Face à la bouillie merdiatique et la propagande permanente du système en place, toujours revenir aux bases, aux fondements de l’oppression et de la destruction :
GOUVERNER C’EST COMPLOTER
Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction. Je viens de finir ce livre de PMO paru en 2008. Si les informations sont quelque peu dépassées, déferlement technologique oblige, l’essentiel est — évidemment — toujours pertinent.
Le livre commence par nous rappeler un fait crucial de la situation présente, largement et sciemment dissimulé, à savoir que l’État est avant tout et surtout une structure militaire (le sociologue Charles Tilly le décrivait comme le nec plus ultra du « crime organisé »). Le visage civil qu’il exhibe, c’est le décor qui permet d’obtenir plus sereinement l’adhésion des foules.
« Dans le secret de leurs perpétuelles concertations, apartés mondains ou commissions officielles, industriels, ministres, fonctionnaires, militaires se forgent des vues communes, bien avant que le premier mot n’en soit écrit, ou n’atteigne les oreilles du public. Ils n’ont pas même le sentiment de comploter, juste celui de faire ce qui est naturel aux “milieux dirigeants” : diriger. S’accorder sur le souhaitable et le nécessaire, et sur “comment le faire passer”. Leurs plans tirés, leurs arguments en batterie, ils mènent contre la poignée d’opposants, dispersés, démunis, des batailles d’usure aussi longues que nécessaire, attaques de reconnaissance, opérations de diversion, replis tactiques, pour tâter la résistance et ajuster l’assaut final. Dans la sidération des opinions qui suit l’événement terrible, l’État lance sa guerre éclair, et emporte toutes les défenses, sapées et pilonnées de longtemps.
L’État est une armée en civil. Une perpétuelle concentration de forces, organisée et disciplinée, face à une non moins perpétuelle dispersion de faiblesses. Il a une conscience de soi, des plans dans la durée et de l’ordre dans la manœuvre. Il sait que la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens. Il a un sens politique, c’est-à-dire un sens du moment et du rapport de forces, ce que des siècles d’échecs n’ont pas enseigné à ses ennemis. Il perd très peu de batailles, et jamais la guerre. Il demeure à ce jour invincible par les individus et la société, sauf à se constituer en État rival, ce qui est l’autre manière de perdre, et non moins ordinaire. »
C’est ainsi que :
« De l’instauration de l’anthropométrie en 1880 à la généralisation de la biométrie, aujourd’hui, le pouvoir a mené un effort conscient, constant, et concerté, pour parfaire le contrôle des sans-pouvoirs. Bataille d’idées contre l’opposition, répression des réfractaires, progrès technologique, jusqu’à ce que le contrôle devienne universel. De la police des hommes-objets — serfs, esclaves, prisonniers — aux tous objets. La biométrie perfectionnant la pièce d’identité et connaissant un avènement parallèle. De génération en génération, et dans tous les domaines, l’État a conservé l’offensive face aux ripostes erratiques et sporadiques de la société et des individus. Nous assistons en ce début de XXIe siècle à l’aboutissement du complot contrôlitaire et à l’assaut final des biomaîtres. »
Au centre de l’État, les services secrets (aujourd’hui : DGSE, DRM, DRSD, DGSI, SCRT, etc.), dont PMO rappellent quelques hauts faits parmi les plus significatifs (avant la Seconde Guerre mondiale, pendant, et après), et surtout parmi les rares ayant été officiellement reconnus.
« Si l’on qualifie les services secrets d’État dans l’État, c’est que le privilège du secret leur assure la supériorité sur l’extérieur de l’appareil. Les services secrets sont à l’État ce que l’État est au public. Et cette vérité pleine et entière à laquelle on arrive immanquablement chaque fois que l’on dévide la pelote, c’est que depuis des siècles nous sommes gouvernés par une société secrète que l’on nomme l’État, et que ce secret est le premier secret de la société du secret. »
Et tandis que les écologistes se soucient de taux d’émissions de carbone en vue de rendre durable l’État techno-industriel, que la gauche aspire à se saisir du pouvoir de l’État techno-industriel, et que les anarchistes fantasment la réappropriation du complexe techno-industriel mais sans l’État, l’État continue tranquillement d’étendre et de consolider son écrasante domination désormais hautement technologique — soldats augmentés, vidéosurveillance toujours plus ubiquitaire, censure sur internet, drones, équipement high-tech pour la police, etc.
(post de Nicolas Casaux)
La politique, c’est la division « divertissement » du complexe militaro-industriel.
