De semaine en semaine, la seconde vague de verrouillage, annoncée à demi-mots dès cet été, a progressé par étapes jusqu’au reconfinement, et l’on nous prépare déjà à une troisième. De jour en jour, d’heure en heure, l’Etat, les autorités sanitaires et les médias entretiennent la terreur, répétant comme une litanie leurs chiffres hypnotiques, sidérant les esprits par un bombardement d’informations partielles, d’annonces choc et de consignes paradoxales.
Cette propagande massive et la peur qu’elle sème dans les rues nous empêchent de penser. La panique emprisonne l’attention sur une vision rétrécie du danger, ne permettant pas de recul, tétanisant le raisonnement. Il est admis de critiquer la « gestion de la crise », de râler contre l’incompétence des responsables, de dénoncer des erreurs et des injustices, de réclamer à l’État et à l’industrie de meilleurs services de santé, mais pas de critiquer la terreur elle-même, pas de remettre en cause la gravité de l’épidémie. De nombreux médecins et scientifiques contestent les chiffres et discours alarmistes, mais les médias ne relaient pas leur parole, si ce n’est pour la condamner. Remettre en cause la version officielle des faits, c’est tomber dans le « complotisme ». A la peur de tomber malade s’ajoute la peur d’être infecté par des pensées hérétiques, non certifiées par les experts.
Certes, nous n’en serions pas là, à ce point de paralysie de l’esprit critique, sans ces vingt ans de bourrage de crâne assimilant à du « complotisme » toute résistance aux mensonges du pouvoir, vingt ans de désinformation croisée entre les grands médias qui défendent leur ancien monopole discrédité sur l’information manipulable et le brouhaha d’Internet où la simple bêtise et la paranoïa se mêlent aux multiples propagandes ennemies. Le sentiment d’être noyé d’infos invérifiables et la peur du fake sont déterminants dans la passivité face à l’incroyable absurdité de ce spectacle sanitaire.
Car si au printemps l’épidémie nouvelle et mal connue pouvait sembler justifier des réactions maladroites et disproportionnées, la prétendue seconde vague de cet automne ne le permet pas. La maladie est mieux connue et il n’est plus possible de ne pas douter des discours alarmistes à son sujet. Il est devenu trop évident que depuis cet été les chiffres produits par le dépistage massif sont utilisés de manière insensée pour répandre la peur et justifier des choix politiques. Il faut toute l’agressivité de la propagande pour tétaniser cette évidence. Et cette propagande aurait rapidement perdu en crédibilité si elle n’avait su exploiter la recrudescence saisonnière normale des morbidités.
Depuis cet été, des centaines de médecins et de scientifiques en France prennent la parole pour contester cette politique de la peur, expliquer en quoi les chiffres sont manipulés et donner les informations manquantes pour les comprendre. [1] Ils affirment que la gravité de cette épidémie est phénoménalement surestimée, ils rappellent qu’elle n’est réellement dangereuse que pour un nombre très limité de personnes fragiles (principalement les personnes de plus de 80 ans ou atteints de co-morbidités), et que s’il faut bien sûr protéger ces personnes, cela ne justifie pas les mesures sanitaires d’exception sur l’ensemble de la population, qui produisent des dégâts de santé et des effets sociaux autrement plus destructeurs : provoquent bien d’autres décès et morbidités, créent une crise économique, dévastent la vie sociale, suppriment la démocratie. Il n’est sans doute pas utile de contester que masques, gestes barrières et distanciation peuvent empêcher un certain nombre de décès, mais ce sera un nombre relativement faible en regard duquel les sacrifices exigés de la société sont totalement disproportionnés. Même le décompte officiel des décès Covid, avec tous les biais qui le grossissent, ne permet pas de mettre en évidence une surmortalité réellement catastrophique par rapport aux autres années, et ne peut pas justifier les dégâts incommensurablement plus élevés des politiques de verrouillage.
