Voici des analyses sur l’évolution récente des mouvements sociaux qui se succèdent et commencent à mélanger mouvements « organisés » et mouvements « inorganisés », notamment depuis 2016.
En 2022, franchissement de nouveaux caps et possibilité d’une grève générale d’ampleur alliant organisés et inorganisés ?
Quitte à se battre, autant le faire pour autre chose que des miettes temporaires, vite reprises et annulées par les prochaines crises et par les ruses des pouvoirs ?
Sans répéter le début de l’article précédent, la question cruciale est de voir si ces grèves et mouvements sociaux se limitent à viser un « réajustement » de la répartition des gains entre capital et travail ou si l’envie de commencer à viser le coeur du capitalisme se fait jour.
Est-ce que, à force de luttes, d’enfumages, de retour de bâton, de miettes, les luttes vont dépasser une (illusoire) tentative de réforme du cadre existant qui mène tout à la ruine, est-ce qu’une frange suffisante et déterminée va arriver à faire exploser le cadre ?
Pour l’instant, les grèves multiplent concernent surtout les augmentations de salaires.
Mais, est-ce que le caractère irréformable et hyper-destructeur du système en place (capitalime et Etat, civilisation industrielle, productivisme, marchandisation, système de la valorisation du capital, argent, institutions non-démocratiques, système policier, technologie...) va être compris à temps ou est-ce qu’on va tenter de l’aménager encore et encore, de le rafistoler à coup d’innovations, d’y trouver une place moins inconfortable jusqu’aux crashs ?
Est-ce que les miettes confortables et empoisonnées que peut encore larguer ou promettre la criminelle civilisation industrielle vont être à chaque fois préférées aux luttes inconfortables et incertaines pouvant ouvrir la voie à des sociétés vivables et soutenables ?
Est-ce que la certitude des désastres, mortels, mais joliment enrobés de coussins et de dopes, de sécurisation numérique et d’autoritarisme policier, de promesses et de mensonges, sera toujours préférée à l’incertitude des révoltes émancipatrices pouvant stopper les catastrophes qui mènent à une planète inhabitable ?
A suivre dans les prochains mois, et années.
Mais dans tous les cas, c’est le moment de cogiter à tout ça, de (se) préparer activement aux prochaines révoltes, d’élaborer des stratégies et tactiques nouvelles en rapport avec la situation et les enjeux.
- 2022, une année explosive ? Conjonction des révoltes organisées et inorganisées ?
- Débordement des syndicats et des partis ? Avec quels objectifs ?
Voici les analyses de J Chastaing, qui sont intéressantes pour saisir l’époque même si on n’est pas d’accord avec tout, et plus bas d’autres éléments complémentaires :
POURQUOI, QUAND ET COMMENT L’ANNEE 2022 POURRAIT BIEN ETRE EXPLOSIVE
Pour essayer de mieux comprendre ce qui va se passer en 2022 en termes de luttes sociales et politiques, prenons un peu de recul. Replaçons cette année à venir dans les dynamiques sociales, qui ont au fil des dernières années, construit les logiques des mouvements sur la planète dans lequel nous vivons et agissons aujourd’hui. Ces logiques sociales ont forgé peu à peu au plus profond de nos esprits de nouvelles valeurs qui nous meuvent au quotidien mais sans que nous en ayons toujours bien conscience.
SIX ANS DE LUTTES CONTINUES ET DEUX COURANTS OUVRIERS
A partir des années 1990, afin de faire baisser les salaires, la mondialisation capitaliste a industrialisé et urbanisé l’ancien tiers-monde en provoquant de nombreuses révolutions sociétales, matrimoniales, migratoires, culturelles et politiques dans ces pays, tout en désindustrialisant relativement en même temps les pays occidentaux. Elle a entraîné en 2008/2009 la crise des subprimes qui elle-même a été à l’origine des révolutions arabes et d’un certain nombre de révolutions africaines, tout en générant un renouveau de la lutte de classe dans les pays riches.
