Retour sur deux insurrection n’ayant pas abouti à un changement radical, une révolution, pour essayer de comprendre, de s’inspirer, de repérer les forces/atouts et les « faiblesses/erreurs/manques ».
Pour que la prochaine occasion ait davantage de chances d’aboutir, il semble important de réfléchir au problème, de se préparer, de « s’entraîner », de poser certaines bases matérielles et théoriques.
Hong-Kong, 5 ans après : la victoire de la contre-insurrection.
Du printemps 2019 à l’hiver 2020, plus de 2 millions de Hongkongais participent à des manifestations massives devenues à partir du mois de juin insurrectionnelles, afin de dénoncer l’emprise de la chine sur Hong-Kong à travers le projet de loi sur la sécurité nationale.
Cette loi vise à mettre au pas la société hongkongaise et à élargir les pouvoir du parti communiste chinois sur la cité autonome et dont la population est largement contestataire du régime.
Pendant des mois, les manifestations monstres démontrent une organisation complexe et efficace des émeutiers. Le 1er juillet, les manifestants prennent d’assaut le Parlement, le jour de l’anniversaire de la rétrocession de la ville à la Chine. le 1er juillet 1997. Cette année là l’île changeait de statut par cette rétrocession, après des décennies en tant que colonie puis territoire d’outre-mer britannique.
En Novembre, après deux mois lors desquels les manifestations s’etaient faites moins massives et fréquentes, que pendantl’été, l’université Chinoise était occupée pendant plus d’une semaine avant d’être évacuée manu-militari le 15 novembre.
La encore, la détermination impressionne puisque les activistes décident alors le siège de polytechnique, transformé en véritable forteresse après des mois de mouvement. Son expulsion donnera un coup d’arrêt au mouvement qui ne trouvera pas la force de se relever au niveau des mois d’été.
Les pratiques des émeutiers font le tour du monde et font écho au même moment, aux insurrections qui traversent le globe. Les pratiques de Hong-Kong s’observent au Chili, en Algérie pendant le Hirak, au Liban pendant la Thawra, en France et ailleurs
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- Hong-Kong & Liban, 5 ans après : victoires de la contre-insurrection
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Quelques articles de l’époque de l’insurrection à Hong Kong :
- Un état d’insurrection permanente au lieu d’une révolution - C’est la forme de résistance adéquate de notre temps vécue par les gilets jaunes
- « Soyez comme l’eau ! » : sept tactiques gagnantes dans la révolution de Hong Kong - Des astuces et des réflexions pour préparer la suite
- À toi Français qui observe la révolte hongkongaise - 30 août 2019 Par Pierre T. Blog
- Hong Kong : L’eau, le feu, le vent - La bataille de PolyU
- Hong-Kong & Liban, 5 ans après : victoires de la contre-insurrection
Histoire : il y a cinq ans, l’espoir de la jeunesse libanaise inondait les rues de Beyrouth
Alors qu’Israël fait exploser méthodiquement le Liban dans une impunité totale, revenons sur la révolution libanaise qui fête aujourd’hui ses 5 ans.
Il est difficile d’imaginer, dans le contexte actuel, qu’il y a cinq ans jour pour jour soufflait un vent d’espoir et de révolte sur le Liban et sa population. Aujourd’hui, les braises de la révolution d’Octobre 2019 sont éteintes depuis longtemps, laissant le pays au bord de l’abîme.
Un contexte social explosif
Comme dans la plupart des pays du Sud global, l’eau potable est un luxe au Liban. Celle qui coule des robinets est souvent trop salée, contaminée par des plastiques, des matières fécales et des métaux lourds. L’électricité nationale, quant à elle, ne fonctionne que quelques heures par jour, forçant les personnes qui en ont les moyens à se tourner vers des générateurs privés de quartier. Ainsi, pour avoir un semblant de confort, les foyers doivent souvent payer deux factures d’eau et deux factures d’électricité dont le montant total, compte tenu de l’inflation suite à la dévaluation de la livre nationale, dépasse parfois nettement le montant même du loyer !
À cela s’ajoute un système de santé qui privilégie largement le privé : en 2019, le pays comptait 30 hôpitaux publics contre 138 privés, représentant respectivement 15% et 85% des lits disponibles. Dans un pays où le système de sécurité sociale est quasiment inexistant, se soigner correctement nécessite donc de débourser des sommes importantes ou de renoncer aux soins.
Ce modèle se retrouve aussi dans le système éducatif, où les Libanais·es les plus aisé·es peuvent accéder aux meilleures écoles, tandis que les autres se voient contraints de s’endetter pour offrir à leurs enfants une éducation de qualité. Souvent, cet investissement se traduit par le départ des jeunes dans des pays capables de leur offrir davantage et où ils et elles pourront s’épanouir. Dans ce cercle vicieux entraînant une “fuite des cerveaux” et des déchirements familiaux, très peu de libanais·es expatrié·es choisissent de revenir habiter au Liban. Pour la jeunesse libanaise, quitter son pays et vivre en exil n’est pas souvent un choix délibéré, mais contraint.
C’est dans ce contexte et dans un pays où la corruption gangrène la bureaucratie comme l’économie (138e rang sur 180 États) selon Transparency International, que le ministre des Communications a proposé ce fameux jeudi 17 octobre 2019 de devenir le premier pays au monde à taxer la messagerie WhatsApp… La suite est magnifique.
« Kellon yaané kellon »
3 millions de libanais·es sont descendu·es dans la rue en scandant « Kellon yaané kellon ! » (“Tout le monde, ça veut dire tout le monde !”) pour dénoncer l’ensemble de la classe politique libanaise comme responsable de la situation du pays, ou encore « Thawra » (Révolution).
