Sous couvert de pseudo "low-techs", l’agro-industrie s’engage dans une surenchère technologiste.
Plus généralement, le techno-capitalisme s’efforce de récupérer et de rendre inoffensives les low-techs, en édulcorant fortement les critiques de la technologie.
Le système désastreux en place essaie à tout prix de survivre à ses propres coups en pervertissant même les éléments qui pourraient contribuer à une bifurcation radicale et salvatrice.
Comment la mégamachine capitaliste intègre toujours les alternatives à sa logique de marché
Comment la mégamachine capitaliste intègre toujours les alternatives à sa logique de marché
Dans la ville de Nantes, aux rencontres organisées à la fin du mois de juin par l’association APALAhttps://reporterre.net/Comment-la-l..., censée mettre en avant la Low Tech, une discussion publique s’est muée en festival du malaise : Yves Cochet, un ancien ministre de l’Aménagement du territoire (époque Jospin) discutera avec Ferghane Azihari, auteur récent d’un affligeant texte (Les écologistes contre la modernité) obsédé par la croissance économique, aveugle à la raréfaction grandissante de ressources essentielles, qui considère que tout ce qui s’exprime à contre courant de la mondialisation "constitue un profond désintérêt pour le sort de l’humanité ». Certains animateurs de la "fresque des low techs" nous ont transmis cette tribune, qui met le doigt sur les différents processus de dévoiement/détournement des critiques de la technique.
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Il ne s’agit pas tant pour le capitalisme d’intégrer uniquement de nouveaux marchés, mais bien de survivre à sa fin annoncée (pénuries de ressources, prises de conscience écologiques …) – et même pourrait-on dire à se survivre – en se réinventant sur de nouvelles bases désormais plus « vertes », « éthiques » et « responsables ». Et pour les ingénieurs à l’initiative de ces solutions, de sauver le système technicien [1] coûte que coûte. A cette fin, tous les coups sont permis : des esprits, souvent même bien intentionnés, essayent de faire rentrer dans le paradigme de la « durabilité » tout ce que le système sus-cité a pu inventer, même le pire. Il est ainsi postulé de façon indiscutable que chaque industrie spécifique, de même que le macro-système composé par celles-ci, puissent être rendus écologiquement et matériellement durables, faisant enfin advenir la fantasmée « économie circulaire » qui permettrait à notre désastreux système de s’autoperpétuer encore davantage.
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La récupération et le dévoiement des low-techs, se faisant ici de façon franchement grossière, met en danger toute une communauté de pratiques et de philosophie questionnant son rapport à la Technique pour atterrir dans un monde vivable
- Le techno-capitalisme veut récupérer et rendre inoffensives les low-techs
Et aussi :
- Comment la low-tech peut échapper à la récupération capitaliste : Dans « Perspectives Low-Tech. Comment vivre, faire et s’organiser autrement ? » Quentin Mateus et Gauthier Roussilhe s’interrogent : la low tech peut-elle conserver son potentiel émancipateur ou est-elle condamnée à être dévoyée. (...) Deux tendances se dessinent dans le monde de la low-tech depuis quelques années. Pour les décrire à gros traits, il y aurait une low-tech « institutionnelle » d’un côté, et une low-tech « vernaculaire » et « internationaliste » de l’autre. Plus proches de la seconde, les auteurs soulignent les limites de la première : il s’agit d’une vision qui épouse parfois de trop près celle du monde de l’entreprise, et qui oublie en route le côté fondamentalement transgressif de la démarche de technologie sobre
- Ne laissons pas le marché s’emparer des low-tech : Fours solaires, maisons en terre-paille, vélomobiles... Les low-tech plaisent. Ce projet politique radical ne doit pas être récupéré par de grands groupes guidés par la rentabilité, prévient l’auteur de cette tribune. (...) Les low-tech visent la sobriété ; le capitalisme, l’extension des marchés (...) Il n’est pourtant pas possible de sortir du consumérisme et des effets infernaux du capitalisme (sociaux et environnementaux) tout en conservant la même organisation économique : marchandisation, division du travail, rentabilité sur investissement. Cette croyance repose sur l’idée que l’on peut dissocier ce que l’on produit de comment on s’organise pour le produire (ou le réparer). Mais c’est oublier qu’on ne peut impunément séparer la fin et les moyens. (...) dans le capitalisme, la condition nécessaire et suffisante à la création d’un marché est l’existence de clients solvables. Un principe irréconciliable avec un projet de société conviviale et avec les low-tech. L’exemple de l’agriculture biologique illustre parfaitement ce phénomène. Poussant à l’adoption de règles plus souples, les grands groupes de l’agroalimentaire ont développé leur propre offre « bio », qui ne partage aucune problématique sociale et écologique avec l’agriculture bio. À aucun moment ils n’ont eu pour objectif que les populations puissent se nourrir avec une alimentation paysanne et locale. Le bio dans le capitalisme ne signifie pas la généralisation des Amap, mais son contraire : une mise en concurrence exacerbée de l’agriculture paysanne avec l’agro-industrie. (...) S’opposer aux logiques de marchandisation ne signifie pas tout faire « par soi-même », mais s’organiser collectivement, à des échelles rendant possible les principes d’autogestion, pour produire et commercialiser les objets dont on a besoin pour se loger, se déplacer, se nourrir, etc. (...)
- La technique ne sauvera pas le monde : Dans « Le Bonheur était pour demain », l’ingénieur Philippe Bihouix démolit efficacement les illusions d’une réponse technologique à la crise écologique. Quant à l’économie circulaire, c’est un fourre-tout tout aussi vain. La vraie solution est d’aller vers la sobriété.
Analyses plus générales :
- Les technologies modernes sont un problème même si on veut en faire un bon usage - Le capitalisme veut aussi récupérer les « basses » technologies, en en changeant le sens
- José Ardillo, « La technique selon Jacques Ellul »
- Lewis Mumford - Techniques autoritaires et démocratiques
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