Dans ce système oligarchique concurrentiel, les partis politiques sont à nouveau en compétition acharnée pour arracher une partie du pouvoir (l’autre partie, la plus grosse, est détenue par les gros capitalistes et leurs lobbies, par les hauts fonctionnaires et leurs bureaucraties innamovibles) et des financements qui vont avec. En l’absence de démocratie réelle, c’est la lutte pour les places qui domine, où les peuples n’ont pas grand chose à dire, à part servir d’usine à bulletins de vote et de petites mains lors des campagnes électorales.
En symbiose avec la majorité de leurs électeurs dûment chambrés, aucun parti ne veut renverser la table, proposer une vraie rupture avec le système en place, et on se retrouve avec diverses variantes de clientélismes, de promesses, de boucs émissaires, de dérivatifs, d’anticapitalisme tronqué ou d’altercapitalisme.
En parallèle, les brutalités extrêmes du capitalisme et de l’autoritarisme d’Etat se durcissent et s’installent, les fondamentaux prennent le dessus et imposent leur loi à toute les factions en concurrence.
Institutions centralisées, course à la croissance économique et à la puissance étatique, valorisation des porteurs de dents qui rayent le parquet, société de masse industrielle... figent la situation.
A quand l’insurrection et l’autogouvernement ?
Quand le gouvernement est faible et que le régime, les partis, le système n’ont rien de bon à proposer, n’ont pas d’autres perspectives que « l’empirement » ou le statu quo, c’est le bon moment pour la révolte.
En champion de la provocation et des propos creux, le despote a parlé jeudi dernier à la TV d’extrême gauche pour qualifier les députés qui ont voté la chute de de son gouvernement Barnier. Or LFI c’est juste la gauche modérée, et les écologistes ne sont pas du tout extrêmes, et le PS encore moins (le PS n’est même pas de gauche d’ailleurs).
S’il y a un extrême avéré dans cette histoire, c’est le despote lui-même : extrêmiste capitaliste et extrêmiste autoritaire prêt à gouverner avec les capitalistes de l’extrême-droite, comme le montre ses sympathies avec Trump et Milei, ou ses accolades à de nombreux dictateurs, sans parler de sa complicité reconduite avec le génocidaire extrémiste Netanyahou.
Le point sur la situation politique
La France n’a officiellement plus de gouvernement, Macron prononce un discours de forcené et le grand jeu des chaises musicales et des négociations secrètes pour savoir qui héritera du pouvoir est en cours. La situation évolue d’heure en heure. Les éléments à retenir sur le grand cirque de la politique française :
- Le cirque gouvernemental et la compétition des partis - Gouvernement faible, peuple fort ?
Une solution : l’auto-dissolution
Et si, pour une fois, un macroniste avait une bonne idée ? L’auto-dissolution : c’est la proposition du député Stéphane Vojetta, élu de la circonscription englobant l’Espagne, le Portugal, Andorre et Monaco. Ce serait selon lui une « option de déblocage ». Voilà son idée : « Les 577 députés, nous pouvons décider de démissionner ».
Techniquement, si tous les députés abandonnaient leurs postes, cela provoquerait 577 élections anticipées dans chaque circonscription, ce qui contournerait l’impossibilité pour Macron de re-dissoudre l’Assemblée avant le mois de juillet prochain. L’hypothèse reste hautement improbable : les députés auront bien du mal à lâcher leurs privilèges exorbitants, sans aucune garantie d’être réélus. Vojetta n’a qu’une demie-bonne idée en envisageant d’autres élections.
En réalité, si l’Assemblée, le Sénat et même le président pouvaient tous s’auto-dissoudre une bonne fois pour toutes et nous foutre la paix, ce serait un immense soulagement et un cadeau formidable.
Macron en roue libre
Dans un discours illuminé, complètement hors des réalités, Macron a prononcé un discours regardé par 17 millions de français jeudi soir, alors qu’il venait de rentrer d’un petit séjour en Arabie Saoudite, chez un de ses copains dictateurs.
