Les désertions d’emplois et fonction indésirées semblent se multiplier.
Du refus individuel au mouvement collectif ?
Suites de l’appel à déserter, avec cette série en 4 volets sur Reporterre :
- Lola Keraron : « À 24 ans, j’ai déserté AgroParisTech » À sa remise de diplômes d’AgroParisTech en mai, Lola Keraron et d’autres étudiants ont appelé à déserter. Depuis, entre des chantiers participatifs ou un passage dans une zad, la jeune femme ne s’arrête pas. Sans rien regretter. [SÉRIE 1/4]
- La désertion, un chemin semé d’embûches - En désertant le salariat, Jessica et Benjamin ont tenté de vivre d’un nouveau projet : l’accueil de jeunes placés en foyer. Faute de moyens, ils ont dû abandonner. Ils n’ont qu’une volonté, déserter à nouveau.
- Pour accompagner leur désertion, le revenu de transition écologique - Difficile de déserter un travail et d’opérer une transition sans épargne. L’une des solutions : le revenu de transition écologique. Une quinzaine de personnes expérimentent cet outil innovant en France. Reste à le pérenniser.
- Raoul Vaneigem : « Contre le capitalisme, une révolution maraîchère » - Nécessité des zad, émancipation des sociétés... À l’heure où la désertion gagne la France, Reporterre s’est entretenu avec l’écrivain Raoul Vaneigem, dont les écrits ont influencé Mai 68. [SÉRIE 4/4]
- La désertion du marché du travail standard grandit, pourquoi, comment, vers quoi ?
- Sortir collectivement du piège du marché du travail, du travail (re)défini par le rapport social capitaliste
Enquête : La grande démission : comment la désertion gagne la France - Dans le monde occidental, des millions de personnes quittent leur travail. L’offensive néolibérale, la catastrophe écologique et la pandémie ont attisé cette fugue massive.
Et mon article déjà à ce sujet : La désertion du marché du travail grandie, jusqu’où ?
Déserter, et ensuite ?
Dans ces récits, on voit des interrogations et initiatives pour que la désertion salutaire se généralise, devienne une préoccupation collective plutôt qu’une simple afffaire privée.
Plus difficile : la question de rendre la désertion possible pour des classes sociales non privilégiées, qui n’ont pas de capital ni de diplômes, qui ont grandit dans le culte de la « valeur travail ».
Malgré la désertion, le capitalisme et la technocratie sont partout. Un travailleur indépendant ne sera pas moins pris dans les filets du capitalisme et de l’Etat qu’un salarié.
A moins de viser des activités résolument hors marché et hors influences/aides étatiques (réseau d’activités de subsistance, coopérative intégrale...?), toute activité se retrouve à un moment dans les contraintes de la concurrence, de la valorisation de la valeur, dans le viseur des réglementations, dans le filet étroit des règles édictées par le système anti-démocratique en vigueur.
La désertion du marché du travail ou de certains emplois peut être un pas utile ou un premier pas, mais en faire une fin est une impasse. Il faudra aussi viser à démolir et remplacer par d’autres moyens le système en place, la civilisation industrielle, qui sinon tôt ou tard se rappellera à nous et nous dévorera d’une manière ou d’une autre.
Pour aller plus loin, obligé aussi de remettre en cause le couple infernal travail/capital, de sortir du cercle infernal de la valorisation de la Valeur, de sortir du concept de travail rendu « abstrait » (et équivalent par la monétisation du temps passé au turbin) par le système social capitaliste.
Ces désertions en série pourraient être le moment opportun pour remettre en cause les fondements même du capitalisme, pour ne pas s’en tenir au rejet des emplois et activités les plus absurdes, vides et néfastes.
C’est une tâche vitale si on veut s’extraire de l’impasse dans laquelle on bute, pour ne plus conserver des tas de secteurs d’activités nuisibles (socialement et/ou écologiquement) juste parce que des emplois et des salaires en dépendent, pour être capable de cracher sans retenue sur la « main » qui nous « nourrit » (par le salaire, les subventions ou le statut de fonctionnaire).
Cette « main » étant une des mains innombrables de la civilisation industrielle, une culture, des activités et des infrastructures qui mènent à la ruine totale de la biosphère.