Puisqu’un nouveau soulèvement général pourrait être à l’ordre du jour dès septembre, il est utile de revoir des réflexions passées, pour s’en inspirer et ne pas rejouer les mêmes impasses/erreurs, notamment le coup des « casseurs », des « bons » et « mauvais » manifestants, avec désolidarisation et adoption du point de vu du pouvoir, etc.
La brochure de 2019 indiquée ci-dessous comporte notamment un texte intéressant sur l’idéologie souvent hors sol et dogmantique de la « non-violence ».
- En jaune et noir ? Une compilation de textes locaux, dont « Sur l’idéologie de la non-violence »
Vous pourrez retrouver sur Ricochets et ailleurs d’autres réflexions sur le sujet de la non-violence, notamment les textes autour du livre "La non-violence protège l’Etat" de Gelderloos, par exemple :
- La non-violence, une résistance molle écrasée par les régimes autoritaires et policiers - Reporterre parle d’un livre captivant qui critique avec force le dogme de la « non-violence » exclusive et dogmatique (...) Face à des régimes autoritaires et policiers voués au capitalisme extrême tels que celui que l’on connaît en France sous la tyrannie du régime macroniste, la « non-violence » dogmatique est encore moins pertinente que dans des régimes qui se voudraient démocratiques. En effet, un régime policier prêt à tuer et à mutiler n’a aucun scrupule à écarter ou ignorer les « non-violents » qui se trouvent sur son chemin de panzer tank. (...) Pour lui, la non-violence ne peut conduire qu’à une réforme, au mieux à un changement de gouvernement, mais certainement pas à une révolution. « La non-violence assure le monopole de la violence à l’État », ce qui pose problème car « toute lutte contre l’oppression passe par un conflit avec l’État ». Et celui-ci ne se laissera pas faire s’il n’y est pas contraint, notamment par la violence révolutionnaire. En se refusant le droit à l’auto-défense et à la révolte sous toutes ses formes, les pacifistes se mettent à la merci d’un État qui est par nature oppressif et qui ne s’évaporera pas sur demande ou parce que « la légendaire ’masse critique’ » attendue par les non violents aura été atteinte. (...)
- Le mythe de la non-violence - Nous allons voir qu’il est nécessaire de s’opposer à l’État, que la non-violence seule est historiquement inefficace, que la non-violence est raciste, patriarcale, étatiste, qu’elle est stratégiquement et tactiquement inférieure et que c’est une leurre. Enfin nous passerons en revu quelques arguments courants et erronés contre la violence. (...) Les quatre principales stratégies pacifistes sont :
L’appel à la morale
La démarche lobbyiste
La création d’alternatives
La désobéissance généralisée
Ces stratégies sont défectueuses et manquent de vision à long terme. Aucune de ces stratégies ne donne l’avantage aux activistes non-violents. Passons ces différentes stratégies en revue. (...) - Pouvoir et merdias veulent diviser, mais les marches des libertés sont un grand succès populaire - Continuons - Contre Darmanin, Lallement, et leur monde (...) Qui sont les Casseurs ? Ceux qui tabassent un producteur dans son studio. Ceux qui mettent les hôpitaux en faillite, et laissent mourir les anciens en EHPAD. Ceux qui laissent la misère exploser, et des centaines de milliers de personnes sans logement, ou qui ne mangent pas à leur faim. Ceux qui brisent des vies, crèvent des yeux, arrachent des mains, agressent des réfugiés. Ceux qui tuent une grand-mère chez elle à coups de grenades. Ceux qui noient un jeune homme dans la Loire. Ceux qui saccagent la nature. Ceux qui imposent des lois liberticides dignes de dictatures et des mesures néolibérales ultra-violentes. Les casseurs sont au pouvoir, au gouvernement, en costards ou en uniformes. Ce ne sont pas celles et ceux qui manifestent leur colère en cassent une banque ou en renvoyant la violence à l’envoyeur. Dans le sombre contexte actuel, il est normal et même sain que la colère s’exprime !
