérer le transport du charbon extrait des mines, il fut peu à peu étendu au transport de voyageurs et d’autres marchandises, redessinant la géographie des nations et le rapport au temps et à l’espace des populations.
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« L’impact du train fut décisif à tous les niveaux, décrit François Jarrige à Reporterre. Ce fut un symbole du capitalisme. C’est lui qui imposa la ponctualité et l’uniformisation des horaires, c’est le long de ses lignes que s’étendirent les premiers réseaux de communication à distance. Il artificialisa de nombreux territoires et provoqua dès son arrivée des conflits majeurs. »
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En acheminant les matières premières vers la mer et les métropoles, au prix de nombreuses vies humaines, ces lignes instituèrent un pillage généralisé et accélérèrent la destruction des terres. « Les voies ferrées ont fait du monde un substrat homogène, une surface plane et accessible, sur laquelle poser et exercer le pouvoir », raconte Jean-Baptiste Vidalou dans Être forêts (La Découverte, 2017).
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En France, il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour voir le sabotage de trains revenir sur le devant de la scène. Après « les primitifs de la révolte », pour reprendre l’expression de l’historien Hobsbawm, et les attaques de trains par la plèbe, qui voyait son mode de vie disparaître sous les rails, c’est au tour du syndicalisme révolutionnaire de reprendre le flambeau. « On entre alors de plain-pied dans une seconde période de contestation, explique François Jarrige. Le train n’est plus contesté pour lui-même, mais les sabotages se multiplient pour prolonger la grève, entraver l’arrivée des troupes, viser les intérêts du patron. »

Sous l’impulsion du cégétiste Émile Pouget, via les écrits des journaux tels que Le Père peinard ou La Guerre sociale, l’idée de cibler le train se répand. L’objectif, dit Pouget, est de s’attaquer à « des infrastructures vitales du système capitaliste ». À l’époque, l’usage du train s’est démocratisé, le bloquer devient un moyen de pression énorme. Émile Pouget parle d’« action directe insurrectionnelle ».
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Il n’empêche que le sabotage de trains continue d’alimenter les imaginaires de lutte, en ce début de siècle. Il va là encore se métamorphoser. « Au sortir de la grève des cheminots, écrit Victor Cachard, un climat de tension international alimente la crainte d’une entrée en guerre imminente. […] Le sabotage n’est plus pensé sur le modèle des luttes sociales, mais défini comme une tactique d’entrave à l’effort de guerre. Les revendications antimilitaristes des actes de sabotage visent avant tout à dénoncer l’enrôlement forcé de la population civile dans une guerre qui lui est étrangère. » De nombreux trains seront alors sabotés pour empêcher les jeunes appelés de rejoindre le front et bloquer des wagons de munitions.

Paradoxalement ce n’est pas contre la guerre, mais pendant les guerres que le sabotage connaît par la suite une certaine fortune, notamment au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le sabotage va se doter d’une application militaire. Il deviendra l’arme privilégiée de la guérilla, l’outil indispensable à la résistance. C’est la « bataille du rail ». Les partisans vont faire du train le point névralgique de leurs actions pour retarder l’arrivée des renforts allemands, stopper le ravitaillement ou le transport de prisonniers. On entre dans « le temps du sabotage de masse ».
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L’électrification du réseau et sa dépendance à l’énergie nucléaire, alors très critiquée, suscite de fortes mobilisations en milieu rural. « Via les lignes à grande vitesse, les gouvernements successifs ont tout fait pour développer un système élitiste, coûteux et destructeur pour nos milieux de vie », analyse l’historien. En France, la mobilisation des écologistes renoue avec les révoltes passées du XIXe siècle. Elles luttent contre un progrès jugé « irréversible » par les dominants.

« Contre le despotisme de la vitesse », les actions sont multiples : blocage de trains Castor transportant des déchets radioactifs, manifestations contre les nouvelles gares qui artificialisent les terres agricoles, sabotages de nouveaux projets ferroviaires comme le No TAV entre la France et l’Italie, où la multiplication des actions directes retarde fortement le chantier.
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« Le pouvoir actuel ne se définit pas par ses institutions politiques, mais par ses infrastructures. Il est architectural plus que représentatif. Il agence des espaces, il administre des choses, il gouverne des hommes », écrivent ses auteurs, avant d’inviter à cibler en priorité « l’ingénierie, l’aménagement du territoire, le design des réseaux ». Et donc, sa matérialisation concrète, le système ferroviaire.
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Alors que le réchauffement climatique se profile, les écologistes se retrouvent aussi embarqués dans des conflits de valeurs et des dissonances. Le train est présenté comme l’avatar de la transition verte et une alternative aux véhicules individuels. Mais le gouvernement ferme en parallèle les petites lignes et promeut le modèle énergivore des TGV.

« Les écologistes sont pris dans une tension, reconnaît François Jarrige. Mais encore une fois, de quel train parle-t-on ? Le modèle du TGV reflète l’hubris appliquée au transport, comme le Concorde. Son objectif est de concurrencer l’avion bien plus que de répondre aux besoins des populations ou aux urgences écologiques. »
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NOTE COMPLEMENTAIRE :

L’article n’évoque pas certains courants écologistes actuels et passés qui considèrent le transport ferroviaire lui même comme une nuisance irréductible, un système technologique non neutre qui ne pourrait pas être "recyclé" dans une éventuelle future société écologique et démocratique. Ils disent que le système du train nécessite de grosses infrastructures lourdes et technologiques, lesquelles imposent fatalement des atteintes écologiques graves et des systèmes de société hiérarchiques et autoritaires pour pouvoir fonctionner (donc non démocratiques).
Ces écologistes ne sont donc pas pour "réfléchir à l’avenir que nous voulons pour le transport ferroviaire", mais pour réfléchir à quelles technologies nous voulons SI nous voulons "la terre et la liberté" (le respect de la biosphère et de ses habitants, s’occuper directement de notre subsistance, et la démocratie réelle). Et dans cette optique, toutes les technologies modernes complexes (train, nucléaire, numérique, tél portable, voitures...) seraient incompabibles avec des sociétés écologiques et démocratiques.
Ils mettent donc en opposition les écologistes de "la terre et la liberté" avec les "technologistes" (les personnes qui veulent verdir les technologies complexes et espèrent les rendre compatible avec "la terre et la liberté", ou pire, qui s’accomodent sans peine de sociétés autoritaires).

A débattre....


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