Réfléchir transition énergétique industrielle et Economie, c’est s’enfermer dans un cadre qui n’a pas d’issues positives, qui enchaîne au système en place et aux catastrophes qui vont avec.
Le mythe de la transition énergétique sert à endormir les foules et à justifier le choix de rester dans le même système.
Au lieu de l’impossible et indésirable (vu les dégâts sociaux et écologiques) Croissance "verte", viser la décroissance, qui n’est pas la récession ou le ralentissement de l’Economie, mais une bifurcation radicale dans une autre direction, soutenable et désirable (sauf pour les accrocs au pouvoir et à l’accumulation matérielle), bénéfique pour la biosphère et l’ensemble des humains (et pas seulement une minorité de plus en plus petite de riches).
La décroissance (les divers courants de la décroissance) sort à présent du ghetto alternatif où les puissants ont voulu l’enfermer, et creuse ses analyses dans le champ académique, démontrant scientifiquement l’impasse mortelle du capitalisme et de sa croissance économique, même renommés "développement durable".
Cet article relayant deux bouquins intéressants peut se lire en complément de : Transition industrielle : les mines dévastent et polluent la Terre pour alimenter les technologies et le capitalisme
« Les plus pessimistes étaient beaucoup trop optimistes » - Fressoz
« Les plus pessimistes étaient beaucoup trop optimistes »
A l’occasion de la parution de « Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie » de Jean-Baptiste Fressoz, nous republions un entretien détaillé de mai 2023 où il développait les thèses de son livre. Dans la conclusion de son livre, il écrit que « la transition est l’idéologie du capital au XXIe siècle. Grâce à elle, le capital se trouve du bon côté de la lutte climatique. »
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La transition énergétique est le futur le plus consensuel qui soit. Face au changement climatique, il faut évidemment faire une « transition énergétique ». Mais quand on y réfléchit, il s’agit de quelque chose de gigantesque dont on n’a aucune expérience historique.
Cette idée de transition énergétique semble naturelle parce qu’on a une vision entièrement fausse de l’histoire de l’énergie, selon laquelle on aurait connu par le passé plusieurs transitions, qu’on aurait à plusieurs reprises entièrement changé de système énergétique (du bois, au charbon, du charbon au pétrole), alors qu’en fait on n’a fait que consommer de plus en plus toutes ces énergies.
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A l’échelle globale, il n’y a jamais eu de transition énergétique… La notion actuelle de transition énergétique fait passer un problème civilisationnel pour un simple changement d’infrastructure énergétique.
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Prenons l’exemple de la symbiose bois-charbon. En Angleterre, les mines de charbon dans la première moitié du XXe siècle consomment plus de bois que ce pays n’en brûlait au XVIIIᵉ siècle, car il faut entretenir des milliers de kilomètres de galeries souterraines. En Angleterre au XVIIIe siècle, on brûle environ 3,5 millions de mètres cubes de bois. Au début du XXe siècle on utilise 4,5 millions de mètres cubes d’étais.… Ce n’est pas du bois de feu, mais c’est bien du bois qui sert à faire de l’énergie. En outre, comme c’est du bois d’œuvre, cela nécessite des espaces forestiers environ six fois plus vastes.
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Pour faire une voiture dans les années 1930, il faut sept tonnes de charbon. C’est une masse équivalente à celle que la voiture va consommer en pétrole pendant sa durée d’usage vie. Donc quand on pense charbon, il faut penser bois. Quand on pense pétrole, il faut penser charbon, etc. Ces choses là sont parfaitement inextricables.
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Cette consommation de charbon de bois est rendue possible grâce au pétrole : on peut aller chercher le charbon de bois beaucoup plus loin avec des camions. Le bois c’est du pétrole et inversement. Dans les pays riches, si on prend en compte les engins forestiers, le transport, on arrive au résultat qu’il faut une calorie de pétrole pour avoir dix calories de bois.
Toutes les énergies entretiennent des relations symbiotiques. On s’est trop focalisé sur certains cas locaux de substitution comme celui du moteur diesel qui a remplacé la machine à vapeur dans la navigation et les chemins de fer. Mais cela n’empêche pas une énorme consommation de charbon, ne serait-ce que pour produire les bateaux et les trains.
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L’idée est de dire que la crise énergétique est urgente alors que la crise environnementale est plus lointaine. Certes, l’environnement c’est très télégénique, on voit des mouettes dans le mazout, c’est choquant, mais le vrai problème, explique le lobby atomique, c’est qu’on va manquer d’énergie. Le but c’est d’obtenir des financements pour le programme nucléaire. Les gens de l’Atomic Energy Commission (AEC) vont faire des séminaires et former des journalistes, notamment du New York Times au thème de la « crise énergétique ». Et on voit paraître ensuite des séries d’articles sur la crise énergétique, comme en 1971.