(...) Éviter le piège de la désolidarisation. Quand le pouvoir est acculé, il joue toujours la même partition : la division. Depuis hier, pour masquer le raz-de-marée pour les libertés, gouvernement et médias ne parlent que des « violences » et des « casseurs ». C’est une tentative de diviser, de créer deux catégories de manifestants : d’un côté les protestataires bien « sages » qui ne dérangent personne, et de l’autre les « violents » qui seraient des indésirables à éliminer. Ces stratégies sont très fréquentes : à Notre-Dame-des-Landes, lors de la Loi Travail, lors des Gilets Jaunes. A chaque fois la même tentative de diviser, de salir. Et devinez quoi ? Les seules luttes qui gagnent, ce sont celles qui refusent cette division. Celles qui ne reprennent pas le discours du pouvoir, et qui assument toutes les formes de colères, y compris violentes. C’est ce qui a eu lieu à Notre-Dame-des-Landes, c’est qui a fait plier le pouvoir. C’est aussi l’absence de désolidarisation et les nombreuses actions insurrectionnelles, au début des Gilets Jaunes, qui ont tant effrayé le gouvernement. (...) Ce samedi, quelques voitures ont brûlé , des abris et des toilettes de chantier aussi. Une vitrine du concessionnaire BMW a volé en éclats. Un bâtiment de la banque de France a vu sa devanture s’enflammer. Et les policiers ont reçu énormément de jets de pavés, de fumigènes, de feux d’artifice et autres joyeusetés trouvées sur le chemin. Clairement, les ordres de la préfecture et du ministère de l’intérieur étaient de rester en retrait, d’intervenir le minimum possible. Pour éviter un maximum d’images de violences policières mais aussi pour mettre sur le banc des accusés les manifestants.e.s. Pour un temps, la police a préféré jouer aux victimes vu le contexte. Elle n’a pas hésité d’ailleurs à envoyer quelques uns de ses soldats en sous nombre pour se faire cartonner. Les ordres sont les ordres...
Quand les médias français pointent du doigt les « casseurs », de l’autre côté de la manche, The Guardian les appelle les « défenseurs des libertés de la Presse ». D’ailleurs, en France, on ne parle jamais de casseurs quand il s’agit des révoltes à Hong Kong, au Chili ou en Égypte. Ce sont des résistants. Des manifestants en première ligne qui affrontent le pouvoir autoritaire et sa police.
Que tout le monde ne veuille pas participer à ces actions est tout à fait compréhensible. En revanche, ceux qui accuseront ces manifestant·e·s d’être responsables d’un éventuel échec du mouvement pour le retrait de la loi Sécurité Globale portent, pour le coup, une grave responsabilité dans ce qu’il risque de se passer dans les prochaines années. Quand un fascisme d’un nouveau genre frappe à nos portes, il est dangereux et même complice de vouloir trier entre les bons et les mauvais manifestants, entre les bons et les mauvais résistants. C’est une forme de régression vis à vis des mouvements sociaux précédents. Comme si nous n’avions rien appris du passé. S’il y a bien une leçon à tirer, c’est que la révolte populaire trouve une vraie puissance par la diversité des tactiques et le soutien inconditionnel des uns envers les autres, dans le respect des pratiques. Toutes. Violentes ou non violentes. (...) Qu’ils soient en noir, en jaune ou en rose, ceux qui ont participé aux actions offensives samedi à Paris (mais aussi dans de nombreuses autres villes) rêvent d’une société meilleure et moins violente.
Les « casseurs » et les « casseuses » ne sont rien de plus que des Farida - l’infirmière qui avait jeté un caillou à visage découvert le 16 juin dernier avant de se faire arrêter sauvagement. Ou des Christophe Dettinger - le boxer gilet jaune. La différence réside uniquement dans la tenue vestimentaire, écran de tous les fantasmes, alors qu’en réalité ce n’est qu’une tactique adoptée par une foule d’individus hétéroclites pour éviter l’identification policière.