A partir de là, tout s’est mis à bouger. D’abord insensiblement, puis de plus en plus rapidement.
Pour avoir observé et mesuré au quotidien les luttes sociales depuis 2009 en France, ce renouveau de la lutte de classe s’est traduit à partir des années 2013-2015 en France, par l’apparition de deux mouvements de luttes ouvrières et populaires au lieu d’un seul. Au mouvement traditionnel des salariés les plus organisés, en général masculin, des grandes entreprises et de la fonction publique, qui se faisait entendre dans des luttes et journées d’action émiettées, derrière les directions syndicales toujours à la recherche d’un toujours plus impossible dialogue social avec les autorités, s’est ajouté depuis 2013-2015, un mouvement de plus en plus important des ouvriers et salariés les moins organisés, le plus souvent des femmes (dont la salarisation a été la plus importante transformation sociale invisible de la société depuis les années 1970 puisqu’elles dépassent maintenant en nombre les hommes au travail) hors des tutelles traditionnelles des directions syndicales et politiques et qui faisaient entendre, malgré l’émiettement de leurs structures de travail et de leurs luttes, une toute autre voix que celle du langage entendu des directions syndicales, la voix de ceux d’en bas, sans filtres ni censure, celle du cri du cœur, de la révolte générale et de la nécessité du tous ensemble beaucoup plus en phase avec le monde qui se faisait et les attaques générales du pouvoir et du grand patronat.
A partir de 2016, des luttes sociales d’ampleur se sont déclenchées chaque année et n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui en en faisant un mouvement quasi continu de 2016 à 2021 soit six ans. En six ans, beaucoup de choses ont changé.
Déjà 2016 avec Nuit Debout donnait des indices sur les aspirations à une autre manière de lutter plus démocratique et hors des structures traditionnelles.
2017, avec le Front Social, indiquait les grandes lignes de ce qui était en train de mûrir plus largement à la base des structures traditionnelles et en autour d’elles en matière d’esprit subversif et unifiant.
Mais c’est à dater de début 2018, que ce que ces deux années avaient indiqué et préparé, a pris des dimension si larges qu’il était clair que quelque chose avait changé dans les esprits. Cette année-là, le second mouvement de luttes populaires, celui des non organisés dans des petites structures de travail que ce soit dans les métiers féminins du lien social (santé, médico-social, travail social...), dans les toutes petites entreprises ou dans le commerce, qui était jusque là souterrain a pris une expression publique visible bousculant tout, les habitudes et les partis traditionnels, les directions syndicales, les élections et les institutions et leurs valeurs rendant visible l’état d’esprit qui s’était construit peu à peu. Ce qui n’était jusque là que dans les esprits de quelques-uns s’est étendu à beaucoup : le privé n’est pas mieux que le public et est même pire, la réussite des riches est basée sur le vol, les médias mentent et font de la propagande pour l’ordre des puissants, la police n’est pas « nationale » mais est à leur service, la justice est une justice de classe, le système d’élections dites représentatives ne change rien sur le fond mais est conçu pour que ce soit toujours les représentants des riches qui l’emportent, c’est tous ensemble par la lutte qu’on a une chance d’arrêter la destruction des acquis sociaux et démocratiques engagée par les capitalistes et leurs serviteurs politiques.