Arrive le choc pétrolier. Cette idée de crise énergétique, évidemment, s’impose dans le débat public et avec elle l’idée de transition énergétique. A ce moment-là, les associations environnementalistes américaines reprennent le discours de l’ennemi. C’est par exemple Lester Brown qui est le fondateur du World Watch Institute, un agronome néo-malthusien américain qui affirme que la transition sera obligatoire car il n’y a plus d’énergie. Le pétrole, c’est fini. Il fait passer l’idée de crise énergétique pour quelque chose de complètement naturel, alors qu’elle était créée de toutes pièces.
Donc, au départ, ce discours de la crise énergétique et de la transition énergétique n’est pas du tout un discours qui vient d’écologie. C’est un discours qui vient du monde du nucléaire. En fait, ça a été repris ensuite par les associations environnementalistes américaines. Et c’est un peu ça le problème.
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L’inertie du système énergétique à l’échelle mondiale est un phénomène réel, titanesque, qu’il faut penser à sa juste hauteur et affronter de face. Certes il faut politiser mais pas n’importe comment.
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Dans le dernier rapport du groupe III du GIEC, 3000 scénarios ont été testés, mais aucun scénario de décroissance n’a été proposé. Il n’y a pas un économiste qui s’est dit « tiens, modélisons des hypothèses de décroissance ! » Sans même parler de baisse du PNB mondial, ils pourraient au moins regarder ce qui se passe si on réduit drastiquement la consommation de matériaux dont on sait qu’on ne pourra pas les décarboner à l’horizon 2050—je pense à l’acier, au ciment— ou encore à l’aviation.
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au fond, les sociétés industrielles et productivistes, et avec elles, leur stratification sociale nationale et internationale, sont plus rétives à la lutte contre le changement climatique qu’à s’exposer aux conséquences d’un réchauffement très important ?
Evidemment, c’est pour cela qu’on ne fait rien. La transition énergétique a surtout eu une fonction idéologique dans les pays du Nord. Raconter un futur vert est très utile pour justifier la procrastination présente. D’ailleurs pour les élites américaines, dès la fin des années 1970, la messe est dite, il y aura un réchauffement, la question c’est l’adaptation.
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Or l’acier et le ciment, c’est 15% du CO2, et ça suffit à nous faire passer le cap des 2°C. Donc des pans entiers de l’économie mondiale doivent décroitre, l’aviation bien sûr, l’automobile, les cimenteries, les aciéries et j’en passe. Au fond le sujet c’est voir quel est le CO2 vraiment utile.
Ce qui m’intéresse en tant qu’historien, ce n’est pas tant la question dont tout le monde débat : est ce que cette transition est possible ? Dans les temps impartis pour les 2°C tout le monde sait que non — mais de montrer à quoi dans le passé a servi les discours sur la transition depuis les années 1970, à qui il a servi et aussi à quoi il sert encore.
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Livre « Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie » de Jean-Baptiste Fressoz - Le Seuil, 2024
Voir aussi : Aucun scénario de transition énergétique/écologique ne tient la route, la seule issue est de renverser la civilisation industrielle
(...) Jean-Baptiste Fressoz est intéressant, il rappelle des choses importantes, et cette vidéo vaut le visionnage pour celles et ceux qui ne connaissent pas son travail. Mais J-B Fressoz passe aussi toujours à coté de points parmi les plus cruciaux.
Son propos se résume essentiellement à : non, la « transition » (vers une civilisation industrielle décarbonée) n’aura, selon toute probabilité, jamais lieu. C’est exact, et en partie pour les raisons qu’il avance.
Mais Fressoz oublie toujours de rappeler que la décarbonation de la civilisation industrielle est de toute façon loin de constituer un objectif souhaitable, ou juste un objectif sensé, intelligent. Une civilisation industrielle décarbonée détruirait toujours la planète et continuerait de déposséder les êtres humains, de les asservir. (...)
L’abolition du travail abstrait ne pourrait donc que signifier la fin des technologies qui sont la « matérialisation adéquate » du capitalisme. Seule une exigence d’émancipation portée jusqu’à cette pointe pourrait à la fois cesser de consumer sans limites le monde matériel et offrir les bases sociales d’une réinvention des techniques et des activités libérées de la compulsion de valorisation.