Frank Zappa
Compléments sur la critique de l’Etat
Voici d’autres gros pavés dans les constructions illusoires des mouvements de gauche qui croient encore que l’Etat pourrait être (ou devenir) démocratique et au service des peuples tout en prenant soin des milieux naturels contre les prédations capitalistes :
- La guerre et la construction de l’État en tant que crime organisé (par Charles Tilly) - Tandis qu’une intervention militaro-policière est en cours à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, qui a débuté aux alentours de 3h du matin ce lundi 9 avril 2018, il nous semble opportun de republier cette très bonne analyse du sociologue états-unien Charles Tilly, qui nous rappelle que l’État est une forme d’organisation sociale (ou antisociale, c’est selon) née de la violence et de la guerre, et qui utilise la violence et la guerre pour continuer à s’imposer — ce qui est tout aussi vrai des premières formes d’État que des États soi-disant « démocratiques » actuels.
- Réflexions sur la nature totalitaire de l’État (par Bernard Charbonneau, 1949) - Tout au long de cet excellent livre qu’est l’État, Bernard Charbonneau articule brillamment l’effrayante réalité de ce concept totalitaire qu’est l’État ; concept dont nous pourrions dire qu’il est une manifestation, s’inscrivant dans le cadre de l’organisation sociale, du phénomène culturel plus large et plus ancien de la « civilisation ».
- Démocratie, insurrection et gilets jaunes (par Nicolas Casaux) - Nous ne vivons pas en démocratie. Cela doit apparaître de plus en plus clairement à de plus en plus de gens. Les manifestations actuelles des gilets jaunes semblent le suggérer. Le mot démocratie n’aurait jamais dû désigner autre chose que la démocratie directe. Le fameux pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Le régime politique dans lequel nous vivons, le régime électoral républicain et libéral, que les institutions culturelles dominantes, les gouvernants et les médias qualifient de démocratie représentative (un oxymore), est « une aristocratie élective dans les faits », ainsi que l’écrit Francis Dupuis-Déri dans son livre La peur du peuple – Agoraphobie et agoraphilie politiques. Il ajoute d’ailleurs qu’il « est aussi possible d’y voir une monarchie, puisque l’aristocratie élue est dirigée par un monarque élu, le président — ou un premier ministre tout puissant face à une reine impuissante, comme au Canada ou en Grande-Bretagne. D’un point de vue étymologique, le mot monarchie désigne bien le pouvoir ou le commandement (arkhè) d’un seul individu (mono). Mais pourquoi donc faut-il qu’il y ait un chef dans un régime libéral ou républicain, en plus du corps de l’aristocratie élue ? Mystère. Avoir un chef d’État semble pourtant normal et naturel, et personne ne s’étonne que le roi ait simplement été remplacé par un président ou un premier ministre. »
- Remettre l’État à sa place (par James C. Scott) - Ce qui suit est une traduction d’un morceau de l’introduction du dernier livre publié par James C. Scott, anthropologue et professeur de sciences politiques à l’université de Yale aux USA, intitulé Against the Grain : A Deep History of the Earliest States (Contre-nature : une histoire profonde des premiers états), qui sortira en France d’ici quelques temps aux éditions La Découverte. Un petit texte qui permet de prendre du recul sur ce que l’on nomme la civilisation (et qui correspond à peu près à l’État, voir ici), et qui rappelle que cette organisation sociale est tout sauf un synonyme pour humanité.
- Deux intelligences artificielles ravagent d’ores et déjà la planète (par Nicolas Casaux) - Les futurologues qui nous mettent en garde contre les menaces liées à l’Intelligence Artificielle ne regardent pas au bon endroit. La majorité des espèces vivantes font déjà face à une menace existentielle à cause de deux intelligences artificielles créées il y a des centaines d’années : la corporation et l’État.
(...) La préoccupation très médiatisée des premiers servants de ces intelligences artificielles n’est qu’une distraction de plus. Tandis qu’ils s’inquiètent au futur de l’avènement d’une intelligence artificielle incontrôlable, l’État et la corporation, sous l’égide de la civilisation, constituent d’ores et déjà, et depuis plusieurs siècles, des formes d’intelligences artificielles incontrôlées et incontrôlables qui ravagent la planète et asservissent les êtres humains.
Démanteler ces formes déjà existantes d’intelligences artificielles hautement nuisibles, dissoudre la civilisation anti-démocratique mondialisée en une multitude de cultures démocratiques (chacune ancrée dans et adaptée à un territoire écologique spécifique), permettrait d’éviter l’avènement de celle dont ils s’inquiètent. Étant donné les impacts écologiques et sociaux et la trajectoire des intelligences artificielles existantes, il est assez probable que leur effondrement soit inéluctable.
Cependant, il est possible qu’un tel dénouement n’advienne qu’une fois que la planète aura été réduite à un « caillou désolé ». Ainsi, la survie de millions d’espèces, dont la nôtre propre, dépend peut-être de notre capacité à le précipiter.
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