Le président a exclu de démissionner et a annoncé qu’il allait nommer un « nouveau premier ministre ces prochains jours ». On se demande comment, car l’été dernier il avait mis deux mois à dénicher Michel Barnier, qu’il avait sorti du formol après avoir galéré tout l’été pour trouver un candidat acceptable. Tout ça pour tenir trois mois avant une motion de censure. Macron risque d’user beaucoup d’autres Barnier avant la fin de son mandat.
Autre déclaration lunaire, Macron a estimé qu’en votant la motion de censure, « l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unies dans un front antirépublicain ». Jadis, le front républicain allait de la gauche radicale au centre droit, pour faire barrage à l’extrême droite. Désormais, le fameux « arc républicain » selon Macron, c’est lui et ses rares alliés. Tout le reste est à présent exclu de la « République ». Il ne reste pas grand monde.
Le président fait semblant d’oublier qu’il gouverne de facto avec le RN depuis 2 ans, qu’il a fait alliance avec lui ces derniers mois, qu’il applique son programme, et que sa garde rapprochée multiplie les dîners secrets et les accords avec Marine Le Pen.
Crotte de nez
Même battu dans les urnes, même stoppé par une motion de censure, la machine à détruire les droits sociaux ne s’arrête jamais. « In extremis, le gouvernement donne son feu vert à la réforme de l’assurance chômage » titre le journal Le Parisien.
À quelques heures de la censure, le camp macroniste a annoncé qu’il validerait cette loi qui va réduire et durcir les règles d’indemnisation des chômeurs à partir du 1er janvier. Cette réforme est une attaque gravissime contre les droits des travailleur-ses : tous les salariés, en produisant de la richesse, cotisent pour pouvoir toucher du chômage s’ils perdent leur emploi. En réduisant la durée d’indemnisation, les macronistes volent purement et simplement du temps et de la richesse aux travailleur-ses, sans contrepartie.
Ce qui est tout aussi scandaleux, c’est de valider cette loi dénoncée par les syndicats alors que le gouvernement est démissionnaire. L’homologation juridique d’une loi est obligatoire. Avec la censure, elle aurait dû être abandonnée. Mais le pouvoir s’acharne à la faire passer, une ultime crotte de nez contre les pauvres.
On se souvient que, le 16 juillet, Gérald Darmanin avait signé discrètement, malgré la défaite électorale de son camp et la démission théorique du gouvernement, plusieurs décrets d’application de la loi immigration. Des mesures racistes inspirées du programme du Front National. Le 31 juillet, au cœur de l’été et alors que tous les regards étaient rivés vers les Jeux Olympiques, le gouvernement décide de licencier d’un seul coup 500 professionnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Ils ne s’arrêtent jamais.
Trahison socialiste
« Trahir » et « Parti Socialiste » pourraient être synonymes dans le dictionnaire. Après le quinquennat cauchemardesque d’Hollande, qui a provoqué l’extrême droitisation de tout l’échiquier politique que nous connaissons, le PS d’Olivier Faure s’apprête à se vendre à Macron.
Le chef du PS a été reçu à l’Élysée ce vendredi et a annoncé que le Parti Socialiste était prêt à négocier avec les macronistes et Les Républicains (LR) en faisant des « concessions réciproques » en vue de la formation d’un nouveau gouvernement qui aurait un « contrat à durée déterminée ». Faure a reconnu qu’il discutait déjà avec « des membres du bloc central » par le passé. « Il faut bien qu’on trouve une solution parce qu’on ne peut pas mettre le pays à l’arrêt pendant des mois ». Entre un pays à l’arrêt et une avalanche continue d’attaques anti-sociales et liberticides, il vaut pourtant mieux un arrêt.
Raphaël Glusckmann, à la tête de son groupuscule lié au PS, a déclaré ce vendredi matin à la radio qu’il veut lui aussi « participer à l’élaboration d’[un] contrat, soit de non-censure, soit de gouvernement ». On l’a compris, les socialistes veulent monter à bord du navire macroniste, même s’il est en train de sombrer. Dommage que les socialistes aient été sauvés à deux reprises par l’alliance de la NUPES et du Nouveau Front Populaire, qui leur avaient gentiment évité de disparaître pour de bon.
