Des infos sur les contestations majeures qui ont lieu en ce moment au Pakistan, avec le peuple pachtoune. Une « assemblée nationale constituante révolutionnaire » a lieu à partir de ce vendredi 11 octobre, avec une organisation laïque à majorité marxiste.
Les médias mainstream n’en parlent pas en France (ils n’aiment ni la démocratie ni le marxisme).
De plus une femme leader du mouvement du peuple baloutche (mené par des femmes et féministes) qui se soulève dans le sud du Pakistan sera présente. (Il n’empêche que sur les images des marcheurs qui se rendent à l’assemblée il n’y a que des hommes)
L’auteur des articles ci-dessous s’emballe peut-être un peu, et il faudrait croiser avec d’autres sources pour voir ce qu’il en retourne au juste, mais ça reste un événement très important pour toute la région.
Qui sait comment peut évoluer cette révolte contre les talibans et le pouvoir central pakistanais ?
UN MOUVEMENT JAMAIS VU
De tous les villages et villes du Khyber Pakhtuntkhwa (pachtounistan) au Pakistan, des foules se dirigent à pied ou en voiture ou bus sur le lieu où doit se tenir la première Assemblée nationale constituante pachtoune (50 millions de pachtounes au Pakistan et en Afghanistan) ce 11 octobre, la transformant ainsi par cette participation en première Assemblée constituante de l’histoire à démocratie directe.
Signe du moment, les organisateurs (le mouvement PTM, (organisation laïque à majorité marxiste, né en 2018) ont déplacé d’une demi journée l’Assemblée pour pouvoir accueillir les foules qui continuent d’affluer. Elle commencera donc cet après-midi et non ce matin.
Signe du moment aussi et où souffle le vent, Manzoor Ahmad Pashteen, surnommé le Che Guevara pakistanais, dirigeant du PTM vient de tenir une conférence de presse avec la participation du 1er ministre (ministre chef) de la province du Khyber Pakhtunkhwa, et membre du PTI (le parti d’opposition d’Imran Khan) en rupture ouverte donc avec son propre parti puisque ce dernier comme tous les partis du pouvoir pakistanais ont dénoncé cette Assemblée et ont tout fait pour l’empêcher (4 morts et 400 blessés) tout en ayant dissous le PTM auparavant le traitant d’organisation illégale
https://www.facebook.com/100064378765575/videos/8869817183073922
UN CORTEGE DE FEMMES ARRIVE A L’ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE PACHTOUNE DE DÉMOCRATIE DIRECTE QUI VA BOUSCULER LE PAKISTAN ET L’AFGHANISTAN ET PROBABLEMENT AUSSI L’IRAN
Alors que le vote n’ a été introduit dans les « zones tribales » (ainsi qu’elles s’appelaient auparavant au Pakistan), la pratique du vote n’a été introduite que dans les années 1990 et l’obligation (toute théorique) du droit des femmes à participer aux fonctions publiques n’a été instaurée qu’en 2010 dans l’actuel Khyber Pakhtuntkhwa (nom actuel des « zones tribales »), l’Assemblée nationale constituante pachtoune de démocratie directe les a invitées à participer pleinement et à y prendre toutes leurs responsabilités. Il faut savoir que parmi les femmes qui arrivent à l’Assemblée, il y a probablement des afghanes. Un évènement qui va faire date au Pakistan et en Afghanistan
https://www.facebook.com/100064378765575/videos/1099815331716810
- Grande assemblée nationale constituante révolutionnaire au Pakistan à partir du 11 octobre
L’HISTOIRE EN MARCHE
Après avoir marché, un, deux ou trois jours ou plus, malgré les barrages et les arrestations des forces de l’ordre sur la route, après avoir dormi à la belle étoile, puis s’être affronté à l’armée et la police qui occupaient le terrain et les avoir chassés avec trois morts et de nombreux blessés, la veille de l’Assemblée nationale constituante pachtoune de démocratie directe du 11 octobre au Pakistan, la foule est déjà là.
- Grande assemblée nationale constituante révolutionnaire au Pakistan
UN EVENEMENT HISTORIQUE DONT LES MEDIAS NE DIRONT PAS UN MOT
Pour la première fois de l’histoire, doit avoir lieu à partir de demain 11 octobre une Assemblée nationale constituante révolutionnaire à démocratie directe, celle du peuple pachtoune (50 millions au Pakistan et en Afghanistan principalement), au Pakistan.
