JO Paris 2024 : l’expérimentation d’un « fascisme cool », où tout ce qui est conforme est en « sécurité »

Insécurité pour les masses, luxe et protection militarisée pour les minorités de riches

samedi 10 août 2024

C’est le monde que idéal veulent les puissants : un centre commercial géant à accès contrôlé, bardé de flics et de caméras. Avec les pauvres et indésirables maintenus loin par des barrières visibles ou invisibles, ou déplacés. Avec les rebelles massacrés à coup de grenades et d’emprisonnements.
Un monde dystopique à relier à « 1984 » ou au roman « Les Furtifs » de Damasio (d’ailleurs, les JO de Paris ont été très largement acheté et investi par LVMH, en écho au roman où des villes sont achetées par des marques).

Le techno-capitalisme et l’Etat, c’est l’insécurité et la précarité permanente pour les masses, et des minorités de riches sécurisés à l’aide de caméras de surveillance, de pass et de robocops.
Mais en « compensation », les pauvres ont des écrans plats connectés et pourront admirer les riches, leurs objets de luxe et leurs mondanités à la TV. Et bientôt à l’aide de la réalité virtuelle augmentée, les masses pourront s’immerger dans le mode de vie des riches, comme s’ils y étaient.
Et les plus sages auront droit à un vrai tour en yacht de luxe lors d’une émission TV.

JO Paris 2024 : l’expérimentation d’un « fascisme cool », où tout ce qui est conforme est en « sécurité »

Paris 2024 - le meilleur des mondes

De l’avis général, les Jeux Olympiques sont une réussite totale, de la cérémonie aux épreuves en passant par l’organisation. Pourtant, le tableau est loin d’être idyllique. Avec un peu de recul, ce Paris 2024 s’avère même très problématique dans son aspect dystopique. Ce qui est le plus inquiétant dans cette histoire, c’est l’acceptation, voire le désir généralisé, pour cette organisation.

Le Paris des J.O. s’est fait au prix d’une quantité astronomique de magouilles policières, judiciaires et urbaines pour obtenir ce tableau d’une ville « tranquille, propre et agréable ». La tranquillité a été obtenue au prix d’un départ massif des habitant·e·s du Grand Paris, à qui on a martelé pendant des mois que Paris allait être invivable et inaccessible (géographiquement, économiquement, socialement). La propreté s’est imposée par le biais de dizaines d’expulsions de lieux de vie précaires : squats, campements, logements étudiants, SDF. Certain·e·s se sont retrouvé·e·s dans des bus les emmenant aux quatre coins de la France. On retrouve ainsi des SDF qui vivaient depuis des années dans la capitale à Bayonne, Brest, Rouen, Saint-Étienne, etc. Des logements étudiants ont été réquisitionnés en échange de 100 euros et d’une barre chocolatée. Des exilé·e·s se sont fait réveiller à 6h toutes les 48 heures pour celles et ceux vivant en campement, et des squats ont été expulsés par des brigades de type GIGN/RAID. Paris a été vidé de ses habitants et de ses indésirables afin de réserver la ville au tourisme de luxe. Les infrastructures, insuffisantes tout au long de l’année, ont été adaptées pour celles et ceux qui vivraient les Jeux. Un Paris sans pauvres.

Des infrastructures boostées pour la période des JO, mais avec cinq fois moins de population, c’est tout de suite « plus agréable ». Pour « booster » ces infrastructures, il a fallu respecter un agenda extrêmement serré, au détriment de la vie et de la sécurité des personnes qui ont travaillé sur les chantiers. De plus, 40 000 barrières ont été installées dans les rues de la capitale, les citoyens ont été obligés d’utiliser des QR codes pour accéder à certaines zones, et des centaines d’axes routiers ont été bloqués. Et bien sûr, 35 000 agents des forces de l’ordre (y compris des policiers étrangers) ont été déployés à Paris. L’esplanade qui accueille d’ordinaire la foire du Trône abrite en ce moment un campement militaire d’une ampleur inégalée sur le territoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 5 000 soldats vivent les Jeux dans des conditions quasi-guerrières. Ajoutons à cela la multiplication des caméras à Paris, désormais autorisées à utiliser la reconnaissance algorithmique.