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Une société qui met la rareté à son principe — comme le fait le mode de production capitaliste — s’accule elle-même à devoir toujours plus rationner sa consommation d’énergie, parce qu’elle se rapproche d’une limite absolue. Elle se condamne à s’enfoncer dans une gestion totalitaire des ressources, dans des guerres de sécurisation, dans des crises socio-économiques d’impact croissant… Mais c’est une limite qui fait partie des principes fondateurs de cette société et non de la nature.
La catégorie « énergie » est une catégorie aussi abstraite que la catégorie « travail », et une fois qu’elle est posée au fondement des activités humaines, elle ne peut que s’avancer vers un gouffre, par l’effet même de sa propre logique. J’ai mis longtemps à en prendre la mesure, parce que le discours qui est martelé sur les « limites planétaires » s’impose dans sa fausse évidence, comme si c’était un problème géophysique. Or le vrai problème, ce sont les prémisses du capitalisme, avec lesquelles même les pays dits du socialisme réel n’avaient pas rompu.
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Que les choses soient claires, donc : les annonces de « neutralité carbone » tentent de sauver l’économie de la fin du pétrole pas cher et non le climat ; elles enfoncent le monde dans un extractivisme frénétique qui épuisera les dernières ressources terrestres au nom du salut climatique ; elles effectuent les substitutions énergétiques les plus désespérées dans le seul but que le capitalisme se survive, sans même diminuer la consommation globale d’énergies fossiles ; et elles le font désormais avec la bénédiction du vote vert. Questionnés sur leurs plans pour parvenir à ladite « neutralité carbone », les partis allemands n’ont rien de concret à proposer et l’on sait ce qui est advenu en France des propositions pourtant fort peu radicales de la Convention Citoyenne pour le Climat. Et pour cause : le capitalisme est entré dans un goulot d’étranglement énergétique pressenti dès la première industrialisation – comme nous le verrons par la suite – qui ne connaît aucune solution et qui se traduit par la « combustion » de l’intégralité du monde naturel pour continuer à nourrir la compulsion de valorisation. L’électeur vert a beau jeu d’accuser ses représentants de mener le monde à sa perte, quand lui-même refuse d’examiner le coinçage général auquel il participe en exigeant l’impossible d’un système qui n’a pas d’issue.
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Au-delà du capitalisme, la décroissance comme abondance partagée
Au-delà du capitalisme, la décroissance comme abondance partagée
Nées dans les années 1970, les pensées de la décroissance font l’objet depuis une dizaine d’années de travaux académiques de plus en plus nombreux. Une récente synthèse permet de dessiner les principales critiques que ce courant d’idées et de recherche adresse au système capitaliste.
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Imaginez un monde égalitaire où tout le monde, toute sa vie, est assuré de manger à sa faim, qui plus est des produits de qualité qu’on puisse choisir. Où tout le monde a un logement décent et des conditions sanitaires sûres, dans un environnement non pollué. Où tout le monde a accès aux soins et à l’éducation, sans discrimination ni compétition. Où il y a du travail pour tout le monde, qui plus est du travail qui a du sens. Où tout le monde a du temps libre pour s’occuper et profiter de sa famille et de ses ami·es, pour se promener dans la nature, pour aller voir des spectacles, pour participer soi-même à des activités créatives, artistiques, scientifiques, sportives, sociales ou politiques.
Dans ce monde, tout le monde a le droit et la possibilité de se déplacer librement, grâce à des transports en commun très développés, mais on se déplace lentement, donc plus rarement loin, et donc seulement quand on a de bonnes raisons de le faire. Dans ce monde, on partage les lieux d’habitation et de loisir, les voitures, l’électroménager ou les outils. On partage le travail et le temps libre. Dans ce monde, on a compris que la consommation ne rend pas heureux. Les moyens de l’intégration et de la distinction sociale ne passent plus par la richesse et le pouvoir. Et surtout, on est conscient que toute l’abondance dépend du travail de toutes et tous, on est foncièrement solidaire, ce qui explique que nul ne peut prétendre valoir beaucoup plus que les autres.
Pour qu’un tel monde soit possible (avant même d’envisager les possibilités politiques pour le faire advenir), de nombreuses conditions – des contreparties – doivent être réunies. Dans ce monde, par exemple, il n’y a sans doute pas de place pour les jets privés, les SUV ou les voitures de sport, ni même les voitures individuelles, le tourisme à fort impact carbone (type week-end en avion ou vacances sous les tropiques), les sports mécaniques (adieu la Formule 1 et les Grands Prix moto, les buggys et quads de loisir ou le jet ski), la publicité ou toute la gabegie d’objets inutiles qu’on nous incite à acheter, pas de place pour les besoins artificiels. Il n’y a pas de place pour les très riches, pour l’accumulation, pour la spéculation.
