L’économie de marché dresse les gens les uns contre les autres et fait du greenwashing pour tenter d’être acceptable :
SELECTION DE l’ETE : COMMENT LA LIVRAISON RAPIDE FAIT DE NOUS DES BOURREAUX CAPRICIEUX
"Souvent sous-traitant « autoentrepreneur » d’une entreprise sous-traitante d’un groupe de transport, il intervient au bout de la longue chaîne de pressions et de menaces d’un circuit de logistique express, très bien décrit dans ce reportage de France inter, “un colis à tout prix”. Amazon en est le précurseur et l’agent le plus zélé, mais ce phénomène d’externalisation de la livraison rapide est désormais pratiqué par la plupart des grands groupes, notamment la Poste. Plus de 90% des livraisons en Ile-de-France sont ainsi réalisées par des entreprises sous-traitantes, qui doivent suivre à la lettre les cadences imposées par leurs donneurs d’ordres, en provoquant des cadences infernales pour leurs salariés. Si votre livreur est auto-entrepreneur, le code du travail n’est pour lui qu’un souvenir, lointain vestige d’une époque « archaïque », puisqu’il est « son propre patron », c’est-à-dire, traduit en langage réel, « son propre bourreau ».
Et nous, qui sommes-nous, pour lui ? Le temps d’échange réduit laissera-t-il suffisamment d’indices au consommateur pour réaliser qu’entre la satisfaction de recevoir une paire de pompes en 48h et la gêne d’avoir fait trimer comme un chien son semblable, il y a peut-être un souci de priorité ? Pas forcément. Alors que son compagnon est lui-même livreur, Katia* n’a guère de patience quand il s’agit de supporter la déception d’un colis non livré, payé un peu moins cher sur le net, ou celle d’un passage raté, alors qu’elle était à la maison…
« Au moins, ça fait du boulot ! », me dit-on parfois. Quel l’argument imparable. En 2021, alors que les plans de licenciements s’enchaînent dans tout le pays, ça fait presque chaud au cœur de voir quelqu’un trimer. Sans notre envie soudaine de cuit vapeur livré en 24h, combien d’ouvriers sur le carreau ? Cet argument, il ne faut pas le tourner trop longtemps dans sa tête car sinon, on se mettrait à considérer que l’esclavage ou la catastrophe de Tchernobyl ont aussi créé beaucoup d’emploi. Pour la classe dominante, un bon pauvre est un pauvre qui travaille à leur service, et qu’importe comment ou pourquoi. Et elle est parvenue à diffuser dans toute la population cette croyance en une « valeur travail » qui ne fait que dévaloriser celui-ci."
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Quand on est cadre sup’ en France, on s’inquiète de plus en plus de son empreinte carbone et de moins en moins de son empreinte connard : exploiter son prochain et voter pour des experts en précarisation du travail, c’est ok. Tuer les bébés phoques, ça, par contre, c’est non. Et qu’importe si l’un induit nécessairement l’autre, dans ce qu’ils appellent “le monde tel qu’il est” et qui correspond, en réalité, au mode de production capitaliste. Mais son mode individuel de consommation devient une nouvelle modalité de distinction sociale dans notre beau pays : le bourgeois de centre-ville trouvera du bio, du local, du « une fringue achetée – un arbre plantée » et pourra ainsi payer pour laver sa conscience et surtout juger celle des autres.
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Suite du reportage à lire ici :
La livraison rapide, ou comment le capitalisme a fait de nous des bourreaux capricieux
- La valeur travail : quand l’exploitation est intégrée par les classes exploitées
- Transformer les humains en machines à produire, talonnées par des robots
Cet article de Frustration Magazine est trop tendre avec le concept de « travail »
Car ce n’est pas seulement l’esclavage salarial (ou ubérisé) qui pose problème, mais bien le concept de « travail ».
Pas le fait qu’on doive s’activer d’une manière ou d’une autre pour vivre et exister, mais le concept de travail comme étant quelque chose de sacré, peu importe ce qu’on fait et pourquoi, « il faut travailler ». Ce concept de travail alimente la puissance étatique et le système productiviste, il est au service de l’Economie. Une économie devenue un Dieu auquel tout doit se plier, un Dieu central qui dévore tout et transforme les sociétés et toute la planète à son image, en une mécanique rationnelle, une grande machine à produire toujours plus pour répondre aux exigences de valorisation du Capital et de ses agents économiques (entreprises, banques, actionnaires...).
La civilisation a valorisé et glorifié le travail pour mieux assujettir les travailleurs à ses fins délétères et mieux les exploiter jusqu’à l’os.
Les travailleurs ont eux-mêmes peut-être valorisé autant le travail parce que c’est tout ce que le système en place leur laisse pour exister, parce qu’ils ont (avaient) du pouvoir par ce biais ?
Mais est-il si opportun pour un prisonnier de glorifier la supposée beauté de ses chaînes et de se les approprier pour en faire un motif de fierté ?
Avec le capitalisme, le travail est inextricablement lié à une part « abstraite », indifférente à la satisfaction des besoins réels ou aux limites terrestres, une part entièrement vouée à la valorisation du Capital, qui ne connaît que la capacité à faire du profit.
Voir la critique de la Valeur, par exemple :
- Des textes contre le « travail »
- « Travail abstrait et médiation sociale », par Moishe Postone.
- « La modernité à explosion. Les armes à feu comme moteur du progrès technique, la guerre comme moteur de l’expansion : retour sur les origines du travail abstrait »
- Une application de ces analyses aux problèmes climatiques et écologiques :
- Voici pourquoi le capitalisme, fondamentalement, ne peut pas être réformé ni devenir Vert Ses propres lois de fonctionnement discréditent définitivement le capitalisme
- Climat : ce n’est pas l’appât égoïste du profit qui détruit les mondes vivants, mais un système délétère et mécanique du fait de ses lois internes - La mégamachine se fout de nos degrés de vertues morales
Sur le travail, l’entreprise capitaliste, et leurs maux :
- Entreprise capitaliste ou nazie : une même absence de conscience morale - Et avec la cybernétique et l’automatisation, la conscience morale laisse place au souci du bon fonctionnement mécanique, de la compétitivité et de la productivité
- Grève et contre-réforme retraite : l’occasion de faire la critique du travail et de l’économie, et de pousser la lutte plus loin
- Les accidents du travail, nombreux et invisibilisés, pour la gloire du productivisme et de la croissance
- L’économie se moque de la santé des travailleurs et des catastrophes écologiques
- Au delà de la critique des politiciens et des institutions politiques, il faudra s’attaquer à la question de l’Etat et de l’économie
Quel devrait-être le rôle des syndicats et des mouvements politiques dits de gauche ?
Mieux répartir les travail et ses fruits, adoucir son joug, tenter de « verdir » ses productions industrielles ?
Ou libérer les humains du travail, donc du capitalisme, donc de la civilisation industrielle ?
En finir pour de bon avec un système d’exploitation qui structurellement détruit les humains, les vivants et la planète ou juste essayer (en vain, car c’est impossible) de le rendre « vert » et « social » pour qu’il dure un peu plus longtemps ?
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