A toute allure,les nuages filent en biais vers l’horizonils entraînent avec eux une partie du ciellibérant un tourbillon de pluie noirec’est déjà la nuit avant le soirles nuages obliquent droit vers le solnoient les maisons et la peste industrielledans les vagues d’une tempête humideles rideaux de pluie étouffent tous les autres bruitssilence liquide martelé de gouttestout devient grisl’eau transparente enveloppe toutdes langues de brume descendent sur nousen furiela pluie fouette les visages qui courentdétourne les voitures qui s’enfuientles creux d’asphalte sont inondésseule l’eau peut encore circulerles pare-brise sont aveugleset les parapluies envolésimpossible de savoir où nous sommesL’eau en torrents emporte toutelle liquéfie la terreelle gicle dans le moindre trouruisselle sur les têteset emporte les déchets de penséesloin des trous de mémoireLa masse liquide déborde de toutes partselle submerge ponts et barrières déchaussésles tours cimetières disparaissent en fuméela pluie nettoie le cielarrache d’innommables impuretésles constructions sont inondéesle béton suinte des mursles prisons se fissurentles rues sont gorgées d’eaule haut débit est à saturationinondation au-delà de l’ivressela ville en détresse se vomit dessusles égouts évacuent le trop-pleinles rivières charrient les débris au loinla terre a bu jusqu’à plus soifla tête lui tourneelle ne sait plus où sont le haut et le basL’averse dense se déplace au loinles flaques retrouvent leur calmeet les fleuves leurs litsLa pluie devient bruineles nuages se disloquent au creux des valléesle ciel se rétablit en l’airentre les méandres de brumesDes squelettes d’arbres luisent au bord de la routeles branches coupées et pleines de cicatricesLes toits s’égouttent dans les caniveauxles essuie-glaces continuent d’oscillerles hommes sortent de leur trou et se remettent en marchetoujours aussi opaques dans leurs imperméablesles voitures pressées font gicler l’eau sur les bordssur les passants qui s’ignorentet clignotent pour tourner on ne sait oùLe béton fume et les tours repoussentL’inondation n’était que temporairela vie reprend son cours détournénettoyées, les fissures apparaissent immenseslavées, les plaies se font plus intensesLa terre à nouveau brûlée par le soleilse craquelle en d’innombrables crevasseset l’ordure reprend partout sa place.
David Myriam - 2005
Et n’oubliez-pas, vendredi 2 février à Crest à partir de 19h : la 2e nuit de la poésie
- 2013 - Perturbation - Encre acrylique, 65x50cm - David Myriam