Le 11 mai c’est le début de l’assouplissement de notre régime d’assignation à résidence surveillée. Les établissements scolaires devraient réouvrir progressivement pour servir de garderies et de chambres d’endoctrinement étatique renforcées.
En ces temps de pandémie coronavirus, beaucoup de personnes s’alarment avec raison sur les mauvaises conditions sanitaires et sociales d’accueil des élèves.
D’autres mettent en avant l’importance pour certaines familles de pouvoir mettre leurs enfants à l’école (pour économiser sur la nourriture, pour pouvoir aller travailler, pour sortir des appartements exigus).
- Occupation partout des écoles, collèges, lycées et Fac ?
Mais aujourd’hui pas plus qu’hier, peu de monde remet en cause fondamentalement les objectifs et modes de fonctionnement de l’éducation nationale.
Alors qu’on s’interroge davantage qu’avant sur la nocivité structurelle du capitalisme et des institutions politiques non-démocratiques en place, l’éducation nationale passe au travers des gouttes acides de la critique qui pourraient la décaper utilement.
L’éducation nationale est plutôt considérée comme un service public indispensable et globalement bénéfique, presque intouchable, sacré.
A la rigueur, certains aspects et méthodes sont critiqués, mais pas les fondements de cette institution.
Tout le monde met en avant la gratuité de l’école, les bourses, les formations indispensables pour s’insérer dans le marché du travail, l’ouverture, le rôle social notamment pour les classes les plus pauvres.
Mais comment est pilotée l’éducation nationale, à quoi sert-elle au juste, son rôle est-il si bénéfique que ça ?
Le problème de l’éducation nationale est qu’elle est une pièce essentielle du système étatique, et qu’elle s’insert totalement dans la grande Machine de la civilisation capitaliste.
Quelle que soit la bonne volonté des profs ou la qualité des pédagogies, la machine scolaire s’inscrit donc au service de deux machineries néfastes : l’Etat et les gouvernements qui la commande, et le capitalisme qui oriente ses finalités et de plus en plus ses fonctionnements internes (via la privatisation, la pression sur les profs, l’infectation des programmes par les idéologies des lobbys capitalistes).
L’éducation nationale, comme toutes les institutions fortes de la civilisation industrielle, n’est donc pas réformable, ni de l’intérieur ni de l’extérieur.
- Extrait du célèbre film Pink Floyd The Wall
On pourrait se contenter de déplorer l’informatisation au service des multinationales, des profs devant passer plus de temps à remplir des fiches électroniques qu’à préparer de la pédagogie, de s’inquiéter du manque de fonctionnaires ou des classes surchargées, mais on resterait à la surface du problème.
En effet, améliorer les rouages d’une institution qui sert un système néfaste, ou la faire fonctionner avec de meilleurs agents ou de meilleurs programmes/pédagogies ne rend pas la machine acceptable pour autant.
Au delà des beaux discours (et de certaines pratiques réelles dues notamment à l’engagement difficile de certains profs) sur l’éducation pour toustes, sur l’esprit critique, l’ouverture au monde, que fait réellement l’éducation nationale en France ?
Elle sert plusieurs objectifs non avoués franchement :
- Habituer très tôt les jeunes à obéir à des autorités, à réprimer leurs élans, leurs énergies vitales et leurs libertés en restant assis sagement dans des salles confinées, afin qu’ils rentrent dans le moule contraint du cadre étatiste/capitaliste
- Enfoncer les jeunes dans le statut de mineur, aux droits limités, ce qui permet d’avoir des personnes qui restent infantilisées et mineurs même une fois « adultes », ce qui est bien pratique pour que perdurent les dominations étatiques et capitalistes et autres ennemis de l’émancipation et de l’autonomie réelles
- Empêcher les jeunes d’avoir suffisamment de temps libre pour réfléchir, agir par eux-mêmes en flânant, menant leurs propres projets ou en participant à la vie sociale
- Asséner aux jeunes les mythologies de la-démocratie, présenter toujours le système en place comme globalement bénéfique et indépassable, incorporer dans les corps et les esprits les dogmes de la civilisation industrielle - Comme dans les « grands débats » macronistes, l’éducation nationale fait jouer l’esprit critique à l’intérieur d’un cadre très balisé d’où les voix trop dissonantes sont quasiment toujours exclues (vous avez déjà vu un anarchiste patenté invité à faire un exposé critique sur le capitalisme et l’Etat au lycée ou au collège ?)