Retailleau en pleine croisade
Bruno Retailleau est tellement présent dans les médias qu’on oublierait presque que son parti ne pèse que 5% des voix aux élections, et que tout le monde le déteste.
Le Ministre de l’Intérieur démissionnaire veut un nouveau gouvernement toujours plus à droite, et rêve déjà de s’installer à Matignon. « La droite ne pourra faire aucun compromis avec la gauche » insiste-t-il.
Pour lui, il est même impensable de travailler avec le PS, « cette partie de la gauche qui a pactisé avec les “insoumis”, refusé de dénoncer les folles dérives des mélenchonistes ». Il préférerait une alliance avec le RN.
Au sein du parti d’extrême droite, les cadres du RN avaient déjà déclaré : « Quand on l’écoute, on a l’impression que c’est l’un de nos porte-parole », ou encore « il parle comme nous ». Un proche de Marine Le Pen s’était même félicité que Retailleau permette de « changer de culture, de radicaliser tout le monde. Il est plus conservateur que nous ! »
François Bayrou ou Bernard Cazeneuve ?
Les plus de 30 ans se rappellent que François Bayrou était une star des Guignols de l’Info : sa grosse tête, une caricature aux grandes oreilles et à la voix de benêt, ridiculisait régulièrement l’homme politique devant toute la France. Maintenant que cette émission satirique a été supprimée par Bolloré, Bayrou est présenté comme un candidat sérieux à Matignon.
Proche de Macron, il a été son éphémère ministre de la justice, et avait annoncé une « grande » réforme de « moralisation »… avant d’être visé par une information judiciaire pour abus de confiance, recel d’abus de confiance et escroqueries concernant des soupçons d’emplois fictifs. Il avait dû démissionner, tout en restant conseiller du président.
Mais depuis deux jours, son nom est mis en avant dans les médias. Le « socialiste » Bernard Cazeneuve a rencontré François Bayrou jeudi matin pour discuter d’un éventuel accord. L’été dernier, Bayrou, déclarait déjà que son copain Cazeneuve était « expérimenté et qu’il a un crédit dans l’opinion » pour être au gouvernement. Bayrou ou Cazeneuve, ce serait du Michel Barnier bis. On voit mal ce qui pourrait empêcher une nouvelle motion de censure.
Enfin, en septembre, François Bayrou, déclarait sur BFM à propos de la dissolution : « Le but de cette élection n’était pas de désigner un vainqueur mais d’écarter des gens dont on ne voulait pas ».
On pensait naïvement qu’une élection servait à élire, et que les perdants devaient s’y conformer. Mais le macronisme réinvente les règles.
Le « centriste » et « démocrate » Bayrou avait au moins le mérite d’énoncer les choses clairement : l’extrême centre n’a qu’un objectif, garder le pouvoir coute que coute et liquider la gauche.
source avec liens compémentaires : https://contre-attaque.net/2024/12/06/le-point-sur-la-situation-politique/
Crise politique post-censure : et nous, que pouvons-nous faire ?
Crise politique post-censure : et nous, que pouvons-nous faire ?
En 2017, Macron était déjà mal élu : gonflé par une unanimité médiatique et la passion quasi sexuelle que la bourgeoisie lui vouait, il nous a été imposé comme l’unique solution politique face à la montée de l’extrême-droite. Ce petit cinéma s’est reproduit à l’identique en 2022, malgré un bilan catastrophique, puisque cet homme a appauvri la population et insécurisé le pays, tout en le transformant, à l’international, en puissance coloniale arriérée réputée pour son inconséquence et son hypocrisie. Mais dès juin 2022, le président de la bourgeoisie a perdu sa majorité absolue et, depuis, il se débat pour conserver les pleins-pouvoir, malgré des mouvements sociaux réguliers et une détestation populaire grandissante mais grâce au soutien tacite de la majeure partie des forces politiques, extrême-droite et gauche bourgeoise inclus.