Ça a été cette année 2018 d’une part le mouvement « Colère » qui a commencé le 27 janvier contre les hausses de prix, des taxes sur l’essence, de la CSG, la limitation de la vitesse à 80 Km/H sur les routes, avec un mot d’ordre commun immédiatement politique « Macron démission » et une méthode commune de lutte, l’occupation des rond-points, qui entraînera jusqu’à 250 000 personnes dans une manifestation, avant qu’il ne prenne l’habit du Gilet Jaune et une extension plus grande en novembre 2018. Et puis, d’autre part, et quasi conjointement, ça a été le 30 janvier 2018, le mouvement historique des Ehpad avec 2 000 Ehpad en grève, ce qui mettra le feu aux poudres, rendant visibles les nombreuses luttes hospitalières qui existaient déjà, en entraînant l’opinion publique sur le terrain sensible de la maltraitance des seniors et de la défense de la santé, la faisant passer avant l’économie, avec un mouvement #balancetonehpad puis #balancetonhosto sur les conditions de travail et de vie dans les maisons de retraites et autres établissements de santé. Ce mouvement conjoint à celui de « Colère » a entraîné en cascade d’abord les retraités puis mis en mouvement les directions syndicales nationales. Celles-ci ont d’une part qualifié le mouvement « Colère » de fasciste pour empêcher le premier mouvement de faire jonction avec le second et de faire obstacle ainsi à l’union du caractère subversif du premier mouvement avec l’expérience et le poids du second hérité du passé des luttes, ce qu’elles ont réussi. Les directions syndicales ont d’autre part tenté d’organiser une journée nationale d’action de la fonction publique pour reprendre les choses en main – ce qui a échoué –. Cette journée d’action a au contraire étendu l’incendie à de nombreuses professions avec la grève de trois mois des cheminots, celle d’un mois des électriciens et gaziers, celle des étudiants, celle de la « fête à Macron » pour le faire démissionner et celle des « marées » des manifestations organisées par la gauche . Cependant, en repoussant « Colère » dans un combat parallèle, alors qu’il cherchait pourtant l’union, cela a engendré, une fois l’échec des cheminots et électriciens consommé, à l’explosion subversive des Gilets Jaunes tentant de prendre l’Élysée. Les qualifiant encore une fois de fascistes à la suite de Macron, appelant même à leur répression, les directions syndicales réussissaient à partir de là à créer un fossé encore plus marqué entre le mouvement ouvrier traditionnel organisé derrière les directions syndicales et le second mouvement ouvrier des inorganisés bien plus remuant et subversif, mais sans la réelle capacité de bloquer l’économie.
Toutefois, marquant l’influence du mouvement des inorganisés sur les organisés, tandis que le mouvement Gilet Jaune s’amenuisait peu à peu en 2019, l’année a été marquée par l’influence du radicalisme et de la volonté unifiante du premier mouvement, celui exprimé par les Gilets Jaunes, sur le mouvement ouvrier traditionnel avec la grève des traminots de la RATP, qui voulaient faire « comme les Gilets Jaunes », entraînant à leur suite les cheminots dans la lutte de fin 2019 jusqu’à début 2020.
Le Covid en 2020 puis début 2021 et sa gestion policière par le gouvernement ont conduit à une suspension du mouvement social malgré un refus de travail généralisé des ouvriers début mars 2020 qui a conduit le Medef et Macron en panique à imposer le premier confinement, mais payé, tout en multipliant les promesses de faire passer la santé avant l’économie, ce qui a provoqué la période des applaudissements du personnel de santé, de leur quasi prise en main des services de santé contre les directions hospitalières ou de l’Ars, de « l’héroïsation » des ouvriers les plus invisibles des premières lignes et des rêves du « jour d’après ». Cela a montré un instant mais largement toute la disponibilité des classes populaires à d’autres relations humaines et à un monde meilleur, montrant que le « communisme » est déjà là, dans les cœurs et les espoirs de chacun, contre toutes les valeurs de l’ordre bourgeois égoïste.
Il fallait pour les possédant absolument effacer ce moment, ce qui mûri depuis plusieurs années au fur et à mesure que de plus en plus de gens prennent conscience de l’impasse dans lequel nous enfonce l’ordre capitaliste. Ils l’ont effacé par une politique prétendument sanitaire mais essentiellement policière et autoritaire car ils y voyaient les germes d’un espoir dangereux pour eux débordant leur propre monde et ses valeurs. Ils l’ont effacé en même temps par des moqueries incessantes et un mépris constant, comme ils tentent en permanence de démolir toute confiance des exploités et opprimés en eux, en exprimant à longueur de journée qu’ils sont incapables de s’émanciper, incapables de solidarité, qu’ils ne luttent pas et que quand ils luttent, ils perdent toujours, brefs qu’ils ont l’âme de moutons égoïste et soumis.
