Alors que l’effondrement de la civilisation industrielle est souhaitable, les puissants et leurs valets ne songent qu’à la faire durer tandis que d’autres s’imaginent encore pouvoir rendre cette mégamachine « bio et éthique ».
Par ailleurs, la nécessaire sobriété est impossible dans le cadre capitaliste, ayons le courage de le dire au lieu de noyer le problème dans des questions de morale, de « modes de vie » et d’« habitudes de consommation ».
- L’effondrement, de la civilisation industrielle, c’est la solution
- « Que tout continue comme avant, voilà la catastrophe »
L’EFFONDREMENT, C’EST LA SOLUTION,
du problème, qui est la civilisation. C’est pourquoi il est assez gênant de lire les commentaires de connaissances ou d’amis disant qu’il n’y a plus rien à faire, que c’est foutu, qu’il n’y a plus qu’à « amortir l’effondrement à venir de la civilisation industrielle », alors, d’une part, que cet effondrement ne se profile aucunement, que tout continue d’empirer tous azimuts – et d’autre part qu’il ne serait pas une fin tragique mais de bien des manières une délivrance, la fin de la catastrophe,
« c’est ce que ne parviennent pas à comprendre ces réclamants d’une dystopie durable, d’un expansionnisme dont on aurait domestiqué la sauvagerie, dont des objections de bon sens auraient modéré la mégalomanie, le sauvant de lui-même et nous ménageant des siècles d’Internité. Que c’est au contraire, que s’il est à l’heure enfin de s’autodétruire, de précipiter lui-même son désagrègement et de parvenir à son apocalypse au terme de tous ses accomplissements selon les prémisses, de toutes ses logiques conduites jusqu’à leurs dernières prétentions aberrantes, que s’il est trop tard pour autre chose, tout retardement l’est aussi d’en être libéré. Et puis c’est vainement, on sait – on a bien vu – que depuis le début ont échoué – désabusement et amertume – chaque tentative de lui faire renoncer à quelque démiurgie que ce soit, à la moindre de ses innovations, de le distraire ici ou là de son programme, de le réfréner d’aller au bout de tout dévorer – la dévoration étant son mode d’existence – en lui opposant des raisons humaines ou simplement sensées ; sentimentalités d’âmes débiles à son jugement, qu’il extirpait pour faire place à ses bagnes fumeux, ses fabrications en masse, ses villes énormes, ses lignes à haut voltage et ses pistes d’aviation, ses vivisections et ses fécondations in-vitro. Et c’est le naïf aussi de ces navrements humanistes et de leurs doléances, de ces veilles à la bougie sous un ciel muet, que d’imaginer lui faire épargner, au nom de conjecturales générations futures, des “valeurs” pour lui dépourvues de signification – qui n’existent que dans leurs têtes –, des valeurs dont il a déjà consigné les rapports d’autopsie après les avoir éviscérées : de simples illusions qui cessent avec la vie. Leur méprise et courte vue : c’est au contraire : plus accéléré son métabolisme, plus total l’achèvement de son empire sur toutes choses, plus hâtée sa ruine – la fin de cet égarement et la restitution de la vie. » (Baudouin de Bodinat, Dernier Carré n°1).
« Aussi, à long terme, et par ce long terme on entend une période sans doute inférieure à un siècle, notre système mégatechnique en expansion, s’il continue sans changement dans sa direction présente, rendra-t-il probablement la planète entière inhabitable pour tout ce qui ressemble à sa population actuelle, et en fin de compte, si l’on n’arrête pas les forces insensées qui sont maintenant à l’œuvre, même une population réduite sera condamnée. » (Lewis Mumford, Le Mythe de la machine, tome 2, Le Pentagone de la puissance (1967).)