Bien sûr, cette disproportion, cet emballement insensé de la réaction sanitaire doit beaucoup aux contradictions de notre système de santé industriel, pris entre son rôle moral, l’abstraction scientifique et la logique gestionnaire, un système qui à la fois subit une politique de réduction des coûts et se voit demander de réduire le nombre de morts « quoi qu’il en coûte ». Il faut nous interroger sur le sens d’une santé réduite à l’objectif de prolonger statistiquement la survie, ainsi que sur le rapport de dépendance qui structure la médecine : on considère la santé avant tout comme le produit d’une activité technique, un service qui doit être fourni au public et dont l’État est le garant. La peur de ne pas assumer cette responsabilité peut expliquer en partie les réactions paniques et démesurées des autorités médicales et de l’État. Et l’obéissance à leurs décisions insensées se présente à tous les échelons comme une affaire de responsabilité juridique, une affaire de « protocole » : il faut s’en laver les mains. « Prendre soin » devient une formalité au nom de laquelle on peut aller jusqu’à maltraiter son prochain. Aux derniers échelons de cette déresponsabilisation en chaîne, les malades, les personnes âgées dépendantes et les enfants encaissent massivement les mauvais traitements.
Mais même si de tels paradoxes ont beaucoup contribué à l’emballement, cet automne il est devenu impossible de ne pas s’interroger sur ce qu’il y a de volontaire dans cet emballement, ce qu’il y a d’intéressement, de manipulation et de falsification dans le discours sanitaire. La psychose générale qui emporte les bienveillances dans une direction absurde ne s’est pas développée toute seule : bien qu’elle soit favorisée par les faiblesses de notre culture, elle est avant tout produite et entretenue par une propagande acharnée. L’instrumentalisation politique et économique de l’épidémie est bien plus significative que les contraintes juridiques, la panique sincère et l’incompétence des gestionnaires. C’est tellement grave, tellement énorme, que beaucoup d’entre nous refusent de le reconnaître et se replient dans le déni.
A quoi ça rime ?
Quel sens aurait une telle politique ? Pour certains, enclins à une conception policière de l’histoire qui s’arrête à dénoncer un crime et ses coupables, il s’agit d’un « hold-up » commis par une minorité corrompue contre une société innocente. Mais il ne suffit pas d’identifier quelques criminels au pouvoir, il faut reconnaître que cette crise favorise et accélère certaines tendances historiques de nos sociétés.
La terreur n’est pas nouvelle, c’est une tactique politique à laquelle même nos démocraties libérales font régulièrement appel, et de plus en plus depuis les années 80, en se servant principalement des actes « terroristes », mais aussi de temps en temps avec des menaces sanitaires. La terreur, c’est :
piéger les esprits dans une guerre spectaculaire dont le scénario, toujours le même, est : « nous sommes en guerre » contre un ennemi absolu (omniprésent, invisible, increvable, qui peut frapper partout, qui se cache au milieu de nous), nous devons tous nous unir contre lui ; se servir de cette menace pour détourner l’attention des véritables problèmes sociaux en exigeant une unanimité factice occultant les rapports de domination et d’exploitation ;
instaurer un état d’urgence qui permet de suspendre les procédures démocratiques ordinaires (aussi insuffisantes soient-elles) pour un certain nombre de décisions politiques autoritaires et coercitives, inacceptables en tant normal ;
faire régner la peur et la panique, une situation émotionnelle qui submerge les citoyens, les empêche de réflechir, de prendre du recul, les contraint à adhérer, à se conformer, à demander la protection du pouvoir.
L’épidémie est utilisée comme une menace terrorisante pour gouverner de manière autoritaire, faire taire les réels conflits sociaux, suspendre la contestation, développer les moyens de surveillance et de coercition. Le contenu des mesures sanitaires est clair : réduire au minimum l’activité sociale, interdire les rencontres et rassemblements, supprimer la vie publique, séparer et isoler les individus, les enfermer chez eux devant des écrans, leur faire craindre le contact avec autrui, les culpabiliser. Au nom de l’union nationale contre un danger biologique, régner par la division, briser les solidarités, répandre le soupçon, la délation, les conflits mesquins au sujet de l’obéissance aux ordres et de l’orthodoxie de la pensée, le conformisme violent et la haine des bouc-émissaires.