ET MAINTENANT
Beaucoup parmi les opprimés reprennent cette propagande, y compris ceux qui luttent, mais ce n’est qu’en surface. En fait l’aspiration à un autre monde, à d’autres rapports humains plus respectueux des autres et de la nature, devient de plus en plus sous-jacente à tous les conflits et cherche tout le temps à se faire entendre.
Cette aspiration couplée d’une prise de conscience des enjeux globaux a pris une nouvelle accélération dans les événements de l’hiver 2021, sourdement mais comme une nécessité incontournable et qui pourrait bien trouver à nouveau une expression publique et consciente dans la période à venir en ce début 2022 au travers de la jonction des deux mouvements ouvriers, organisés et non organisés, jonction qui est la clef de la situation politique.
Aussi, en prévision de la fin de l’épidémie et d’une relance économique, avec le risque d’une explosion sociale considérable et du surgissement de cette jonction, le 12 juillet 2021, Macron a choisi délibérément de recreuser le fossé entre les deux mouvements ouvriers, organisés et inorganisés, en lançant une nouvelle offensive anti-populaire qui a pris comme cible les non vaccinés, alors que la dangerosité de l’épidémie s’atténuait, c’est-à-dire ciblant les plus pauvres et parmi eux les plus combatifs et subversifs, les Gilets Jaunes.
Dans son offensive contre le mouvement opposé à l’obligation vaccinale et au pass sanitaire né à la mi juillet, Macron amplifie avec ses médias l’alarmisme pour justifier les mesures autoritaires et discriminatoires avec l’objectif d’entraîner derrière lui les directions syndicales et une grande partie de la gauche jusqu’à certains à l’extrême gauche, en qualifiant une fois de plus le mouvement anti-pass sanitaire et obligation vaccinale de fasciste.
Si la tactique de division de Macron a marché concernant la majorité de la gauche syndicale et politique, elle a par contre échoué en réveillant le mouvement des Gilets Jaunes à l’occasion d’une brutale hausse des prix et en l’unifiant en partie avec le mouvement anti-pass sanitaire. Or ces deux mouvements continuant de concert toujours aujourd’hui, donnent dans la situation actuelle, un fond de contestation politique général au mouvement économique pour des augmentations de salaires qui avait commencé en mai 2021 mais qui a pris une soudaine extension et accélération à l’automne et à l’hiver.
Le lien entre le mouvement anti-pass et l’amplification politique qu’il a donné au combat économique des ouvriers a pris une expression claire en Italie où des grèves, notamment des dockers, et deux journées de grève générale en octobre et décembre, ont associé les deux combats. Il l’est aussi aux USA où les grèves mêlant les deux questions sont nombreuses. Mais son expression la plus aboutie est aux Antilles où le mouvement anti-pass a généré à partir du 15 novembre une grève générale touchant à toutes les question sociales ou environnementales, réveillant toutes les colères, une grève générale qui en est à son 49e jour en Guadeloupe à la date où j’écris, déjà au delà du record de la grève générale de 44 jours de 2009, et 42e jour en Martinique, ce qui n’est pas prêt de finir, tandis que la Polynésie faisait également quelques jours de grève générale et que Wallis et Futuna complétait le mouvement. La convergence s’est réalisée aux Antilles. C’est pour ça que les directions syndicales dans l’Hexagone n’ont organisé aucune journée de soutien à leur lutte générale ayant bien trop peur que ça ne renforce le camp des partisans de l’unification des luttes et la grève générale.