Paris est vivable au prix de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Paris est une prison à ciel ouvert, Paris est une expérience sécuritaire massive, tout comme l’était la gestion du COVID ou la répression des Gilets Jaunes. 35 000 policiers, 40 000 barrières, des QR codes, de la reconnaissance algorithmique. Quand les athlètes et les touristes partiront, tout ceci restera.

"Toutes les raisons de faire une révolution sont là. Il n’en manque aucune. Le naufrage de la politique, l’arrogance des puissants, le règne du faux, la vulgarité des riches, les cataclysmes de l’industrie, la misère galopante, l’exploitation nue, l’apocalypse écologique – rien ne nous est épargné, pas même d’en être informés. Toutes les raisons sont réunies, mais ce ne sont pas les raisons qui font les révolutions, ce sont les corps. Et les corps sont devant les JO*.” Comité Invisible. *La citation originale dit "les écrans"

Il faut prendre la mesure de ce que nous avons vécu : des militant·e·s écologistes ont fait 48 heures de garde à vue pour avoir collé des autocollants anti-JO, des journalistes ont été embarqué·e·s pour avoir couvert un rassemblement. Une balade sur le canal Saint-Denis a été interdite (et verbalisée). On n’imagine même pas le carnage s’il y avait eu ne serait-ce qu’une seule manifestation durant les Jeux ! Mais les syndicats ont décidé d’une trêve olympique, et même de participer à l’enthousiasme autour de ces Jeux, Une faute politique. Car il aurait été intéressant de montrer aux yeux du monde entier que derrière le vernis "tout beau" de ces Jeux, se cache un monstre d’autoritarisme. Cela aurait été d’autant plus important vu la séquence politique que traverse la France depuis des mois. Il est également très inquiétant d’entendre que les dispositifs sécuritaires installés, notamment en Seine-Saint-Denis, seraient destinés à rester et à continuer de surveiller et de ficher.

Au centre de la capitale, une ambiance molle de fin du monde joyeuse s’est installée avec les JO. On croise des groupes de policiers, mitraillette en bandoulière, presque tous les 100 mètres, patrouillant au milieu de gentils touristes dont le but est de flâner et de consommer. Les policiers sont tellement nombreux qu’ils ont le temps d’aider les touristes les plus égarés à trouver le chemin des toilettes publiques. Les soirs sont chauds, la glace fond dans les cocktails, rien ne dépasse, et la vue est belle quand le soleil se couche derrière les ponts de la Seine. Dans ce tableau, les gens se ressemblent presque étrangement et l’expérience client se passe à merveille. Un monde idéal.

Si au cœur de la capitale bien surveillée, l’appareil répressif vit ses instants « fleur bleue », à la périphérie, c’est le contrôle permanent des populations. Là où l’État ne rentabilise pas la carte postale parisienne, c’est le business as usual : policiers surarmés et champions olympiques du délit de faciès. Il suffit parfois de faire 100 mètres, du village olympique de la Villette aux cités de Pantin, pour voir qu’une frontière invisible s’est glissée là, entre deux mondes. Et peut-être que tout le monde n’est pas le bienvenu dans le pop-up store à ciel ouvert que sont ces Jeux Olympiques de Paris 2024.

Ce qui inquiète dans cet épisode, c’est de voir comment une large majorité de citoyens semble prête à accepter de vivre dans des espaces « propres, tranquilles », mais où il est interdit de s’exprimer. C’est la tendance lourde des « démocraties occidentales » de ces dernières années : offrir une société basée sur la techno-surveillance et où les libertés disparaissent une à une au profit d’un confort sécuritaire digne de 1984. Une société où tout est « agréable » pour peu qu’on accepte les règles de cette société, qu’on ne fasse partie d’aucune minorité et qu’on n’exprime que le discours du pouvoir.
Ces JO ont donc envoyé des signaux très positifs au pouvoir pour étendre ce principe d’une société à l’ADN autoritaire, pouvant rapidement devenir totalitaire, mais aux apparences « sympathiques ».

(post de CND)


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