Un tag populaire pendant les gilets jaunes disait : « On n’est pas des casseurs mais on va tout péter ». En vrai, le mot « casseur » est une étiquette saugrenue qui convient avant tout à la bourgeoisie pour décrédibiliser l’expression d’une violence légitime qui remet en cause son ordre inégalitaire. Les médias bourgeois aimeront parler de « haine anti-flic » aussi. Et ramener à une déviance un rapport de force. Les aspirations démocratiques qui se heurtent au bras armé du pouvoir ne sont pas des « haines anti-flic ».
Il faut ne jamais avoir été ces femmes et ces hommes qui se réveillent chaque matin la boule au ventre suite aux immondices de la veille. Ne jamais avoir eu le frigo vide et se battre pour que ça n’arrive plus. N’avoir jamais subit la ségrégation parce que pas les bons papiers français. N’avoir jamais eu envie de vomir lorsqu’un gilet jaune prend de la prison ferme pour une porte de ministère défoncée au fenwick alors qu’un policier meurtrier continuera à être en liberté. - Comment la non-violence protège l’État : Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux - Un livre qui déboulonne l’hégémonie parfois autoritaire des méthodes non-violentes ou pacifistes
- A propos de la violence - L’éducpop est dans la rue (...) « Les épisodes de changements structurels ont tendance à survenir seulement quand une perturbation massive et non- institutionnelle surgit sous la forme d’émeutes, d’attaques contre la propriété, de manifestations indisciplinées, de vol ou d’incendie criminel et que les institutions établies sont ouvertement défiées et donc menacées. De telles perturbations ne sont pratiquement jamais encouragées et encore moins initiées par des organisations, fussent-elles de gauche, qui sont structurellement portés à favoriser les revendications, les manifestations et les grèves ordonnées, qui peuvent être contenues à l’intérieur du cadre institutionnel existant. Elles occultent le fait que la plupart des révolutions ne sont pas l’œuvre de partis révolutionnaires mais bien le précipité d’action spontanées et improvisées. » (L’anthropologue James scott)
Et encore Herbert Marcuse : « la violence à deux formes très différentes : la violence institutionnalisée de l’ordre dominant et la violence de la résistance, nécessairement vouée à rester illégale en face du droit positif. Il est absurde de parler de légalité de la résistance. Aucun système social, même le plus progressiste, ne peut légaliser une violence qui vise à le renverser. Il y a une violence de l’oppression et une violence de la libération »
Curieusement on ne connaît pas de droits sociaux qui n’aient été acquis sans violence. Je n’aime pas plus la violence que quiconque et j’en ai autant peur que chacun, mais malheureusement l’histoire nous enseigne que la violence a toujours été nécessaire pour obtenir des droits sociaux. Aucun patron, aucun pouvoir possédant ne s’est réveillé un matin en se disant « tiens, je vais leur refiler une nouvelle semaine de congés payés » (...)
Généralement, on observe lors des gros "mouvements sociaux", que les désirs initiaux de "non-violence" exclusive portés par certaines personnes et groupes, qui se veulent vertueux et moraux, ne tiennent pas longtemps face à la dure réalité de la répression brutale et de l’intransigeance des gouvernements, et alors l’acceptation de la diversité des tactiques se développe largement.
Compilation de textes d’intervention anarchistes lors de la lutte dite des Gilets jaunes à Caen et alentours, 2018-2019
"Après une courte phase d’observation et plusieurs passages sur les ronds-points, nous sommes alors plusieurs anarchistes locaux à décider de participer à la lutte,
avec la ferme intention de poser nos divergences et de pousser au plus loin l’auto-organisation et l’action directe, tout en essayant de tenir la nécessité de perspectives révolutionnaires."
SOMMAIRE :
- C’est la canaille ? Eh bien j’en suis !
- L’ ‘’essoufflement’’ du samedi 5 janvier
- Face à la répression, autoorganisons la solidarité
- RIC, Européennes, on s’en fout on ne vote pas, on lutte !
- Rien n’est fini…
- Pour que ce 1er mai ne soit pas la fête de l’aliénation…
- Notre ennemi est aussi la prison
- Sur l’idéologie de la non-violence
Document complet sur https://trognon.info/IMG/pdf/compilation_de_textes_-_caen.pdf