A présent, le dramatique dérèglement climatique et ses catastrophes croissantes ne peuvent plus être niés.
Il n’est plus possible non plus d’écarter la responsabilité directe de la civilisation industrielle, du productivisme, du système industriel et de la croissance.
Pour définir ce qu’il conviendrait de faire au mieux face à cette situation plus que délicate, le débat est toujours en cours. Ca part souvent dans tous les sens, on perd du temps, d’autant que médias dominants, politiciens et lobbys capitalistes font tout pour limiter les débats de fond, tirer la couverture à eux et ne rien faire ou piloter des changements superficiels qui les arrangent.
Dans ce contexte souvent confus, certain.e.s sont perdu.e.s et se laissent happer par des discours rassurants type COP 26 et assimilés, tandis que d’autres ont tranché via des positions radicales, et/ou choisissent l’action directe, le sabotage et l’offensive (exemple édifiant en fin de page).
- COP 26, questions climatiques, écologiques et sociales : que faire ? Débattre sans fin ou passer aux actes ?
- Tourner en rond, s’enfermer dans le cadre existant, ou dégager des issues ?
Deux grandes tendances existent
...avec toutes les variantes entre elles.
1. La croyance au « verdissement » du système en place, sa « décarbonation », sa transformation via une « transition » (plus ou moins rapide/brutale) en un gentil système plus ou moins « éthique » et « durable », par le biais d’une inflation de nouvelles technologies industrielles (numérique, robotisation, 5G, NBIC, énergies alternatives...), d’une meilleure répartition des richesses, d’un meilleur contrôle démocratique de la vie politique et économique, etc.
Ici nombre d’écologistes demandent par divers moyens aux gouvernants d’agir et veulent accompagner l’évolution du système techno-industriel vers des énergies alternatives dites « vertes ».
Or, des articles sur Ricochets.cc et ailleurs disent que cette voie continuerait les désastres autrement, qu’elle n’est donc pas souhaitable, et que de toute façon elle n’est pas faisable (exemple récent), que c’est une impasse et une illusion.
Dans cette tendance, l’anticapitalisme est souvent tronqué, il s’agit de vouloir sortir de la financiarisation, de la mondialisation capitaliste, de certains excès (extrême pauvreté, écarts importants de revenus, pouvoirs importants des plus riches...), mais pas de remettre en cause les rouages profonds du capitalisme (marché du travail, valorisation du capital, marchandisation, concurrence, propriété...).
2. Vouloir en finir de manière radicale avec la culture de la civilisation industrielle, et tout ce qui va avec : capitalisme, Etats, impératif de croissance et d’accumulation, concurrence, argent, Capital, marché du travail...
Ce qui semble cohérent avec la réalité observée et avec les pensées déjà anciennes d’écologistes et intellectuels reconnus (Günther Anders, William Morris, René Riesel, Bernard Charbonneau, Walter Benjamin, Lewis Mumford, Jaime Semprun, George Orwell, Guy Debord, Baudouin de Bodinat, Anselm Jappe, Éditions Crise & Critique, Theodore Kaczynski, Robert Kurz...).
Le problème est très profond, et donc les options de la 1re tendance semblent très insuffisantes, voire dangereuses, et ne peuvent atteindre les sources des problèmes.
Dans cette 2e voie, on observe plusieurs tendances et des combinaisons multiples entre elles :
- Compter sur l’Etat pour réguler le capital et assurer des mesures sociales positives (droite sociale, gauche), espérer une « démocratisation » de l’Etat via des institutions politiques revisitées
- Au contraire, vouloir aussi la disparition de l’Etat, en considérant que l’Etat fait partie du problème, du fait de son autoritarisme inévitable, de sa machinerie froide, de son besoin vital de la puissance de production industrielle capitaliste...
- Garder certaines technologies complexes (en minimisant leurs impacts négatifs) et en abandonner d’autres, afin de préserver certains « modes de vie »
- Abandonner toute technologie complexe, en considérant qu’elles entretiennent des régimes autoritaires et centralisés et des systèmes industriels qui affectent grandement les écosystèmes. Changer radicalement de mode de vie, chercher le bien vivre individuel et collectif autrement.
- Certains courants sont pour des méthodes d’action de contestation dites « non-violentes » exclusivement (illégales ou pas)
- D’autres pour la combinaison d’une diversité de tactiques, incluant en plus diverses formes d’actions destructives (forcément illégales)
# Au sein de ces deux tendances, deux visions existent, avec toutes les variantes intermédiaires, concernant le fait qu’on est en démocratie ou pas :
- Certains disent qu’on est en démocratie, et qu’il faut faire pression sur les élus et gouvernements et viser à gagner des élections
- D’autres disent qu’on n’est pas en démocratie, et qu’il faut agir par nous-mêmes, exercer un rapport de force conséquent envers les instances dirigeantes
Le système en place favorise ce qui l’arrange et lui permet de perdurer
Comme ils défendent mordicus la 1re tendance (croissante « verte », réformes, transitions), on voit que les dirigeants politiques/économiques, leurs alliés et les médias dominants mettent souvent en avant les pensées et les actions les moins perturbantes pour le système en place :
Ainsi, ils vont valoriser abondamment la « croissance verte », la « décarbonation de l’économie de marché », les « transitions énergétiques » de l’appareil industriel, les petits gestes du quotidien, les manifestations « bon-enfant-qui-se-passent-bien », les rassemblements pacifiques, les happenings festifs et symboliques, éventuellement aussi les désobéissances « non-violentes », etc.