« Bien qu’encore aujourd’hui peu de gens semblent soupçonner la forme idéale et la destination finale de l’organisation industrielle qui s’est façonnée à notre propre époque, elle se dirige en réalité vers une finalité statique où la transformation du système lui-même sera si intolérable qu’elle ne se produira que par désintégration et destruction totales. » (Lewis Mumford, Le Mythe de la machine, tome 2, Le Pentagone de la puissance (1967).)
« L’écroulement de cette civilisation n’est pas une vision apocalyptique ; c’est, disons, quelque chose qui me semble hautement souhaitable. » (Alexandre Grothendieck, « Allons-nous continuer la recherche scientifique ? », conférence au CERN, à Genève (1972).)
« C’est notre société industrielle et nataliste qui est polluante et il n’y a pas d’autre alternative que de la détruire ou de crever. » (Pierre Fournier, Y’en a plus pour longtemps (1975).)
« Voici ce que j’ai pensé : cette économie planétaire de croissance finira un jour nécessairement comme tous les empires totalitaires qui l’ont précédée dans l’histoire : elle s’effondrera aussi totalement qu’elle aura régné. Mais c’est à l’échelle du globe entier qu’elle livrera cette fois tout à coup à elles-mêmes des populations désemparées, malhabiles, ignorantes, abruties et craintives ; et davantage qu’elle durera encore ; sans agriculture parmi une nature épuisée et rétive, parmi des infrastructures à l’abandon. Et puisqu’elle n’existe qu’à détruire, le plus tôt le sera-t-elle elle-même, le mieux. » (Baudouin de Bodinat, La Vie sur Terre : Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes (1996).)
(Bien entendu, sont encore plus égarés ceux qui rêvent d’en revenir au « monde d’avant », dont nous ne sommes en réalité jamais sortis, duquel est en revanche sortie cette pandémie, et qui en promet d’autres comme il promet une myriade de catastrophes ultimes, diverses et variées, écologiques et sociales, en aboutissements des innumérables désastres d’ores et déjà en cours depuis bien avant le covid19 (voir : https://www.facebook.com/nicolas.casaux/posts/10158271300332523).
Tandis que les écologistes et autres « militants pour le climat », ces « réclamants d’une dystopie durable » qui en appellent à une « vraie loi climat », à ce que les États prennent les mesures nécessaires pour neutraliser le problème carbonique de la civilisation techno-industrielle, rivalisent de bêtise et de naïveté avec tous les bonimenteurs ayant signé des tribunes et des appels exaltant quelque « monde d’après » plus bio, plus juste et plus gentil durant les premiers mois de la pandémie (mais qui se sont peut-être calmés, ont peut-être réalisé l’absurdité, l’indécence et la naïveté, espérons).)
(Post de Nicolas Casaux)
- L’effondrement, de la civilisation industrielle, c’est la solution
- Efficacité énergétique, croissance verte, nouveau business, changement d’énergies..., c’est ce que veut le capitalisme
Faire durer la civilisation industrielle, et donc ses carnages ?
Pendant ce temps,
- sur « Le Monde » et chez tous les libéraux, le ’débat’ se limite à quelle est la moins pire énergie pour espérer faire durer le plus longtemps possible le système techno-industriel capitaliste...
- Des écolos médiatiques et leurs films mélangent un peu tout, et s’inquiètent de l’effondrement de la civilisation, qu’ils confondent avec l’humanité, le monde ou les possibles sociétés.
Les termes de transition écologique/énergétique, à présent récupérés par le techno-monde, relèvent de la même fumisterie. Même si tout n’est pas à jeter dans certaines idées (autonomie locale, low tech, démocratie directe...), il est toujours question du système de production capitaliste et du travail, et globalement il s’agit de transformer la civilisation pour qu’elle puisse continuer (et donc avec elles tous ses ravages) au lieu d’opérer un basculement révolutionnaire hors de la civilisation, et en premier lieu hors de sa variante moderne, la civilisation industrielle (capitaliste et étatisée).
