Tolérance zéro, sécurité sécurité sécurité - De quoi nous parle-t-on au juste sans cesse ?

Quand les partisans de la répression totale sont les pires caïds défendant un système brutal et mafieux

samedi 8 février 2025, par Chronique du régime policier.

Les délinquants amateurs, aussi brutaux et imprévisibles soient-ils, ne sont encore rien en comparaison de la brutalité quotidienne, profonde, incrustée, insécurisante, destructrice, généralisée, souvent impersonnelle, corruptrice... du modèle de société en place défendue âprement par ceux qui hurlent à longueur de journée à l’insécurité et à la répression.

A présent, les tyrans sont dans la surenchère contre le traffic de drogue, avec l’idée de nouvelles lois liberticides, comme d’hab.

Voici en contrepoint un article clair et bien écrit, essentiel, qui remet les pendules à l’heure du marais sécuritaire, qui démolit tous les discours ambiants sur "la-sécurité", à faire lire aux spectateurs captifs de Cnews, i24 et autres saloperies médiatiques qui réclament H24 plus de flics, de caméras et de prison.
L’article ne nie pas qu’il y a certains problèmes, parfois graves, mais il démonte la manière d’en parler, de les traiter, de les rabâcher, et les intentions de ceux qui en parlent habituellement.

Tollé rance - « Il n’y a pire insécurité que celle du galérien enchainé à son banc quand le bateau coule »

- Tollé rance - « Il n’y a pire insécurité que celle du galérien enchainé à son banc quand le bateau coule »
Pas une semaine ne passe sans qu’un fait divers quelconque ne vienne exciter les charognards qui s’engraissent sur le sentiment de peur. Les chaînes d’info en font leur beurre, les politiciens leur fond de commerce, pendant que sur les réseaux sociaux, toute la mesquinerie et la petitesse humaine s’étalent. Dans cet article, Gédicus, se penche sur cette mauvaise question de l’insécurité pour voir ce qu’elle recouvre et surtout ce qu’elle occulte : « En effet, les pères fouettards, menaçant la "caillera" des foudres d’un appareil répressif renforcé, ont beau essayer de se faire passer pour des Saint-Just combattant le vice en armant la vertu démocrate du glaive nécessaire. Il saute aux yeux que c’est précisément le vice institutionnalisé qu’ils défendent : ce "vice de forme" originel d’une société où la grande majorité des hommes est asservie à une poignée de potentats "gérant" le système social qui garantit leurs privilèges, et leur permet même de violer les lois sans qu’elles crient. »

Elle fait peur, évidemment, cette sauvagerie qui poignarde à la porte du collège un rival de dragouillerie, torture à mort un malheureux copain de beuverie, lynche un petit vieux « pas du quartier », tue une inconnue pour « voir ce que ça fait ». Plus encore que la cruauté du fanatisme terroriste qui sait se parer d’un alibi religieux ou idéologique, aussi « bidon » soit-il, celle-ci n’apparaît que comme la manifestation d’une effarante connerie, qui laisse ahuris ceux et celles sur lesquels elle tombe sans prévenir. On comprend qu’elle répande très largement la trouille.

On voit alors, sans surprise, les scrogneugneu de service au gouvernement brandir le fouet et le flingue en promettant une « tolérance zéro » pour mettre fin à cette insécurité, et dans la foulée étrangler toute la société sous une camisole flicarde sidérante. On voit bien comment elle les arrange cette insécurité dont les tam-tams médiatiques accentuent l’importance en tambourinant à la moindre de ses manifestations et colportant partout la moindre de ses grimaces. On voit bien comment cette menace pousse ceux qu’elle inquiète à juste titre à demander plus de « protection », c’est à dire plus d’interdits et d’obligations, de flics, de vigiles, de murs, de barbelés, de vidéo-surveillance, de militaires le doigt sur la détente, d’état de siège. Ce qui les amène à se placer d’eux mêmes sous la dépendance de cet Etat « protecteur », c’est à dire : sous le joug qui leur pèsera atrocement sur les épaules si jamais ils s’avisaient de trouver que leur ange gardien en profite pour les racketter allègrement, et s’ils se prenaient d’une velléité de ruer dans les brancards.

En réalité, cette « barbarie » est pain béni pour les hobereaux assis sur le trône « républicain » et ses strapontins : tout ce qui augmente l’incapacité des pions de cette société à régler eux mêmes leurs problèmes rend service à ces vautours. Tout ce qui pousse leurs « administrés » à se dresser les uns contre les autres, à s’enfermer dans des ghettos et bunkers les paralysant d’isolement, à se rendre ainsi incapables de s’entendre pour formuler le moindre grief commun, émettre la moindre objection à ce qu’on leur impose, tout cela avantage ces « autorités ». Leurs tonitruantes vitupérations contre la « racaille » contribuent à cette situation : amalgamer en un seul lot incivilités bénignes, petite délinquance, criminalité sordide, et folie meurtrière, faire de cet avatar un épouvantail terrifiant, ça sert à bloquer les « honnêtes gens » dans le rejet absolu de ces pestiférés de la normalité, et sous le contrôle serré de leurs « protecteurs ».