Et ils vont décrier (ou occulter) sans pitié la décroissance, l’écologie radicale, l’anticapitalisme non-tronqué, l’anarchisme, le communisme revisité, les envies de transformations radicales à grande échelle, les courants anti-industriels, les écologistes anti-technologies, les courants anti-civilisation, les gilets jaunes virulents, les émeutes, les vitrines ou les voitures cassées, les sabotages de machines, les incendies volontaires de structures techno-industrielles, etc.
Même les grèves et les blocages, quand ils perturbent vraiment l’Economie, sont vivement critiqués par l’appareil médiatico-gouvernemental.
La meilleure défense est l’attaque ?
De nombreux militaires ou activistes expliquent qu’historiquement la meilleure manière d’emporter une bataille/guerre est de prendre l’initiative en passant à l’offensive.
Il existe de multiples manières d’attaquer, de pratiquer l’effet de surprise, de choisir la temporalité et le lieu des actions, de créer un écosystème social propice à la résistance, de prendre l’initiative même quand on est très inférieur en nombre et en moyens.
Les personnes soucieuses de la biosphère et des êtres humains ou non-humains qu’elle porte devront forcément s’interroger en profondeur sur les deux grandes tendances décrites brièvement plus haut, sur leurs propres objectifs, sur leurs stratégies et tactiques, sur leurs capacités logistiques à viser leurs objectifs et à mettre en application leurs stratégies.
En tout cas, il n’est plus possible de rester passif ou spectateur, d’attendre le bon vouloir hypothétique des instances dirigeantes, de suivre le train du "progrès", de viser des réformes superficielles en 2030 ou 2050, de rester cantonner au cadre en place, à ses dogmes et à son calendrier.
Avec cet exemple récent dans la région, on observe que certain.e.s ont tranché le débat théorique et passent aux actes offensifs, à contre courant de la tendance générale défaitiste qui semble juste vouloir tenter de s’adapter aux désastres. Qu’on l’approuve ou pas, cet exemple radical permet de mieux souligner par contraste les blabla de la COP 26 & co :
LACHAPELLE-SOUS-AUBENAS (Ardèche) : sabotage d’un poste électrique, « Jamais les fées ne seront électriques » (...) Depuis notre enfance, le monde moderne n’a eu de cesse de nous prendre en otage, nous ventant les mérites de la sécurité, nous faisant oublier, par le biais d’une série de promesses de plus en plus mal tenues, la copieuse dose d’asservissement qu’il nous faudrait accepter en contrepartie du progrès.
Alors que les horizons qui se présentent au devant des avancées de la civilisation n’en finissent pas de s’assombrir : ravage des espaces sauvages, domestication croissante du vivant, artificialisation des êtres, le monde actuel continue sa course effrénée, le rendant toujours plus dépendant des infrastructures énergétiques et des produits qu’elles consomment et produisent, pétrole, uranium, électricité.
En l’espace de moins de deux siècles, la production électrique et l’électrification croissante des espaces n’a eu de cesse de s’étendre et de coloniser la moindre parcelle de nos vies.
Ce furent initialement quelques entreprises et industries qui eurent recours à l’énergie électrique. La technique s’est ensuite progressivement répandue aux usages domestiques. Aujourd’hui, c’est à chaque instant que nous transportons et utilisons un appareillage de plus en plus important d’accessoires dans notre quotidien, dans nos poches ou à nos poignets, et qui rythment, jusqu’à normaliser totalement leurs usages, le moindre instant de nos existences. (...)
Si nous nous en sommes pris, à travers notre acte de sabotage, à un important transformateur électrique du bassin d’Aubenas, durant la nuit du 13 juillet 2021, c’est que nous souhaitions diriger notre rage contre l’entièreté de ce que le système électrique incarne et représente. Nous souhaitions par la même occasion, nous extraire de force du chantage idéologique auquel nous soumet la marche du monde techno-industriel. (...)
Puisqu’il est devenu pour la majorité, si compliqué d’imaginer un monde sans électricité, les « gestes de résistance » se traduisent de manière technicienne, à l’image du monde par lequel ils sont produits. Plutôt que d’interroger la domination technoscientifique dans son ensemble, on va être séduit par la possibilité illusoire, de se réapproprier des bribes d’un monde qui, depuis longtemps, n’est plus pensé à l’échelle de nos besoins mais répond avant tout à l’essor du règne des machines.
La Révolution des petits gestes quotidiens n’aura pas lieu. Elle est de toute manière, dorénavant plébiscitée par la domination et prend la forme d’un écran de fumée distillant l’impression d’agir. Cette soit disant Révolution apparaît pour nous comme un renoncement fondamental, la perte de notre possibilité à imaginer un monde radicalement autre, dans lequel les normes ne seraient plus dictées par l’imaginaire scientifique et industriel. Nous désirons continuer de désirer et d’envisager un monde dans lequel le progrès technique ne serait plus le seul récit positif façonnant l’avenir. (...)
Débrancher ce monde électrique, c’est tenter de créer une réaction en chaîne, touchant l’ensemble des infrastructures et des choses qui fonctionnent grâce à l’électricité (réseaux numériques, de communication, bancaires, étatiques, industries et entreprises, infrastructures militaires et policières…).
Débrancher ce monde électrique, c’est nous en prendre au mythe de l’énergie propre qui se cache derrière le nucléaire. (...)
Plus que jamais, en ces temps nauséabonds, nous préférons le risque lié au fait que la situation déraille plutôt que la fausse paix d’un confort mortifère.
Plutôt l’obscurité d’une nuit sans néons que la clarté d’un chemin vers le gouffre.
Pour que la magie revienne dans nos vies. Car jamais, les fées ne seront électriques. (...)