Si cet incroyable verrouillage a été possible, c’est parce que les citoyens sont tous équipés, à leur domicile et dans leur poche, d’outils de télécommunication qui permettent de vivre enfermé, isolé mais connecté. Sans sortir de notre bulle, nous pouvons discuter, regarder, consommer, commercer, télétravailler, bénéficier d’une flatteuse sensation de présence au monde et de participation à la communauté. La vraie vie sociale se vit dans l’espace public, l’espace du contact, des rencontres directes, libres et non-programmées, le monde réel dont nous nous nourrissons, que nous pouvons nous approprier et où nous pouvons être forts ensemble. Sans cela, nos ordinateurs ne nous fournissent qu’un substitut de vie sociale, une société captive, où nos activités sont cadrées, mises en boîte, analysées, traçées, administrables et exploitables à volonté. Au nom de l’épidémie, on s’empresse d’installer dans tous les aspects de la vie la médiation des écrans, de l’industrie des télécommunications et de l’informatique, tant pour le profit des marchands que pour le pouvoir que cette industrie crée sur nos vies, les immenses possibilités de surveillance, de gestion, de domination. Une évolution totalitaire dont l’actuel déploiement de la 5G est une étape décisive. Ce qu’il y a de « totalitaire » là-dedans ne se reconnaît pas tant au bruit des bottes des militaires qu’au bruit des pantoufles et des clics des citoyens assignés à résidence. Leur dépossession est rendue acceptable par le fun infantilisant des services en ligne, le confort captivant de cette vie sans contact et sans effort, délivrée du monde, abreuvée de sons et d’images.
Les industries des télécoms et du numérique font partie, avec les industries pharmaceutiques et biotechnologiques, des grands gagnants de cette politique catastrophiste et de la crise économique qu’elle organise. [2] Ce qui est fait au nom de l’épidémie – le sabordage des économies nationales annonçant de gigantesques réformes capitalistes – ressemble à une brutale opération de restructuration économique, comme celles que les instances néo-libérales internationales ont imposées à des pays en faillite depuis les années 80. Certaines le revendiquent dans leur langage, comme le FMI ou le Forum Economique Mondial qui appellent à « saisir cette fenêtre d’opportunité » pour accélérer la transformation du monde à laquelle elles travaillent. Le capitalisme connaît régulièrement des crises, ceux qui en ont une vision stratégique tentent d’en tirer parti, comme ceux qui n’y cherchent qu’un profit à court-terme. Il ne s’agit pas d’un complot mystérieux, ce sont là des tendances structurelles du capitalisme, dans lesquelles convergent une multitude d’intérêts concurrents et discordants.
Le capitalisme est devenu catastrophiste : les désastres économiques et biologiques qu’il provoque, au lieu de le freiner, sont pris comme autant de nouvelles raisons de continuer dans la même direction, spéculer et produire de manière insensée, progresser dans l’exploitation et la dépossession. Les Etats se présentent comme les seuls à même d’administrer la catastrophe par des politiques autoritaires développant la financiarisation, la surveillance, le contrôle, la contrainte, les industries vendent les solutions technologiques aggravant la dépendance et l’irresponsabilité, et cela permet à tous de se dire écolos. [3] Les catastrophes fournissent de nouvelles raisons d’être à un système social dont la nullité et la toxicité se font toujours plus sentir. Ce système n’arrive pas à se légitimer seulement par ses promesses défaillantes de liberté, de bonheur et de prospérité, il se justifie aussi par la peur, il a un profond besoin de dangers, d’ennemis et de catastrophes dont nous menacer et nous protéger : la guerre, le terrorisme, le fascisme, les famines, les maladies, le réchauffement climatique... La terreur est une fonction essentielle à nos sociétés capitalistes, et son usage politique croît à mesure que s’abime leur valeur.
Dans cette perspective, l’actuelle politique sanitaire nous a malheureusement fait franchir une étape déterminante dans le renoncement et la dépossession, elle a créé un rapport de forces sur lequel il sera difficile de revenir. L’instauration de mesures d’urgence antisociales à ce point injustifiées et leur acceptation par la population sont un précédent historique pour les crises à venir. A moins que nous arrêtions de nous laisser faire, il n’y aura pas de retour à la normale. L’État et les médias semblent déterminés à faire durer cette crise aussi longtemps que possible. Puis, au prochain coup de sifflet, pour une nouvelle épidémie, un accident nucléaire ou autre chose, nous serons sommés de renoncer à nouveau à la vie publique, nous confiner, suivre des protocoles absurdes, nous traçer électroniquement, obéir à d’autres mesures terrorisantes et anti-démocratiques, s’ajoutant à celles justifiées par la lutte contre le terrorisme. Etant donné que l’épidémie de Covid-19 n’est en réalité pas significativement plus dangereuse que bien d’autres maladies que nous connaissons déjà, il n’y a pas de raison que les mêmes mesures ne soient pas renouvelées au nom des prochaines grippes ou d’autres épidémies ordinaires.