Car il ne faut pas que les cibles potentielles de cette dérive « hors des clous » cherchent à comprendre ce qui la provoque. S’y essayer c’est inévitablement se voir accuser de « laxisme » ou, pire, de bienveillance envers cette sauvagerie, pas loin d’en devenir complice. Suggérer que le fait d’être englués dans la toile d’araignée de conditions de subsistance « précaires » et de vivre à longueur de journées les « embrouilles » d’un univers cauchemardesque pourrait être pour quelque chose dans le fait que certains de ceux qui s’y trouvent piégés pètent les plombs, c’est évidemment se rendre coupable d’ « angélisme » encourageant le crime. Les quelques sociologues impertinents qui s’y sont risqués ont vite été virés du cirque cathodique pour qu’on ne les entende plus couiner contre les dératiseurs. Ne pas se contenter de hurler avec les loups sécuritaires mais chercher à nommer les causes de cette crétinerie barbare qui explose en actes aussi déroutants qu’insensés c’est poser une question dangereuse pour toutes les seigneuries.

En effet, les pères fouettards, menaçant la « caillera » des foudres d’un appareil répressif renforcé, ont beau essayer de se faire passer pour des Saint-Just combattant le vice en armant la vertu démocrate du glaive nécessaire. Il saute aux yeux que c’est précisément le vice institutionnalisé qu’ils défendent : ce « vice de forme » originel d’une société où la grande majorité des hommes est asservie à une poignée de potentats « gérant » le système social qui garantit leurs privilèges, et leur permet même de violer les lois sans qu’elles crient. La violence qu’ils prétendent combattre, ils la connaissent bien. Ils en sont les plus fervents pratiquants, dans une dimension très largement supérieure à celle des gringalets de la voyouterie. A tel point qu’ils sont en réalité le modèle de ces novices.

La leçon magistrale -quoique bien maquillée- tombant des hautes sphères de cette société est qu’on ne « réussit » dans la vie qu’en marchant sur tous les autres, en pratiquant un égoïsme rapace, un vampirisme agressif pouvant aller jusqu’à une cruauté « efficace ». La sauvagerie qui sévit sous le respectable costume du droit, celle à laquelle le « libéralisme » sert d’épée et « l’économie » de bouclier, a pignon sur rue et porte légion « d’honneur ». Elle démontre que, pour parvenir rapidement en haut de l’échelle de la notabilité et de son bling-bling, il est préférable d’être un truand sans scrupules. Elle prouve que si on veut voler il vaut mieux diriger une multinationale qu’arracher un sac à main ; que si l’on veut se goinfrer de pognon en ravageant la planète et empoisonnant ses habitants sans être inquiété il vaut mieux être gros industriel que péquenaud trimant pour l’agro-alimentaire, et que si l’on veut échapper à la « justice » il vaut mieux être chef des magistrats que SDF. Quand ce comportement prédateur tient autant le haut du pavé, il n’est pas étonnant qu’il soit pris pour exemple par des jeunes qui naissent et grandissent dans le local à poubelles de cet Eldorado toxique, cernés de garde-chiourmes racistes et de voisins cartonnant à la 22 long riffle sur les petits frères trop bruyants. Ces parias de l’Olympe marchand qui les nargue et les humilie à chaque instant en déduisent facilement que le crime est le meilleur chemin à suivre pour s’y tailler une place, et s’y lancent comme ils peuvent, souvent bien plus maladroitement que les caïds qu’ils essaient d’imiter.

Cet engrenage est nettement renforcé par le matraquage constant que les précepteurs du peuple lui infligent pour s’assurer de sa docilité : la somme de baratin, de tromperies, de mensonges, d’incitations malsaines, d’excitations des pulsions les plus néfastes, que subissent dès le plus jeune âge les habitants de ce cloaque, et qui accable le plus rudement les moins armés pour y résister, produit l’infirmité des esprits qui contribue à fabriquer les barbares de ce « meilleur des mondes ». Les Frankenstein concoctant dans leurs labos les techniques les plus sophistiquées pour réduire les individus au rôle de rouage de la machinerie marchande sont loin de n’obtenir que les comportements formatés qu’ils souhaitent. Leur chaine de production de l’humain robotisé connaît bien des pannes. Les blessures que les manipulations de ces Docteurs Mabuse infligent aux nerfs autant qu’aux cerveaux provoquent des « dérapages » alimentant une folie qui se répand à toute occasion, et aboutit de plus en plus souvent à des agressions aussi féroces qu’aberrantes.

La posture martiale intransigeante de nos vigoureux défenseurs de la république en képi a plus de chance d’exciter ces délires plutôt que de les calmer. On le sait, car bien des récits en témoignent, la punition par le bagne amène rarement le « redressement » quelle prétend produire, elle a au contraire plutôt tendance à endurcir ceux qu’elle frappe.

