Un permaculteur paysan dans le Cantal lance un cri d’alarme :
Charybde et Scylla sur un bateau....
Jamais vu ça. Les arbres crèvent, les feuilles brûlent, l’arrosage ne sert à rien à part donner un petit sursis à des végétaux qui n’en peuvent plus depuis des semaines. Les cigales nouvellement installées dans le Cantal règnent désormais sur un paysage de savane. L’herbe a disparu depuis fin juin et c’est l’automne depuis début août : frênes, bouleaux, saules, pruneliers, même de vieux hêtres commencent à sécher sur pied. On verra au printemps si ça repart...
Presque rien au mois de juin, rien du tout au mois de juillet et on s’approche de mi-aout sans une goutte non plus. Cumulé à des températures brûlantes, le sol n’est que poussière depuis des lunes. Les sources qui coulaient à l’année s’arrêtent désormais en été, les autres ne coulent plus.
« C’est normal c’est l’été » ou « c’est une année chaude, y en a toujours eu ». J’entends d’ici les réponses blasées de ceux-qui-savent.
Il n’y a plus rien de normal. Ça fait 20 ans maintenant que je travaille dehors, j’ai passé tous les étés depuis sous le caniard, donc j’estime avoir un peu de recul.
D’habitude on misait sur l’exception, comme en 2003. Effectivement l’année d’après c’était le retour à la normale, et on était quitte pour relativiser l’évènement.
C’est maintenant tous les ans, ou tous les 2 ans. Tous les 3 ans, quand bien même : l’exception devient la règle, et ça change tout. Nos écosystèmes ne sont pas faits pour encaisser de telles conditions TOUS LES ANS.
La preuve s’il en est de ce dérèglement profond de nos écosystèmes, c’est le Fléau-cadeau, le petit plus de la famine en devenir : Arvicola scherman, le désormais célèbre rat-taupier.
Depuis que je suis installé aux Escuroux, il y en a, de plus en plus tous les ans (sauf les années pluvieuses, dommage). Les dégâts étaient là, mais minimes par rapport à la profusion de légumes, vivaces, arbustes, et arbres en tout genre. J’ai appris à vivre avec, acceptant une dîme qui pourtant devenait de plus en plus salée tous les ans. La courbe augmentait, je pestais en restant humble (et impuissant, ce qui aide) et en acceptant de partager mes surplus.
2020, c’est l’Armaggedon, ils sont absolument partout, crèvent de faim et bouffent TOUT. Après s’être spécialisés dans les tubercules, ils ont rajouté tous les légumes avec une préférence pour les légumes de conservation (les plus importants tant qu’à faire), puis les vivaces, désormais, c’est les arbres fruitiers.
Je ne peux plus rien planter : entre la sècheresse et les rats-taupiers, j’ai perdu un nombre inconcevable de petits arbres, censés assurer l’alimentation du lieu pour les prochaines années.
Même les jeunes arbres installés de 3-4 ans sont désormais des victimes potentielles. Je vois pour la première fois des zones vides se former un peu partout, là où Charybde et Scylla sont passés. Un sympathique stade de steppe aride qui se profile.
Et alors, so what ? On se plaint, on se plaint, rien de neuf.
Si, une chose qui fait absolument toute la différence : Ce sera de pire en pire.
Comment alors anticiper un tel futur, concevoir des systèmes adaptés à de tels changements et si rapides ? Comment imaginer pouvoir nourrir ses enfants convenablement dans les prochaines années ?
L’imagination, le non dogmatisme et l’acceptation.
Nous allons devoir modifier en profondeur à peu près tout : si nous restons campés sur nos habitudes et nos certitudes, nous sommes en grand danger.
Changeons de cadre de référence, d’alimentation, de rapports aux autres et à notre environnement.
Changeons nos techniques culturales, notre alimentation
Changeons notre rapport au temps.
Apprenons à bousculer nos habitudes, à remettre en cause notre confort occidental.
Apprenons la permaculture dès l’école, la résilience n’est plus un « hobby », elle est vitale.
Soyons prêts au changement car le jardin d’Eden promis se barre en courant.
Post de Prise de Terre, 11 août 2020, Cantal
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