La vidéo ci-dessous montre aujourd’hui sur le lieu où doit se tenir cette Assemblée, l’hommage de ceux qui sont déjà arrivés - mais bien d’autres sont encore en route - rendu à trois jeunes qui ont été tués hier par la police pakistanaise, lorsqu’après avoir pris possession du terrain dans la nuit avec l’armée pour empêcher l’Assemblée, un violent affrontement s’en est ensuivi et lors de cet affrontement où les pachtounes ont fini par chasser la police et l’armée, trois jeunes ont été tués et bien d’autres blessés.
Cette assemblée est un évènement historique parce qu’après de nombreuses années de luttes de masses, tout à la fois contre les talibans et le pouvoir pakistanais, c’est un peuple opprimé qui en se levant est en passe de se constituer en nation contre des régimes religieux dictatoriaux et réactionnaires, celui du Pakistan, celui des talibans afghans et enfin aussi contre celui des ayatollahs d’Iran et cela à l’appel d’une organisation laïque à majorité marxiste, le PTM.
Personne ne peut savoir exactement où va aller cette Assemblée et probablement même pas ses organisateurs, tellement le succès en est considérable et dépasse toutes leurs attentes (ils en attendaient 30 000 en visant haut, ils seront peut-être 100 000 voire plus), mais ce qu’il y a de sûr, c’est que son succès et l’élan que cette Assemblée va générer, va provoquer, depuis l’intérieur même de ces régimes réactionnaires un ébranlement majeur, sinon peut-être même leur éclatement ou leur chute avec ensuite l’onde de choc mondiale qu’on peut imaginer que cela peut provoquer.
On pourra lire ci-dessous dans le post que j’ai publié il y a deux jours à ce sujet, quelques éléments de l’histoire récente du combat des pachtounes que je suis sur cette page depuis longtemps, et de l’histoire des « Jirga » qui est le nom local de cette Assemblée. Pour percevoir la dynamique en cours, il faut savoir que le PTM a commencé par appeler ce 11 octobre à une Jirga, du nom des assemblées tribales ancestrales dans cette région, ou Jirga de justice (les Jirga traditionnelles ont un petit pouvoir de justice) comme il y en a déjà eu et donc conçue dans le cadre du Pakistan, pour élargir l’autonomie et le poids pachtoune au Pakistan, sans toutefois fermer les portes à plus. Or, plus il s’avérait que cette Jirga serait un immense succès comme on en avait jamais vu, plus le PTM utilisait le vocabulaire d’Assemblée nationale pachtoune, ce qui signifiait à terme la séparation du Pakistan, l’ambition d’un pachtounistan regroupant aussi une grande partie de l’Afghanistan (composé de 50 à 60% de pachtounes) - et de nombreux afghans seront présent - et un petit bout de l’Iran ou/et en même temps une fédération pachtoune/baloutche (il y a actuellement un soulèvement du peuple baloutche dans le sud du Pakistan mené par des femmes) avec Quetta (3 millions d’habitants) comme capitale commune, elle qui est peuplée à moitiés de Pachtounes et de Baloutches. Et la leader du mouvement des femmes baloutches, Mahrang Baloch, est dans les invités. Or le glissement de Jirga à Assemblée nationale donne un caractère très particulier à cette Assemblée nationale/Jirga puisque dans les Jirga toute la population peut y participer et y prendre la parole et on s’y assied en rond en signe que personne n’est au dessus de l’autre. Ce qui fait une Assemblée nationale presque de démocratie directe (un peu comme les Mahapachayats des paysans indiens qui ont permis le dynamisme, la détermination et l’efficacité du mouvement paysan indien) ce qui n’est jamais arrivé dans l’histoire. La constitution de 1791 de la révolution française ne donnait le droit de vote qu’aux plus riches et qu’aux hommes et il a fallu attendre pour que celle de 1792 accorde le suffrage universel mais qu’aux hommes.
Que va donner la Jirga/Assemblée nationale pachtoune ? On ne sait pas, mais c’est sur que c’est un évènement historique
.Pour mieux comprendre les enjeux historiques de ces évènements, mon post d’il y a deux jours :
UN EVENEMENT DE DIMENSION HISTORIQUE
Les étudiants et la jeunesse de la ville de Peshawar au Pakistan dans la province du Kyber Pakhtuntkhwa s’entrainent au service d’ordre pour protéger des attaques de la police le lieu où doit se tenir la prochaine « Jirga » pachtoune le 11 octobre (où on attend entre 30 et 100 000 participants) qui prend cette année le caractère d’une Assemblée constituante de la nation pachtoune (environ 50 millions dont 42 à 60% de la population en Afghanistan, 18% de la population au Pakistan et un peu encore en Iran).
C’est un évènement considérable.
