La population française aimerait bien enfin essayer la démocratie !

Texte collectif dans l’Humanité - Sous la macronie, le « cause toujours » devient « ferme ta gueule »

jeudi 30 janvier 2020, par Camille Pierrette.

- Voici un excellent texte publié le 29 janvier sur l’Humanité, qui me fait plaisir vu que j’appelais de mes voeux ce genre de démarche de vérité il y a peu.

Non monsieur Macron, nous ne sommes plus en démocratie

Texte collectif.

Signataires : Jacques Bidet, philosophe, Christine Delphy, sociologue, Elsa Dorlin, politiste, Jean-Baptiste Eyraud, Droit au Logement, Eric Fassin, sociologue, Bruno Gaccio, artiste, Frédéric Lordon, philosophe, Jean-Luc Nancy, philosophe, Xavier Mathieu, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur, Willy Pelletier, sociologue, Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues, Jérôme Rodrigues, gilet jaune, Malika Zediri, association de Chômeurs APEIS.

On connaît la formule : « la dictature, c’est ferme ta gueule » ; « la démocratie, c’est cause toujours ». Normalement, ce devrait être pour rire. Le problème, depuis longtemps déjà, c’est que beaucoup de supposés « démocrates » se contentent très bien de la formule : causez toujours. Et c’est vrai : trente ans que « ça cause » – dans le vide : aux gouvernements successifs, tous différents paraît-il, mais qui font tous la même chose. Et tous d’aller de stupéfaction en stupéfaction : TCE 2005, FN 2002 et 2017, Gilets Jaunes. Pour tous ces prétendus médiateurs, les alarmes n’auront pourtant pas manqué depuis vingt ans. Qu’ils s’examinent et s’interrogent : « quel compte réel en aurons-nous tenu ? » Et la réponse à la question éclairera aussitôt le présent politique et ses formes.

Du côté des pouvoirs, ce ne sont à l’évidence plus celles de la démocratie. Car il n’y a plus de démocratie là où plus rien de ce qui monte de la population n’est écouté. Il n’y a plus de démocratie quand un projet de loi dont tout atteste qu’il est refusé par une écrasante majorité est maintenu envers et contre tout. Il n’y en a plus quand le gros de la population est voué à l’enfoncement dans la précarité. Quand, les uns après les autres, tous les corps de métier se révoltent contre la destruction de leurs conditions d’exercice, et, pour toute réponse, n’obtiennent que les regards vides de leurs directeurs et la continuation de la destruction sans le moindre temps mort.

C’est pourquoi Emmanuel Macron s’enfonce un peu plus chaque fois qu’il répète que « la démocratie, c’est la parole, pas la violence », quand toute sa pratique du pouvoir atteste que la parole ne sert à rien – et qu’au lieu de son écoute il fait donner la police. Le pays entier gronde, et le pouvoir est sourd – on devrait dire plus exactement : et le pouvoir s’en fout. Ce serait même une définition possible, sinon de la dictature, du moins de la sortie de la démocratie : quand le pouvoir s’en fout.

Voir aussi : Apostrophe. Macron renvoie aux dictatures pour se défendre

C’est ce que les Gilets jaunes ont compris : quand toutes les voies de recours offertes à la parole de la population ont été tentées, depuis si longtemps et en vain, alors il ne reste plus d’autre solution que de faire autre chose. Il n’y a pas de violence politique de rue sans une faillite antécédente, abyssale, de la médiation institutionnelle. De la « démocratie », il ne reste alors plus que la forme vide de l’élection, ultime argument des gouvernants sécessionnistes qui ne veulent plus rien avoir à connaître des gouvernés. « Il a été élu régulièrement », « il est légitime ». Formules creuses d’un pouvoir séparé, qui pensait que « ne pas écouter » suffirait, que l’inertie ferait le reste, mais découvre que non, et n’a plus comme réflexe que de constituer ses opposants en « ennemis de l’Etat », pour leur appliquer une violence policière sans précédent depuis 70 ans, et les dispositions de l’anti-terrorisme. Au reste, tout le monde le sait : du moment où la police mettrait casque à terre, ce pouvoir n’aurait pas une semaine d’espérance de vie, et c’est bien à ce genre d’expérience de pensée qu’on connaît la nature réelle d’un régime politique.

Voir aussi : Violence, mépris, autoritarisme : La drôle de « démocratie » à l’ère Macron

C’est que le « cause toujours » a, ces derniers temps, beaucoup reçu le renfort du « ferme ta gueule ». Oui, les gueules ont été fermées à coups de LBD, de grenades et de matraques. Mais aussi d’interpellations préventives, de directives aux parquets, de surveillance électronique, de versement de l’état d’urgence dans la loi ordinaire, et pour bientôt : de reconnaissance faciale et de lois de censure numérique. Tout ça mis ensemble commence à faire un tableau. « Essayez donc la dictature », nous enjoint par défi Emmanuel Macron. Comment dire… c’est bien, pour notre malheur, ce qu’on nous fait « essayer » en ce moment. Si une part si importante de la population est dans un tel état de rage, c’est d’abord par les agressions répétées qui lui sont faites, mais aussi parce que, précisément, après tant d’années à avoir été réduite à l’inexistence politique, elle aimerait bien « essayer la démocratie ».

Démocrature française : Travaille, consomme et ferme ta gueule

P.-S.

- En réalité, on n’a jamais été en démocratie, voir aussi :

Fusion Etat/Capitalisme : nais, travaille, consomme, paye, ferme ta gueule et crève !

Forum de l’article

  • La population française aimerait bien enfin essayer la démocratie ! Le 1er juillet 2020 à 12:01, par Camille Pierrette

    Un livre parle de la zone grise en démocratie et dictature :
    - LA DICTATURE, UNE ANTITHÈSE DE LAMOCRATIE ?
    Manichéens s’abstenir. La stricte distinction entre dictature et démocratie ne résiste pas à l’épreuve des faits. Eugénie Mérieau s’applique à réfuter une vingtaine d’idées reçues, et démontre que la frontière entre ces deux régimes est non seulement loin d’être imperméable mais qu’au contraire la parenté des formes d’exercices du pouvoir politique au-delà du type de régime crée une « zone de convergence ».
    (...)
    Loin de chercher à réhabiliter certains régimes dictatoriaux, Eugénie Mérieau s’emploie surtout à démontrer que la dichotomie entre eux et les démocraties est loin d’être aussi avérée qu’un certain confort intellectuel, ou une certaine paresse, se contente de l’admettre. Ainsi la théorie de « la paix démocratique » est souvent contredite dans la réalité avec les guerres dites « préemptives ».

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