Ce tournant catastrophiste est peut-être plus grave encore que les énormes dégâts sanitaires, sociaux et économiques de la guerre contre le virus. Nos démocraties basculent du côté totalitaire. Ce qui mérite d’être appelé totalitaire, ce n’est pas tant la « restriction des libertés » et une oppression exercée sur l’individu, c’est plutôt l’atomisation qui nous réduit à être des individus isolés, n’ayant pas d’autre vie sociale que celle passant par le pouvoir et les machines : c’est la suppression de la vie publique, la destruction de la solidarité, du sens de la communauté et du contact avec autrui, le règne de la terreur. C’est aussi la destruction de la vérité et du contact avec la réalité. Voilà bien ce qui nous arrive : un gigantesque délire protocolaire, une schizophrénie prescrite, une sorte d’exercice de docilité mentale. Nous devons croire à une peste imaginaire, chacun est sommé de jouer le jeu de cette mascarade, participer au spectacle de la terreur et montrer qu’il renonce au sens commun. Voilà la signification des mesures sanitaires hypocrites, accompagnées de la condamnation de toute critique dans une ambiance de lynchage et de lâcheté intellectuelle. [4] L’obligation du port du masque est le symbole de ce muselage, et c’est pourquoi tant de gens la trouvent révoltante, même sans oser le dire : ils sentent qu’il s’agit d’une offensive contre la dignité et la vérité, contre la décence commune.
Imposer masques et protocoles absurdes à la jeunesse et à l’enfance, c’est non seulement les maltraiter en exacerbant la violence disciplinaire et en leur imposant des conditions psychopathologiques de développement, mais c’est aussi leur apprendre à vivre dans la terreur, le mensonge organisé, l’hypocrisie obligatoire, la soumission à la « post-vérité » édictée par les autorités.
Cette offensive totalitaire porte aussi atteinte à notre immunité : notre capacité d’auto-défense, plus largement notre capacité d’entretenir une relation avec le monde tout en restant soi-même, distingant ce qui nous est propre et ce qui nous est impropre, capacité qui est non seulement physiologique mais aussi émotionnelle et mentale, et à laquelle participent nos capacités de jugement, notre esprit critique et notre libre contact avec autrui.
Nous sommes aujourd’hui divisés, par la distanciation mais aussi par la peur et la confusion produites par la propagande et les désinformations croisées. Il nous faut nous rassembler à nouveau, cesser de nous laisser intimider, oser parler et penser ensemble la situation. Remettons les pieds sur terre et dans l’espace public. Face à ce qu’il y a de totalitaire dans la présente crise, réaffirmons la solidarité, réaffirmons le sens commun qui permet la dignité et la vérité.
Défendons notre droit à la rencontre et au rassemblement, sans lequel aucun droit politique n’est possible, et sans lequel aucun rapport de force, pour quelque lutte que ce soit, ne peut jamais se constituer.
Opposons la désobéissance civile à la politique de la terreur et à sa mascarade de science. Ne laissons plus les pouvoirs publics et les intérêts privés gouverner tyranniquement au nom d’une urgence sanitaire falsifiée. Ne les laissons plus usurper l’autorité scientifique pour rendre indiscutables leurs décisions politiques intéressées. Cette crise va continuer à être exploitée pour mener de grandes réformes néo-libérales et anti-démocratiques, refusons qu’elles nous soient imposées au nom de l’épidémie et d’un chantage à la survie. Contre l’expertise technique et les impératifs de gestion de l’industrie médicale, réclamons notre droit de décider ce qu’est une vie bonne.
Ne laissons pas s’installer ce monde sans contact. Refusons les technologies qui le construisent, notamment le réseau 5G et les mouchards électroniques de toutes sortes. Ce refus implique une réflexion critique sur nos usages numériques : le séduisant smartphone qui a envahi nos vies est actuellement l’outil-clé de ce projet de société totalitaire nous enfermant dans nos bulles connectées.
Défendons, cultivons la présence. Refusons le « distanciel » et la mise en place des télécommunications dans toutes les activités : commerce en ligne, télétravail, téléenseignement, télémédecine, numérisation des services publics, fermeture des universités, etc. Refusons le port du masque obligatoire en milieu scolaire par les enfants et les adultes.
Face au choc économique, développons nos propres solidarités, réapproprions-nous nos besoins et les moyens de les satisfaire.
Un humaniste et ses microbes,
le 10/12/2020.
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