Durant la trêve des fêtes de fin d’année il ne se passe rien d’habitude, il n’y a pas de luttes, et elles ne recommencent pas ensuite avant le 15 janvier.
Or là, comme déjà un peu en 2018 et 2019, mais encore plus cette année, il y a eu durant cette période des centaines de supermarchés et hypermarchés en grève, des grèves d’éboueurs, de cheminots, de chauffeurs de bus, de salariés sans papiers, de sages-femmes et infirmiers anesthésistes, d’agents territoriaux, de livreurs de repas à domicile, d’ouvriers licenciés, d’étudiants sans facs... avec des réveillons de grévistes dans les usines ou sur les parkings des entreprises, tandis que les guadeloupéens en grève générale occupaient le conseil régional pour fêter Noël, sans doute histoire de dire que les salariés ne respectent plus ni les trêves des bourgeois, ni leurs règles de luttes, ni leurs institutions de dialogue social, qu’ils préfèrent leur humanité en lutte et, au fond, l’humanité qu’ils ont en objectif.
Dans l’Hexagone, l’imprégnation des luttes pour les salaires, par l’ambiance Gilets Jaunes et anti-pass, en mêlant les revendications économiques de la classe ouvrière aux objectifs politiques générés par la gestion capitaliste et policière de la crise sanitaire, s’est vue d’abord à la peur des grands patrons et du gouvernement. Ils craignaient que les très nombreuses luttes économiques sur les salaires, de l’automne-hiver, des centaines et des centaines mais jusque là dispersées, prennent le caractère dans ce contexte d’un mouvement général à caractère politique et subversif. Leur peur a fait que bien des patrons et autorités ont cédé de manière inédite et parfois très rapidement aux salariés en lutte : 75% d’augmentation des salaires aux agents territoriaux de Wallis et Futuna, 500 euros d’augmentation mensuelle pour une partie des sages-femmes, des augmentations de salaires aux ouvriers de plusieurs dizaines d’entreprises en lutte rien qu’en ce mois de décembre, allant parfois jusqu’à 100 à 300 euros d’augmentation par mois. Il n’y a pas d’argent magique, mais tout d’un coup il y en avait.
De plus, si d’habitude, les luttes ne reprennent que vers le 15 janvier, cette année c’est dés le 3 janvier qu’un certain nombre de préavis de grève ont été déposés ; c’est aussi dés le samedi 8 janvier qu’il est appelé à un samedi massif contre le pass vaccinal qui va exclure de toute vie sociale près de 5 millions de citoyens ; c’est encore dés le 11 janvier que les salariés de la santé, du médico-social et du travail social sont appelés à la grève et ainsi de suite jusqu’à la journée syndicale nationale de mobilisation du 27 janvier qui, dans ce contexte explosif, pourrait bien ressembler à la journée syndicale nationale de mobilisation du 13 mai 1968, qui dans un contexte explosif elle aussi, avait été le point de départ involontaire de la généralisation des grèves en mai 68.
En effet, le samedi 8 janvier et les samedi suivants pourraient bien être encore autre chose qu’un ou des samedis de manifestations réussi, mais aussi des préludes à la journée nationale du 27 janvier en s’enchevêtrant durant tout le mois de janvier avec probablement d’encore plus nombreuses luttes, qu’en décembre, pour des hausses de salaires car janvier et février sont les plus importantes périodes des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) ou on renégocie les salaires et où beaucoup ont déjà déposé des préavis de grèves qui ne seront pas que symboliques. Le samedi 8 janvier sera peut-être aussi la première manifestation consciemment voulue à l’échelle européenne contre les lois liberticides, les gestions capitalistes et policières de la pandémie. En effet, jusque là, il y avait de nombreuses manifestations dans la plupart des pays d’Europe, chaque samedi et puis ces derniers temps quelques manifestations communes aux frontières franco-belges ou franco-allemandes. Mais pour le 8 janvier, il y a des appels communs à en faire une journée européenne. Ce ne sont que des prémisses, mais avec le pass vaccinal en France et bien d’autres mesures d’obligation vaccinale en Europe, les gouvernements sont en train de franchir une étape dans l’autoritarisme et peut-être est-cela qui va unifier toutes les colères, dans chaque pays, et encore plus, au niveau du continent. La gestion policière de la pandémie va peut-être créer l’Europe de la révolte, un bel objectif en France au moment où Macron prend la tête de l’Europe pour six mois.
