Un article qui montre le piège de la critique superficielle, suivi de quelques remarques complémentaires en PS.
« Derrière nos écrans de fumée » (The Social Dilemma) ou le leurre de la critique superficielle (par Nicolas Casaux)
Extraits :
Tout système de domination conséquent, cherchant à se parer des oripeaux de la démocratie et de la liberté, comprend l’importance de prodiguer à ses sujets l’impression qu’il existe en son sein des garde-fous, des oppositions et des critiques libres de s’exprimer. Nous vivons en démocratie. La preuve ? Il y a la droite et la gauche, il y a le pluralisme des médias de masse, etc. Bien entendu, cette opposition entre droite et gauche est largement illusoire. Par exemple, personne, dans la majeure partie du spectre politique, ne remet sérieusement en cause l’État, le capitalisme technologique, l’industrialisme. La plupart s’accordent sur l’essentiel, de même que les médias de masse. Cette mise en scène d’une diversité de vues, qu’on cherche même à présenter comme antagonistes, renforce l’inertie du système technocapitaliste. En outre, les critiques superficielles autorisées dans la sphère culturelle grand public participent parfois à la consolidation, à l’amélioration, au perfectionnement de ce système de domination.
- L’écran de fumé de la critique superficielle permet de continuer le système technocapitaliste
Le seul problème, selon nos ex-ingénieurs reconvertis en champions de l’éthique ? Le « business-model » des entreprises. Qu’il faudrait changer. Il faut plus de régulations. Il faut changer notre « façon de concevoir les réseaux sociaux », « changer les réseaux sociaux et leur fonctionnement ». (Pire encore du côté d’Élise Lucet, qui se contente de blâmer les utilisateurs des technologies modernes : il leur faut « reprendre le contrôle » sur lesdites technologies, en se prenant en main eux-mêmes, en acquérant une certaine discipline. Ne nous faudrait-il pas surtout, chère Élise, « reprendre le contrôle » sur les organisations sociales qui nous réduisent au rang de « ressources humaines » ?)
Et afin de changer le « business-model » des « entreprises de la Tech », plusieurs ex-employés des plus célèbres d’entre elles ont, sous l’impulsion de Tristan Harris (ex-employé de Google), formé une ONG, le Center for Humane Technology, ou « Centre pour une technologie humaine », avec pour objectif d’inciter les compagnies à se moraliser, à concevoir des produits plus décents, moins addictifs, plus gentils, moins méchants.
En occultant toute réflexion approfondie, sérieuse, radicale, sur les tenants et aboutissants du système technologique et des macro-systèmes qui le composent, sur les toujours plus nombreuses et envahissantes technologies modernes, le documentaire de Netflix et l’émission d’Élise Lucet servent pleinement la continuation, pour l’essentiel, des dynamiques technocapitalistes, qu’il s’agirait simplement de réformer, ci et là, pour que tout continue d’aller pour le mieux dans le Meilleur des mondes. Cette défense du statu quo, de l’essentiel du système techno-industriel et de ses dynamiques, s’exprime d’ailleurs de manière on ne peut plus flagrante dans la vive condamnation des destructions d’antennes 5G par le documentaire produit par Netflix, lesquelles seraient uniquement l’œuvre de quelques abrutis désorientés par des « fake news » ou quelque « théorie conspirationniste ».