Depuis le Covid-19, la « réindustrialisation » de la France est devenue à la mode dans les discours, même la droite macroniste en parle parfois.
Il s’agit soit de sécuriser les industries (pour les droites) ou d’être plus écologiste et social pour les gauches (moins de transport, fournir des emplois).
Le concept de résilience de l’Economie est mis en avant. Comme toujours, l’Economie (ici l’économie de marché) est naturalisée, présentée implicitement comme indépassable et inéluctable, il s’agirait alors de seulement de s’adapter, de protéger et maintenir ce système soit-disant neutre et pragmatique qui fournit gentiment des salaires et de quoi se nourrir.
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Pour changer les esprits, il y a « France Travail » (anciennement Pôle Emploi), Cnews, BFMTV, LCI...
En fait, ce ne sont pas les esprits qui vont freiner l’éventuelle volonté de « réindustrialisation » effective, mais les règles intangibles du capitalisme et les actions automatiques de ses agents.
Du fait de ses règles de concurrence et d’accroissement du capital, le capitalisme a fatalement poussé à la mondialisation et à la financiarisation (multinationales, concentration, recherche des plus rapides voies de profits, spéculation), il ne reviendra éventuellement « en arrière » (à un capitalisme et des productions plus nationales et plus industrielles) que sous la contrainte brutale des crises, pénuries, récessions, guerres et faillites en série.
Des puissants cyniques disaient que si on veut le progrès, le confort moderne, il nous bien accepter des mines (propres bien sûr !) chez nous au lieu de les faire subir à d’autres pays. Quand ça les arrange, les dirigeants sont même prêts à mettre en avant une pseudo-moralité pour servir leurs intérêts.
Super, après avoir pollué ici, puis ailleurs, repolluons à nouveau ici, quel progrès !
Peut-être qu’on pourrait construire plutôt des sociétés avec un certain confort et du progrès social autrement qu’en détruisant la nature et les humains ?!
En fait nous ne voulons pas de « réindustrialisation » dans la civilisation industrielle. Franco-française protectionniste ou mondialisée ultra-libérale à l’extrême, la civilisation dévaste la biosphère et les humains.
En mode « réindustrialisée », elle le fera peut-être avec davantage de gants, mais ce système néfaste pourrait alors tenir un peu plus longtemps et donc dévaster davantage, ce qui n’est pas souhaitable.
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La civilisation industrielle « réindustrialisée » (davantage nationale que mondialisée) serait moins pire que la l’actuelle civilisation industrielle délocalisée sur l’ensemble de la planète ?
Y aurait sans doute moins de transports longue distance, et peut-être de meilleures normes « environnementales » en Europe qu’ailleurs pour les productions concernées.
Dans les pays étrangers qui verraient des usines massivement quitter leur territoire, il y aurait des crises et du chômage. Si un virage écologique et social porté d’en bas voyait le jour pour arrêter de s’embourber dans le capitalisme, au final leur situation s’améliorerait.
Mais le transfert ici des usines, l’ouverture de nouvelles mines « locales », l’ajustement des infrastructures industrielles... générerait une forte consommation d’énergies et de matières premières, de nouvelles destructions et pollutions.
Est-ce que vraiment au final ce serait « moins pire » ?
Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
En réalité, l’Etat-capitalisme ne va relocaliser, réindustrialiser, que quelques secteurs suffisamment rentables pour supporter des normes, des niveaux de salaires et d’imposition plus importants qu’à l’étranger, ou alors certaines industries jugées stratégiques pour le système qui seraient alors subventionnées.
Ils tenteront aussi la robotisation maximale pour diminer les charges salariales qui plomberaient la rentabilité et la compétitivité comme ils disent.
Qui dit robotisation dit à nouveau technologies numériques et high tech, et poids supplémentaires de l’extractivisme et des pollutions pour la biosphère .
Il y a mieux à faire si on se préoccupe d’écologie et de bien être social.
Viser la désindustrialisation partout plutôt que la « réindustrialisation » ici ou ailleurs.
Reconsidérer, d’en bas, ce qu’on veut produire, pourquoi et comment, en tenant compte de la biosphère, de ses autres habitants humains ou non humains.
En gros, comment vivre bien sans détruire nos conditions d’existence et les mondes vivants dans des sociétés qui favorisent l’émancipation et le plein épanouissement ?
Tant qu’on reste dans ce système, dans son cadre de pensée, et qu’on lui demande de faire des « améliorations » (« réindustrialisation », meilleurs salaires, partage des richesses, énergies alternatives industrielles, meilleures technologies innovantes...), ce ne sera pas possible.
Les « améliorations » en question « améliorent » l’emprise totale du système et sa capacité à durer malgré les désastres qu’il produit continuellement et de manière croissante, mais elles n’améliorent pas nos vies ni l’état du climat ou de la biosphère.