- L’effondrement, de la civilisation industrielle, c’est la solution
- Le capitalisme doit augmenter le volume d’argent, peu importe les conséquences
Une sobriété impossible dans le cadre capitaliste
Par ailleurs, si les écolos mainstream ont bien raison de parler de l’importance de la forte diminution de la consommation d’énergie (et pas de se cantonner à l’efficacité énergétique et à la production de la même quantité d’énergies par des énergies dites « vertes »), se rendent-ils compte que c’est impossible dans le cadre du capitalisme, de la civilisation industrielle ? Car la mégamachine a besoin de toujours plus d’énergies, de toute sorte, une sobriété drastique signifierait sa fin.
Car le problème n’est pas tellement les « modes de vie » et « habitudes de consommation » (même si ça peu avoir un certain impact si il y a une diffusion massive d’autres pratiques), mais plutôt les impératifs de productivisme et de croissance qu’impose le mode de fonctionnement irréformable du capitalisme (concurrence, productivité, valorisation du capital, et donc nécessité de produire toujours plus et de toujours investir de nouveaux marchés).
Une vraie réduction de la consommation est incompatible avec les impératifs de survie du capitalisme, et le capitalisme fera tout pour ne pas disparaître, il refusera donc catégoriquement la sobriété, la baisse de la production énergétique et industrielle, et les Etats, leurs polices et leurs justices seront avec lui.
Contrairement aux propos de cet article de Reporterre.net, le problème n’est pas moral ou une question de désirs superflus (livre de Luc Semal cité dans Reporterre) ou de comportements, mais les impératifs structurels du techno-capitalisme.
Citation prise sur Reporterre :
La sobriété ne se justifie cependant pas uniquement par l’urgence climatique. « Imaginons que nous parvenions à décarboner totalement notre système actuel. Aurions-nous pour autant résolu la crise écologique, le problème de la dégradation de la qualité des sols, la pollution occasionnée par les activités minières, l’effondrement de la biodiversité ? Non », rappelle Éric Vidalenc, spécialiste des questions énergétiques à l’Ademe et auteur d’un blog spécialisé sur le sujet. Substituer une source d’énergie à une autre, sans remettre en cause notre système productif, ne ferait selon lui que « déplacer le problème ». L’emprise territoriale des énergies renouvelables, par exemple, pourrait atteindre des niveaux peu soutenables pour le reste du vivant si la demande en énergie continue de croître à un rythme effréné, observe Thierry Salomon.
« Il n’y a pas que le problème du changement climatique, il y a aussi la crise de la biodiversité, confirme Patrick Behm. Ce problème-là a démarré bien avant la crise climatique, et son principal facteur est la pression de plus en plus forte que les humains exercent sur les espaces. » Que l’énergie soit d’origine fossile, nucléaire ou renouvelable, notre modèle économique repose sur un niveau d’extraction des ressources naturelles délétère. D’où la nécessité de réduire nos besoins en amont.
Deux remarques :
Le techno-capitalisme se fout de la biodiversité. Il ne s’en préoccupe éventuellemet que sous la contraite ou si ça pourrait affecter gravement son existence.
Soyons plus clair : "Réduire nos besoins en amont" est incompatible avec la civilisation industrielle, avec l’Economie. Et le capitalisme se fout de nos besoins, seul lui importe l’accroissement du volume d’argent, par tous les moyens. Il faudrait donc conclure de manière plus incisive et plus directe :
Pour pouvoir mettre en place réellement une sobriété qui préserve le climat et le vivant, il nous faut urgemment nous battre de manière déterminée pour démolir et quitter la civilisation industrielle (et donc l’Etat, le capitalisme, le productivisme, le culte du progrès par l’accumulation et la technologie, le patriarcat, etc.). Il faudra nous battre avec acharnement car la civilisation industrielle, ses institutions et ses défenseurs ne voudront rien lâcher.
Peut-être que les prochains articles de cette série de Reporterre sur l’énergie oseront dire franchement les choses ? (après vérification après coup, c’est non)
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