En effet, s’il existe depuis 2018 des « jirgas », sorte d’organe administratif ancestral, réactualisé par l’occupation britannique en son temps, pour ce qui s’appelait hier les zones tribales au Pakistan, à la frontière afghane, et qui avaient des fonctions de justice dans un sens alors plutôt traditionaliste et conservateur, ces « Jirgas » ont pris un sens « national » pour les pachtounes en 1947, lors de l’indépendance du Pakistan où la Jirga d’alors avait demandé à ne pas intégrer les pachtounes dans le Pakistan mais d’avoir leur indépendance. Puis, cet objectif était tombé en désuétude jusqu’aux années 1990, lorsque de multiples conflits en Afghanistan l’ont fait renaître durant quelques années dans l’idée de faite une nation unie regroupant pachtounes d’Afghanistan et du Pakistan.
Mais ce mouvement a repris naissance surtout en 2018, après une guerre de dix ans dans le Khyber Pakhtuntkhwa où les pachtounes ont chassé les talibans de cette province tout en combattant aussi l’armée pakistanaise avec un Etat pakistanais plus ou moins complice des talibans et qui arme et finance toujours les talibans en Afghanistan, une guerre qui a fait entre 60 et 80 000 morts dans les rangs pachtounes.
En 2018, les Pachtounes ont organisé une marche de dix jours sur la capitale du Pakistan, Islamabad, pour y jeter dans une nouvelle « Jirga » les premières bases d’une affirmation pachtoune, mais encore dans le cadre du Pakistan et de l’Afghanistan, en se battant pour une démocratie plus réelle dans ces deux pays, mais une démocratie qui prenait parfois dans les discours la forme d’une démocratie directe, au travers de ces fameuses « Jirgas ». C’est aussi dans cette « Jirga » de 2018, que s’est formé le PTM (organisation de défense des pachtounes) organisation pachtoune laïque à majorité marxiste, et dont le pus éminent représentant a été et est toujours Ali Wazir, militant communiste marxiste reconnu dans le monde, et député pendant un temps au parlement pakistanais, tandis qu’aujourd’hui le PTM est dirigé par Manzoor Ahmad Pashteen, surnommé au Pakistan le Che Guevara pachtoune.
Depuis 2018, les « Jirga » se sont succèdées, toujours plus radicales, et tendant vers la revendication nationale, en même temps que le PTM initiait un mouvement de masse quasi quotidien dans le Khyber Pakhtuntkhwa contre les talibans et la complicité de l’Etat pakistanais, et qui malgré les violences des uns et des autres (8 000 disparus ou morts ces dernières années) a obtenu un certain nombre de succès. Il y a eu par exemple il y a quelques semaines, le plus grand et plus long sit-in de l’histoire à Chaman à la frontière afghane, avec des dizaines de milliers de participants voire centaines de milliers parfois, durant plus d’un an, où ils ont obtenu la réouverture de la frontière et des passages sans contrôle, dans le cadre d’un combat contre l’expulsion en Afghanistan de 1,5 millions de réfugiés afghans du Pakistan, qui avaient fui le régime des talibans dont de nombreuses femmes, et que l’Etat pakistanais voulait livrer aux talibans afghans (le passage sans contrôle permet aux réfugiés afghans expulsés en Afghanistan de revenir en douce au Pakistan chez leurs amis pachtounes et d’échapper ainsi à la mort ou la prison).
Mais cette tendance au renforcement du caractère radical et socialisant de la revendication nationale pachtoune a pu se développer parce qu’aussi, au même moment, c’est l’ensemble du peuple pakistanais qui se soulevait depuis 2020 contre le pouvoir, à la suite du mouvement paysan indien, et faisait tomber deux gouvernements en moins de deux ans, affaiblissant le pouvoir comme jamais, avec par exemple aux dernières élections législatives de février 2024, un appel au boycott des élections truquées suivi à 97% dans le Baloutchistan et 84% dans le Khyber Pakhtuntkhwa et de grandes révoltes ouvrières souvent gagnantes dans la province la plus industrielle du pays, le Pendjab.
Ce n’est que la faiblesse du mouvement ouvrier organisé a apporter des solutions socialistes communes à tous les exploités et opprimés du Pakistan (même si des organisations révolutionnaires socialistes comme le HKP ont émergé de cette situation mais encore trop faibles) qui a poussé la révolte du peuple à prendre les chemins du nationalisme progressiste dans le sillage d’organisations plus fortes mais en même temps poussait ces organisations à plus de radicalisme et de progressisme.