La conjonction en janvier/février 2022 d’une explosion de luttes pour les salaires et d’une intensification de la lutte contre le pass vaccinal pourrait bien faire du 8 janvier le début d’une nouvelle phase de luttes.
Ainsi, le fond de « dérèglement » général de l’organisation traditionnelle des luttes sociales est bien en cours, effaçant les trêves et les frontières, traduisant la tendance toujours recommencée à la jonction des deux grands mouvements actuels de la contestation, pour n’en faire qu’un, ce qui est le chemin vers la grève générale.
Le plus souvent, toute grève démarre comme un engagement individuel de chaque gréviste pour des revendications égoïstes, puis dans le cours du mouvement, on découvre la solidarité, la liberté, la fraternité, une autre humanité possible et cette ambiance elle-même reste alors le meilleur souvenir de tous ceux qui ont participé à une grève, plus que l’obtention ou pas des revendications. Or, aujourd’hui, ce qui se passe c’est qu’au travers des luttes continues depuis 2016 et en particulier 2018, c’est toute la période qui prend le caractère d’une grève unique ; peu à peu se crée dans une partie des classes populaires, le sentiment que c’est la liberté, la fraternité, une autre humanité qui deviennent l’objectif de la lutte et plus seulement telle ou telle revendication, bref émerge peu à peu un « nous » communautaire, solidaire, fraternel avant le « je » du monde bourgeois qui bouscule toutes les divisions instaurées par la bourgeoisie et ses serviteurs pour faire entrave à l’émancipation des exploités et opprimés. Or l’émergence de ce sentiment ou de cette conscience du « nous », c’est la base psychologique de la grève générale qui est toujours politique, qui a toujours l’objectif de changer le monde.
Cette base est là en nous, elle prend de plus en plus de place, s’élargit de plus en plus et les conditions pratiques de son émergence publique et politique sont peut-être juste devant nous, dans les semaines et mois qui viennent.
Jacques Chastaing, 2 janvier 2022
On pourrait aussi ajouter cet élément catalyseur :
L’espoir d’une inflation ponctuelle s’éloigne - Les prix à la consommation ont progressé de 2,8 % en 2021 en France. La hausse est partie pour durer et pénaliser les ménages.
(...) L’expert a fait les calculs : « La hausse des prix des produits alimentaires pour le consommateur devrait atteindre 3,2 %. En comparaison, les prix de l’énergie devraient croître de seulement 1,8 % sur le premier semestre 2022, contre 7,8 % à la même période de 2021. »
(...) Ainsi, après plusieurs années de stagnation, voire de baisse, les forfaits téléphoniques fixes ont augmenté en 2021. En 2022, le mouvement devrait toucher aussi les mobiles.
Les organisations syndicales communiquent sur leur journée d’action, qui pourrait bien totalement leur échapper :
Pour une « augmentation immédiate de tous les salaires » : mobilisation le 27 janvier - Prix de l’énergie, des produits de première nécessité, de l’alimentation ... Tout augmente, sauf les revenus des citoyens, dénoncent des syndicats. Ils appellent à une journée de grève commune le 27 janvier.
Les syndiqués vont-ils résolument déborder les directions syndicales ?
Syndiqués et non-syndiqués vont-ils agir de concert ? Avec d’autres (chômeurs, intérimaires...) ?
Une généralisation de la "gilet jaunisation" ?