La farce politique est la suivante : la majeure partie de nos politiques veulent conserver Macron au pouvoir, en particulier les socialistes. Mais puisqu’il est impopulaire et illégitime, il leur faut multiplier les contorsions politiciennes pour y parvenir. Ainsi, le PS, parti bourgeois historique, fait un va et vient continuel entre Macron et son opposition. Ainsi la droite républicaine prétend le combattre mais y envoie chaque année un nouveau ministre. Ainsi le RN doit s’afficher en opposant numéro 1 mais a tacitement soutenu le gouvernement Barnier jusqu’au 4 décembre . Malgré ces manœuvres, le pouvoir est désormais affaibli comme jamais : il n’y a même plus de gouvernement actif. Face à cet état de fait, plusieurs attitudes sont possibles : s’en foutre royalement, continuer d’espérer de certains lambeaux de la classe politique de gauche qu’elle agisse avec courage ou bien, à son échelle, participer à la ruine du système et à son remplacement par autre chose.
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Le RN doit en permanence surjouer l’opposition, mais c’est toujours plus difficile puisque d’année en année Macron les rejoint sur tous les sujets. Ce parti a fini par juger qu’être la caution d’un budget de la sécurité sociale et de l’Etat ultra violent et inégalitariste pouvait leur faire du mal électoralement.
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Les classes laborieuses ont plus intérêt à une absence de gouvernement qu’à un gouvernement qui continuent de détruire leurs droits et leur pouvoir de vivre
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La chute du gouvernement et la fin de ses textes budgétaires est une excellente nouvelle pour la population française. Dans ces lois, le gouvernement prévoyait des mesures violentes, voire criminelles, contre les fonctionnaires, salariés et allocataires des minima sociaux. Ce budget promettait d’être encore plus brutal que les précédents.
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Le Nouveau Front Populaire est une alliance de circonstance qui s’est formée à un moment particulièrement critique de notre histoire politique puisque le RN était annoncé gagnant des élections législatives de juin-juillet. C’est une alliance hétéroclite composée de deux courants de la gauche que tout, dans le fond comme dans la forme, oppose. D’un côté la gauche de rupture, composée de LFI et de l’extrême gauche, qui veut mettre fin aux politiques de confiscation des richesses par la bourgeoisie et qui, sur le plan sociétal et international, occupe des positions alternatives à celles de Macron. De l’autre une gauche bourgeoise, composée du PS, des dirigeants du PCF et d’une grande partie des écologistes, qui est très proche des positions macronistes mais maintient, pour des raisons électorales, une identité culturelle de gauche, principalement pour ne pas disparaître et continuer – il faut dire les choses clairement – à grailler de la politique. Si cette gauche bourgeoise est aussi prégnante dans notre vie politique et médiatique malgré ses résultats dérisoires aux dernières présidentielles, c’est qu’elle est le parti de la sous-bourgeoisie culturelle, celle qui se sent de gauche pour des raisons esthétiques et morales, mais dont le portefeuille s’accorde très bien avec une politique macroniste.
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le NFP a fait perdre des années dans l’indispensable opération d’effacement de la gauche bourgeoise, dont le bilan d’opposant et surtout de gouvernant du pays est calamiteux, n’en déplaise à celles et ceux qui oublient toujours les mesures pro-capitalistes mises en place sous Mitterrand et les immenses régressions sociales entreprises sous Hollande.
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au moment où Macron est affaibli et la bourgeoisie décidément à court d’idée pour continuer à nous pourrir la vie, la gauche molle vient à leur secours !
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On le dit et le redit : la vie politique institutionnelle n’occupe qu’une petite place dans l’histoire de notre vie individuelle et collective. C’est bien pour ça que la majorité des personnes s’en désintéressent. C’est un spectacle globalement ennuyeux, envahi par les affects et intérêts individuels de celles et ceux qui y jouent, et particulièrement décevant. Heureusement, la politique, ce n’est pas que la politique institutionnelle.
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Dans une perspective de rapport de force, c’est une très bonne chose que nous soyons privés de gouvernement légitime. Cela nous donne du temps, de l’énergie et, en face, nos adversaires ont moins de force pour répliquer. C’est le bon moment pour lancer des mouvements de grèves offensives, pour combattre l’enrichissement indu des propriétaires ou des actionnaires. Gouvernement faible, peuple fort ?