En arrivant à Bure, village dans le sud de la Meuse -zone en voie de désertification accélérée, on ne peut pas rater, ni par son architecture moderne et incongrue abritant en rase campagne un laboratoire de « recherche » et un centre de visiteurs, ni par la forte présence policière qui le protège, le quartier général de l’ANDRA, officine de l’EDF chargée de la mise en place du CIGEO, « centre industriel de stockage géologique » qui sera, si on laisse faire, une poubelle radioactive gigantesque.
Installé sur un site de 260 hectares au milieu des champs parsemés de forages destinés à tester, entre autres, la stabilité du sol argileux, l’ANDRA semble bénéficier d’une caisse de guerre sans fond et d’une carte blanche administrative clairement mafieuse à la hauteur des coups bas qui caractérisent son mode de fonctionnement.
En effet, en 2013, malgré un débat public bidon boycotté par plus de 50 associations hostiles à l’imposition totalitaire de l’enfouissement comme solution à la gestion des déchets radioactifs et trois ans plus tard, sans même avoir d’autorisation, l’ANDRA a lancé des travaux dans un bois près de Bure, soulevant ainsi un tollé national et une résistance dont la détermination sans faille a gagné une triple victoire. D’abord juridique par un verdict qui jugeait les travaux illégaux. Ensuite physique par la destruction (avec l’aide des agriculteurs locaux) d’une clôture érigée par la coqueluche des nucléocrates et finalement, symbolique par l’amplification d’un mouvement qui a confirmé au militant que je suis, la certitude que seul la lutte paye.
Depuis, le rouleau compresseur financier visant à créer un désert autour de ce projet néfaste, a réussi à s’approprier du foncier en offrant aux paysans deux fois la valeur marchande pour leurs terres. Cette stratégie s’est associée à une répression féroce qui a vu, au mi-juin, une vague d’arrestations et de perquisitions insolites laissant penser que le pouvoir voulait à la fois se venger du revers subit à Notre Dame des Landes et punir les anti-CIGEOs pour le succès éclatant de la mobilisation à Bar-le-duc, le 16 juin, où des milliers de manifestants venus des 4 coins de la France et de l’Europe, ont partagé dans la fête, le rêve d’un monde libéré du cauchemar nucléaire.
Pour comprendre l’esprit du pouvoir, il suffit de lire l’arrêté de la préfecture de la Meuze publié à cette époque. En se livrant à une panique frôlant la psychose qui a laissé perplexe et hilaire les mobilisé-es, il fait état de la présence, et je cite, « des militants d’ultra-gauches et ultra-mobiles formés rompus à la guérilla urbaine à NDDL ».
Samedi 8 septembre, on était 3 militants de la CNT26 d’avoir fait l’aller-retour Drôme-Meuze en réponse à l’appel pour une suite de mobilisation. On s’est retrouvé à Mandres, à quelques kilomètres de Bure, à l’Affranchi, un corps de ferme qui sert actuellement de centre nerveux de la résistance. Il fait l’objet d’une préemption pour empêcher toute installation de contestataires dans le secteur. Nous avons rencontré Flemme (pseudo anti-CIGEO), qui avait écrit sur le 16 juin et la bataille rangée entre les CRS et le Black Block. Quand est-ce que les non-violents comprendront que chaque action a son sens, demande-t-elle ?
Un agriculteur local adepte de la résistance anti-CIGEO, nous racontait la collusion crapuleuse de la bande organisée composée par l’ANDRA, le SAFER et les élus locaux pour approprier les terres en faisant pression sur les petits propriétaires pour qu’ils cèdent leurs lopins.
Dans un coin de la grange, il y avait de vieux posters de Nicolas Hulot qui brandissait une banderole avec le slogan : Au CIGEO, je dis non ! Puis sur un mur de la cuisine : On ne veut rien et on l’aura !
Le mouvement, essoufflé par la répression, cherche aujourd’hui à reprendre ses forces en amplifiant la lutte par la multiplication de comités de soutiens. Les anti-CIGEOs victimes de l’acharnement juridique et policier ont besoin de solidarité, à l’instar de [Loïc] actuellement en prison à Nancy et sous la coupe d’une extradition vers l’Allemagne. Dernièrement, dans une tribune de Mediapart il écrit : Force aux 6 personnes encore incarcéré·e·s actuellement en Allemagne suite aux manifestations du G20. Force aux victimes des violences policières si souvent invisibilisées ou stigmatisées. Mort à la propagande d’État. Mort à l’oppression. Mort aux privilèges. Vive la liberté. Vive l’anarchie.
Mandres, Bure et les deux autres villages concernés, sont en état de siège, militarisés par les barrages policiers, les passages incessants des camions et voitures de police dans tous les sens et les survols d’hélicoptères. Nous-mêmes avions été arrêtés trois fois, avec contrôles d’identités et fouilles de la voiture deux fois. Pour la période de la mobilisation anti-CIGEO du 3 au 10 septembre, la préfecture avait publié un arrêté de 5 pages interdisant entre autres, les pistolets à eau et les briquets.
En guise de conclusion, laissons la parole aux mobilisé-es anti-CIGEO. Une affiche publiée par vmc.camp, un site créé pour servir comme « support automédia » de la résistance et aujourd’hui fermé d’un commun accord « pour raison de sécurité contre la répression de l’Etat », comprenait ce message qui en dit longue sur les enjeux pour l’Humanité :
L’enfouissement est présenté comme LA solution au problème des déchets, alors qu’il ne vise qu’au renouvellement du parc nucléaire français, ainsi qu’à l’exportation de ce modèle sur le marché mondial de la pseudo-gestion des déchets nucléaires… L’enfouissement, par son irréversibilité, c’est confisquer toute possibilité à la communauté humaine de demain de se saisir de ce problème.
Nous ne voulons pas proposer d’alternative à l’enfouissement tant que la production des déchets n’est pas stoppée définitivement ! Proposer une alternative reviendrait à travailler bénévolement pour les nucléocrates. Il n’en est évidemment pas question. Nous savons qu’il n’existe actuellement aucune solution pour gérer les déchets nucléaires. Qui peut prétendre gérer des déchets dont les radiations sont mortelles pour une durée égale à dix fois l’Histoire de l’humanité.
La seule perspective souhaitable est l’arrêt du nucléaire et donc, de la production des déchets. Empêcher la réalisation du projet CIGEO, c’est empêcher l’Etat de « gérer » le problème des déchets radioactifs qui s’accumulent tous les jours, dans les cadres qui sont légalisés. Bloquer CIGEO, c’est désamorcer la machine atomique et forcer l’arrêt du nucléaire en France.
Que partout des groupes s’emparent de cette lutte et organisent le plus d’actions possibles. L’idée est d’agir de manière décentralisée, dans des espaces inattendus, avec votre propre calendrier, là où leurs règles de jeu n’existent pas.
N’hésitez, donc, pas à soutenir ce mouvement en tout lieu et notamment sur place. Un accueil militant vous attend.
David Connaughton
avec l’aide des camarades de la CNT26
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