Dès lors, ce monde d’abondance partagée et restreinte aux « besoins fondamentaux » est-il vraiment désirable ? Sans doute pas pour tout le monde, pas pour toutes celles et tous ceux attachés à leurs besoins artificiels, à leurs privilèges, à leurs « richesses », à leur pouvoir, à leur croyance que leur bonheur tient à posséder des choses que les autres n’ont pas. Ce monde inégalitaire et de compétition est le nôtre, et beaucoup le revendiquent et le défendent comme un monde de liberté où chacun et chacune aurait sa chance d’avoir sa place, seule, au soleil. Après tout, pourquoi pas, ne s’agit-il pas juste d’un choix de société différent de celui du monde de l’abondance partagée pour toutes et tous, choix affaire d’opinions et de préférences privées devant se régler par la délibération démocratique ?
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Mais il se trouve qu’il ne s’agit pas seulement d’un choix de société, et c’est là où la réflexion proprement scientifique est nécessaire, et non plus une réflexion purement politique ou une matière d’opinions : notre monde inégalitaire basé sur la croissance économique est tout simplement incompatible avec les limites planétaires
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Ce mode de vie est décrit comme « impérial », il est fondamentalement colonialiste. Il n’est donc en aucun cas généralisable à l’ensemble de la société et du monde, et il bute sur les limites planétaires. Face à ces limites, il ne pourra continuer que pour un nombre de plus en plus restreint de personnes (ce qu’on observe déjà très clairement au sein des pays occidentaux), qui devront dès lors protéger leurs privilèges de façon de plus en plus agressive, ce qu’on observe également par la montée de l’obsession sécuritaire, des populismes et de la militarisation.
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Ce monde, c’est en effet celui qui est pensé depuis des décennies par les auteurs et autrices qui défendent le concept de décroissance, terme généralement caricaturé par ses détracteurs et détractrices comme une récession économique volontaire, alors qu’il signifie justement l’opposé de la récession. La décroissance désigne l’opposition fondamentale à l’obsession – au culte – de la croissance économique et au système socio-économique qui s’y attache. Le modèle de la décroissance, ou, plutôt, les modèles multiples et divers qui peuvent s’en réclamer, ne visent pas à ralentir le système économique actuel (ce qui pourrait en effet correspondre à une récession), mais à en inventer d’autres, placés sous le signe de l’abondance et de la joie.
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La grande nouveauté depuis une dizaine d’années est que ce qu’on peut appeler la bataille culturelle autour de la décroissance se joue désormais également dans le champ académique. Et ces travaux académiques, de plus en plus nombreux et précis, démontrent à quel point le mode de fonctionnement capitaliste est une aberration suicidaire pour l’humanité. En en décryptant les rouages, l’ouvrage permet d’éclairer les voies alternatives possibles et les moyens pratiques de sortir de cette trajectoire mortifère.
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L’économie n’est immatérielle que dans les fantasmes des économistes orthodoxes, le « découplage » entre croissance économique et métabolisme est impossible, la croissance verte tout comme le développement durable sont des fictions idéologiques : en d’autres termes, du greenwashing. Tout ceci est désormais bien documenté dans des articles scientifiques.
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Dans l’échange capitaliste, observe Marx, le but est de faire fructifier le capital : l’argent doit rapporter davantage d’argent, il doit forcément être réinvesti, ce qui entraîne un véritable tapis roulant de l’accumulation. La logique croissantiste est donc bien au cœur même de la logique capitaliste.
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Rosa Luxemburg et les écomarxistes ont ensuite montré comment cette « accumulation par dépossession » n’est pas seulement une « accumulation primitive » requise pour le démarrage du capitalisme, mais qu’elle se reproduit de façon systématique, notamment dans l’exploitation coloniale.
Les écoféministes ont également mis en évidence l’exploitation systématique du travail de femmes (dans le même mouvement que l’exploitation de la nature, en particulier dans les colonies) : les soins domestiques, non rémunérés mais nécessaires à la « reproduction » de la force du travail. La valorisation constante du capital ne peut avoir lieu sans une transformation et une destruction constantes du tissu de la vie, sans une extraction infinie de matières et d’énergies, humaines et non humaines, et conduit inévitablement à un dépassement des limites planétaires et un désastre social.