La « Jirga » de ce 11 octobre 2024 est ainsi à l’initiative du PTM d’obédience marxiste, où celui-ci invite tous les pachtounes du Pakistan (mais aussi d’Afghanistan ainsi que des représentants des peuples baloutches et hazaras) à s’y rassembler. Des villages entiers ou des tribus entières ont décidé d’y participer en organisant des marches pour s’y rendre, parce qu’à son ordre du jour il y a l’auto-détermination du peuple pachtoune et la création de la « nation » pachtoune, c’est-à-dire, pour la première fois de son histoire une Assemblée constituante du peuple pachtoune sur une base laïque. Pour préparer cette assemblée, le PTM a organisé une campagne de meetings, rassemblements et assemblées quotidiens partout dans la province pachtoune qui ont eu un succès massif.
Et le PTM attend, selon-lui, au moins 30 000 participants en ne comptant que les responsables de partis et de syndicats, les chefs de tribus, les maires de villages, les chefs de tehsils, une multitude d’associations et une foule de scientifiques, écrivains, poètes et autres personnalités qui comptent au Pakistan comme en Afghanistan.
Une telle Assemblée, donc ouverte à tous et sous le régime d’une sorte de démocratie directe, si elle réussissait, serait, un évènement historique de portée non seulement pachtoune mais aussi mondiale.
C’est pourquoi l’Etat pakistanais fait tout ce qu’il peut pour empêcher cette Jirga. Il a fait assassiner un des principaux dirigeant pachtoune, en a fait arrêter environ 80 et fait brûler les installations où doit se tenir la Jirga en espérant aussi pousser à bout les pachtounes et les faire sortir d’un mouvement social de masse pour les entraîner dans une guerre militaire en les accusant alors de « terrorisme ». Pour le moment, les pachtounes ont réussi à éviter le piège et la mobilisation des étudiants de Peshawar pour sécuriser les lieux de la Jirga en est un exemple.
C’est un événement historique et c’est vital pour l’Etat pakistanais que cette Assemblée échoue, que cette Jirga échoue, parce que sinon cela signifierait à terme l’éclatement de l’Etat religieux pakistanais, probablement aussi celui de l’Etat afghan des Talibans et aussi un affaiblissement important de l’Etat des Ayatollahs iraniens. Et cela voudrait dire probablement à terme une spirale d’évènements progressistes dans un des foyers important de la réaction religieuse mondiale.
Il existe en effet en même temps au Pakistan à l’heure actuelle un autre soulèvement à caractère insurrectionnel dans le Baloutchistan, mené par des femmes et féministes contre l’oppression pakistanaise et de fait patriarcale, qui serait fortement encouragé par le succès de la Jirga. Les baloutches sont invités et tout particulièrement sa leader, une femme, Mahrang Baloch, une héroïne pour toutes les femmes du Pakistan et plus généralement tous les pakistanais, avec l’idée plus ou moins aboutie encore d’une fédération Pachtoune/Baloutche. Ce serait aussi un encouragement pour les baloutches d’Iran, qui n’ont pas cessé le combat depuis la révolte des femmes en Iran.
Ce serait encore un énorme encouragement à la lutte des sindhis dans la 4e des provinces du Pakistan (Khyber Pakhtuntkhwa, Sindh, Baloutchistan, Pendjab, qui ont organisé une manifestation de masse ce 25 septembre contre les violences de l’islamisme après l’assassinat d’un médecin par la police pour avoir blasphémé contre le prophète et qui prévoient d’en organiser une encore plus massive à Karachi dans les jours qui viennent contre l’islamisme radical du pouvoir. Ce qui est en soi un évènement de taille dans cet Etat religieux.
Ce serait encore un encouragement aux peuples au statut colonial du nord du Pakistan, au Gilgit Baltistan et Azad Cachemire, qui multiplient les grèves générales ces derniers temps.
Et puis aussi un encouragement à tous les opprimés et exploités du monde qui cherchent leur émancipation et qui verraient que c’est d’un endroit parmi les pires au monde pour l’oppression que peut surgir la libération : un message d’espoir immense
vidéo : https://www.facebook.com/100080308652389/videos/873859131381167
(posts de Jacques Chastaing)
quelques articles trouvés sur le web :
- https://www.pakistantoday.com.pk/2024/10/11/grand-jirga-authorises-gandapur-to-resolve-peace-related-issues-ahead-of-ptm-gathering/
- https://www.rferl.org/a/pakistan-ptm-loya-jirga-violence-pashtun/33154199.html
- https://www.aninews.in/news/world/asia/pakistani-security-forces-attack-pashtun-jirga-3-killed20241010160507/
- en français : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/10/pakistan-authorities-must-immediately-revoke-ban-on-pashtun-tahaffuz-movement/