Mais il y a une raison occulte à ce choix de l’appli cogneur par ceux qui tiennent le gouvernail du rafiot « civilisé ». C’est que la petite délinquance n’est pas forcément la première étape d’un parcours de fou furieux. Dans la plupart des cas, elle ne suit pas cette évolution et reste limitée à des « incivilités » et des maigres larcins. Mais il y a en elle un ferment de révolte instinctive, un refus viscéral de se plier à l’ordre qui est toujours aboyé de la même manière : Rampez ! C’est cela surtout que vise la schlague institutionnelle : il s’agit que cette rébellion instinctive ne sorte pas de l’ornière où elle patauge ; qu’elle ne risque pas de préciser ses griefs, de mieux définir ce qu’elle rejette et ce qu’elle veut, de mieux identifier ses ennemis et, évoluant ainsi, de cesser de s’en prendre à ses semblables, commencer à mieux choisir ses « cibles » et trouver une entente avec ceux qui, auparavant, s’en défiaient. Voilà pourquoi la répression a plus la faveur de nos grands argousins que la prévention chère aux adeptes d’une zombification douce.

C’est donc se tromper de grief que de reprocher à ces gardiens de la soumission d’avoir choisi de jouer les gros bras et, conséquemment, de mettre des bâtons dans les roues des Pénelopes caritatives qui voudraient encore s’appliquer à ravauder le « tissu social » devenu guenille. Il est évident que les capi du capitalisme ne vont pas s’attaquer aux causes de cette barbarie dont ils sont les plus intenses producteurs. Ils préfèrent laisser s’ébattre un délire qu’ils pensent avoir les moyens de « confiner » plutôt qu’aider à retirer les échardes des têtes détraquées et contribuer au rétablissement d’une lucidité dont ils ont tout à craindre.

Bien sûr, par ce choix, ils condamnent tout un chacun à l’éventualité de tomber sous les coups d’un de ces foldingues, au hasard des rues. Mais ce n’est guère leur souci car ils se sentent, eux, plutôt à l’abri de ce risque. Ils ont des gardes du corps, des voitures blindées et des palaces bunkerisés, et se mèlent rarement à la « populace » sans portes-flingues en couverture. Ils se croient donc intouchables, oubliant que dans l’Histoire les barbares ne se sont pas toujours arrêtés aux portes des chaumières mais sont allés jusqu’à brûler quelques palais et même, récemment, faire tomber les braquemarts arrogants d’un Centre du commerce mondial. (World trade center).

Cette société n’a eu à sentir, pour l’instant, que quelques chiquenaudes de ses Attila. La barbarie croissante qui maltraite sa « normalité » menace néanmoins de la faire bien plus souffrir. Elle peut aller jusqu’à ruiner tout le savoir-vivre que les meilleurs des humains ont sû raffiner au fil des siècles, malgré la férule des despotismes, tout autant que démolir les merveilles qu’ils ont su construire, comme elle tue froidement ceux qui se trouvent sur son chemin les jours de mauvaise humeur. Cette barbarie n’est pas un accident de l’organisation sociale qui domine aujourd’hui le monde au nom d’une « civilisation » dont elle bafoue rudement la meilleure part. Elle en est le pur produit. Elle est le résultat du cynisme du pognon roi et de la rapacité prédatrice de ses adeptes. Elle est le résultat du mensonge érigé en vérité et de l’hypocrisie déguisée en éthique. Elle est le résultat de la perversion de tous les élans humains. Elle est le résultat de la guerre permanente que les serviteurs du despotisme capitaliste mènent pour maintenir les individus asservis à sa machinerie insensée. La petite sauvagerie délinquante, aussi déplaisante soit elle quand elle nous agresse connement, n’est qu’un moment infime de celle qui sévit plus méchamment à une tout autre dimension et sur un rythme trépidant, par l’oppression des peuples, les esclavages en tous genres, les rouleaux compresseurs industriels et leurs sorties de route : les Seveso, Bhopal, AZF, Rana Plaza, Beyrouth, Tchernobyl, Fukushima, Les marées noires, les pandémies, les guerres.

L’humanité ne sortira pas de ce piège par les moyens qui l’y ont plongée. Si elle veut échapper à la barbarie multiforme qui l’assaille, elle doit s’en prendre à ses causes : transformer de fond en comble le « système » social aliénant qui écrase le monde ; reconstruire la communauté humaine en ravivant ses meilleures tendances : solidarité, fraternité, générosité, franchise, probité. C’est plus difficile que donner une pièce aux Médecins sans frontière et aux Restos du coeur. Plus difficile aussi que compter sur un Super Dupont pour « nettoyer » le bourbier. Mais c’est la seule façon dont l’humanité pourra renverser la vapeur de la locomotive folle qui la mène vers le gouffre. Plus clairement que jamais dans l’Histoire, le seul choix qui s’impose à l’humanité est : La révolution ou la mort !

Que ceux qui trouvent cette affirmation délirante, s’empressent de graisser leurs cadenas, vérifier leurs systèmes d’alarme, blinder leurs portes et fenêtres, sortir le pistolet du tiroir, et surtout préparer mouchoirs et pansements. Ils en auront bien besoin.

Il n’y a pire insécurité que celle du galérien enchainé à son banc quand le bateau coule.

Gédicus
31 janvier 2025.


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