- Former des armées de semi-esclaves utiles au marché du travail capitaliste au mépris des réelles singularités individuelles, l’épanouissement réel de ces singularités étant incompatible avec le mode de production capitaliste
- Répartir les jeunes dans les différents métiers et filiaires nécessaires au monde capitaliste, où les hiérarchies sociales n’offrent pas des places de cadres et dirigeants pour toustes, et où des quantités de sous-manoeuvres et larbins précaires sont indispensables pour faire tourner les rouages du monde industriel concurrentiel - Contrairement aux débilités manipulatrices de « l’égalité des chances » et du « vivre ensemble », l’éducation nationale forme plutôt à la guerre de tous contre tous et aux inévitables inégalités sociales intrinsèques au monde de l’économie de marché. Lesquelles inégalités sociales de naissance se reproduisent le plus souvent malgré les efforts grippés de l’ascenseur social, ce qui est inévitable car dans une pyramide hiérarchique les places au sommet sont par définition limitées
Résultats, l’éducation nationale forme des atrophiés, des personnes mutilées vouées à remplir les cases de l’abject marché capitaliste de l’emploi, des petits soldats en guerre contre tous les autres pour le job, le logement, le crédit, etc. Jolie programme, vraiment.
Et c’est ce casernement mutilateur et salement orienté que la plupart des gens défendent et encensent ?
On me rétorquera que toute société humaine organisée requiert des contraintes, des lois, des règles sociales. Certes, peut-être, mais ces contraintes pourraient être moins strictes, plus favorables à l’épanouissement des personnes et à leur émancipation, et décidées collectivement par les peuples et les premiers concernés au lieu que ce soit l’Etat, les capitalistes et des experts qui dictent d’en haut des directives unilatérales destinées à faire perdurer les intérêts de l’ordre social mortifère en vigueur.
Heureusement, des personnes arrivent malgré tout à surmonter ce casernement, à vivre malgré cet handicap de départ, et, plus ou moins difficilement, après d’éventuelles nombreuses années difficiles, à se forger un esprit critique et des pratiques libératrices.
Malheureusement, de nombreuses autres personnes resteront bien au chaud dans le moule, et seront le plus souvent ravies et volontaires pour s’y enfoncer. Celleux qui « réussiront » le mieux à s’insérer dans la jungle de cette société et à s’y faire un max de fric étant souvent les plus à plaindre.
Même si le fait de se révolter et de s’émanciper reste un acte de liberté individuelle malgré le poids de l’éducation et de la classe sociale, la responsabilité de l’éducation nationale dans la reproduction mécanique de ce système désastreux de société est grande.
Quelques textes sur ces questions :
- Critiques de l’âgisme et de l’éducation & mineur·e·s en lutte (sélection de textes)
- Les finalités réelles de l’Éducation
Quand on lit un document récent de l’éducation nationale pour le retour à l’école du 11 mai, on comprend que pour l’Etat l’important est de ne pas remettre en cause sa gestion, c’est comme ça qu’il voit l’esprit critique : dénigrer toute critique réelle du système en place en la mélangeant à des propos confusionniste déplaisants.
- Faire grève et occuper les bâtiments au lieu de servir de garderies et de casernes ?!
- Police de la pensée dans les écoles...
De nos jours, les profs adhèrent sans doute davantage qu’avant à l’idéologie dominante et aux directives étatiques, leur soumission augmente ? De ce fait l’emprise de l’éducation nationale sur les jeunes s’aggrave.
Pour preuve, les réactions aux brutalités policières envers des élèves se font beaucoup plus tièdes.
On se rappelle de la répression féroce, avec actes de tortures et humiliations, qui avait répondu aux protestations contre la réforme Blanquer au début des gilets jaunes.
Cet hiver 2019-2020 lors des luttes contre la « réforme » retraites, même chose : répression brutale, présence policière intimidante DANS et devant des établissements scolaires, menaces, injonctions à passer des examens, etc.
Pour l’Etat l’éducation nationale c’est comme les casernes, ça doit marcher au pas, et les flics y sont comme chez eux. Comme à l’armée, les jeunes doivent se tenir sages. D’ailleurs le tyran Macron lance le SNU (Service National Universel) pour approfondir l’endoctrinement et rendre plus visible la parenté école/caserne.
- Arrestation de 151 jeunes de Mantes-la-Jolie, avec torture et humiliations policières
La critique de l’éducation nationale est un gros morceau, je ne fais ici qu’effleurer le sujet. Je ne connais pas assez ce secteur, ce serait long de tout recenser, et je n ’ai pas bien le temps ou l’envie de rentrer dans les détails. Un.e prof repenti.e le ferait mieux.
Je vous laisse poursuivre cette déconstruction.
En tout cas, particulièrement en ces temps de pandémies et de catastrophes sociales/climatiques/écologiques généralisées, il y aurait mieux à faire que reconduire l’endoctrinement de l’éducation nationale.
Des grèves étendues et longues seraient bienvenues.
Elèves, parents et profs pourraient unir leurs efforts pour occuper un maximum d’établissements scolaires et en faire autre chose qu’une caserne au service de cette civilisation inhumaine et écocidaire.
Pour la grève et l’occupation des établissements scolaires : maisons du peuple partout !
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