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Cette analyse du lien entre enclosures et capitalisme est essentielle pour montrer la voie de sortie du capitalisme : pour nourrir leur gloutonnerie et réinvestir leur capital, les capitalistes ont constamment besoin de nouveaux marchés, et donc de marchandiser (« commodifier ») de nouveaux communs. Il s’agit en priorité de tous les espaces naturels (expansion spatiale du capitalisme), mais cela peut concerner toutes les relations humaines comme illustré récemment par l’émergence du capitalisme de plateforme numérique, et par exemple la marchandisation du partage de maison ou de transport. Pour sortir du capitalisme, il s’agit donc de promouvoir le mouvement inverse : reconstruire et défendre les communs. L’organisation socio-économique décroissante est basée sur les communs.
Les analyses des travaux sur la décroissance présentées par Schmelzer et ses collègues permettent non seulement de comprendre que l’utopie décroissante est désirable, qu’elle est la seule alternative viable à la barbarie capitaliste présente et à venir, mais également qu’elle est possible et qu’on peut en prendre le chemin dès maintenant.
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Ainsi la question de comment faire advenir une société décroissante n’est certainement pas résolue. Il est clair que la description des réformes non-réformistes et mesures gouvernementales souhaitables, si elles montrent certes la possibilité d’une transition vers la décroissance, n’expliquent pas comment transformer le rapport de force politique pour qu’elles aient une chance d’être réalisées. Le contexte géopolitique, violent et conflictuel constitue un obstacle majeur que la littérature de la décroissance ne semble pas trop savoir comment aborder
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Ouvrage de référence indispensable, The Future is Degrowth est de nature académique et en anglais. Bien que très clair de bout en bout, il n’est cependant pas forcément le plus accessible à tout public. En français, Ralentir ou Périr de Timothée Parrique constitue une synthèse très équivalente et tout aussi recommandable10. Bien qu’il n’ait pas l’ambition de dégager le consensus de la littérature scientifique sur la décroissance, Parrique se base sur les mêmes travaux que Schmelzer et ses collègues, et la synthèse personnelle qu’il en fait en est très similaire. Parrique développe plus largement et de façon très convaincante pourquoi le découplage est impossible (c’était l’objet principal de sa thèse), ne laissant aucun doute sur l’illusion toxique du développement durable et de la croissance verte. Parrique propose également une distinction sémantique utile pour celles et ceux qui trouvent le terme de « décroissance » problématique, en différenciant le projet (une économie de post-croissance, qui ne croît plus et est viable dans les limites planétaires) du trajet (la décroissance comme transition pour y parvenir).
The Future is Degrowth suscite certainement de nombreux questionnements, et ce n’est pas là le moindre de ses mérites. Il faut rappeler qu’il a moins l’ambition de présenter une thèse que de synthétiser l’état de l’art dans le champ académique récent de la décroissance, champ académique qui ne demande qu’à s’étendre. Imaginer un projet de société alternative touche à toutes les disciplines scientifiques, et à la lecture on aurait envie que par exemple l’histoire, la sociologie ou les sciences politiques s’emparent davantage de l’objet « décroissance ».
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Remarque :
L’ouvrage semble se leurrer en disant que la décroissance pourrait remplacer le modèle techno-capitaliste essentiellement par des « réformes non réformistes ». Si on peut être d’accord d’éviter des révolutions "pour mettre tout à plat et repartir de zéro", on voit mal comment de gros conflits violents et des basculements par sauts seraient évitables.
De plus il considère à tord que l’Etat et l’oligarchie politique sont un "système démocratique". Voir peut-être cet article pour creuser ce sujet : État, capitalisme, réformisme et révolution
Voici aussi des critiques sur ce livre "The Future is Degrowth – A Guide to a World Beyond Capitalism (« Le futur c’est la décroissance — Un guide pour un monde au-delà du capitalisme »)" : Les fantasmes absurdes d’une certaine « décroissance » (...) Une nouvelle illustration de la malhonnêteté, de la confusion et de la naïveté d’un certain pan de la décroissance (il y aurait bien plus à dire, par exemple sur leur réduction du capitalisme à « une société mue par l’accumulation », qui les amène à produire une critique tronquée du capitalisme, à promouvoir une sorte de capitalisme équitable, avec plein emploi pour tous et toutes, ou encore sur l’absence de toute critique sérieuse de l’État). La civilisation techno-industrielle « conviviale » qu’ils appellent de leurs vœux n’existe pas. Elle n’adviendra jamais. (C’est-à-dire que même dans l’hypothèse farfelue où elle adviendrait, elle ne serait ni écologique ni démocratique (ni « conviviale »).)
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