Pour la première fois de son histoire, toutes les communautés religieuses du Liban se sont rassemblées sous un seul et même drapeau : celui du Liban. Aucun groupe n’a épargné ses dirigeants, y compris la communauté chiite, pourtant réputée pour sa cohésion et dominée par le puissant Hezbollah, seule faction à maintenir une milice armée redoutable. Hassan Nasrallah s’est même opposé à la démission du gouvernement qui était acquis à sa cause.
Les jeunes et les moins jeunes envahissent alors les rues et convergent place des Martyrs, les universités sont fermées, les routes sont coupées. Tout un pays s’arrête et s’unit pour freiner d’urgence, éviter le gouffre et prendre une nouvelle direction. Là où il n’y avait plus que de la fatalité, l’espoir renaît et se lit de nouveau dans tous les yeux. Une chaîne humaine de plus de 170 km est formée du nord au sud.
Le street art joue un rôle essentiel dans la révolution au moment où le monde à les yeux tournés vers le Liban, faisant passer des messages d’espoir et des slogans assassins envers la classe politique corrompue. Les murs de Beyrouth et des agglomérations sont recouverts de graffitis et de slogans révolutionnaires, teintés d’un humour piquant propre à la culture libanaise.
Les femmes ont joué un rôle crucial dans la révolution libanaise, faisant face à une double injustice. En plus des problèmes touchant toute la population, elles subissent des lois discriminatoires : elles ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, et les affaires matrimoniales, régies par le droit religieux, les désavantagent souvent. Les féminicides, qui ont fait au moins 37 victimes en deux ans, révèlent l’ampleur du problème. Sur le marché du travail aussi, elles continuent de subir des inégalités particulièrement fortes.
L’une des images fortes du soulèvement fut celle de Malak Alawiye Herz, qui a repoussé un garde armé d’un ministre en lui envoyant un coup de pied bien placé sur les organes génitaux, devenant ainsi une icône surnommée la « Marianne libanaise ».
Les Libanaises ont également servi de médiatrices, formant des chaînes humaines pour calmer les tensions entre manifestants et forces de l’ordre. Elles ont organisé des discussions, distribué de la nourriture et apporté un soutien logistique et médical, jouant un rôle indispensable au cœur du soulèvement.
De la répression au désastre
Mais le gouvernement n’hésite pas à réprimer cette colère à coup de lacrymogène et de LBD, fournis par les maîtres dans le domaine du maintien de l’ordre : la France. Les militants du Hezbollah s’en mêlent aussi à coup de menaces et d’agressions à la barre de fer, afin de diviser le mouvement populaire et de dissuader les gens de descendre dans la rue.
Les manifestations se prolongeront jusqu’à janvier 2020 avant d’être brutalement interrompues par la pandémie de covid-19. Elles reprendront brièvement en juin de la même année, avant l’explosion du port de Beyrouth survenue le 4 août 2020, ce qui achèvera de mettre à genoux une population déjà étranglée par l’inflation et la crise économique sans précédent que subit le pays depuis 2019.
En l’espace de cinq ans, le Liban est passé de l’espoir retrouvé à une situation où sa survie est menacée par son voisin génocidaire. La monnaie a perdu plus de 99% de sa valeur et le taux de pauvreté absolue (moins de 1,90$/jour) dépasse les 50% de la population. La jeunesse rêve d’exil et aspire à un avenir meilleur, ou au moins à un emploi qui permet de subvenir aux besoins de la famille restée au pays…
L’effervescence culturelle et politique unique qui animait le pays du Cèdre, a laissé place aujourd’hui à l’incertitude, au désespoir et aux stratégies d’adaptation et de survie. Le pays n’a plus de président depuis deux ans et ses amis d’autrefois le laissent mourir aux yeux de tous face à la folie meurtrière et sans limites d’Israël, qui s’applique à détruire ce qu’il reste d’un pays au destin tragique.
Pourquoi les tentatives de révolution échouent le plus souvent et se terminent par un « retour à la normale » ?
Dans cet article, on trouve peut-être des pistes qui expliquent pourquoi, au delà des entraves conjoncturelles de type pandémie mondiale, les tentatives de révolution échouent et se terminent par un « retour à la normale » :
Interrègne, Partie III – La guerre sociale aura-t-elle lieu ? - Groupe Révolutionnaire Charlatan
Extraits en rapport (...)
L’histoire récente nous rappelle qu’il ne suffit pas que les conditions d’une révolte soient réunies pour qu’elle s’accomplisse, et encore moins pour qu’elle prenne ensuite d’elle-même le chemin de l’émancipation. Combien de soulèvements qui semblaient sur le point d’entraîner la société vers des possibilités inimaginables la veille encore se sont subitement arrêtés ? La facilité du retour à la normale ne mesure pas forcément la faiblesse des révoltés, mais plutôt la précarité de la conscience quand elle n’a pas de référents extérieurs, de modèle à suivre, d’étendard à brandir. Les récentes secousses ressenties dans d’autres pays étaient plus politiques que sociales ; des moments de rupture qui, s’ils ont mis en crise l’appareil d’État et forcé des gouvernements à démissionner, n’ont pas empêché l’armée ou la partie de l’élite la moins compromise dans le précédent régime de s’installer dans le fauteuil encore chaud du dernier chef d’État. Combien de fois la porte s’est-elle entrouverte puis subitement refermée depuis le Printemps Arabe, la Syrie, le Yémen, l’Euromaïdan, le Chili, le Nicaragua, le Soudan, le Hirak algérien, le Sri Lanka, la Birmanie ?
(...)
Ce ne sont donc pas seulement des révolutions qui ne parviennent pas à trouver leur forme. L’enjeu se situe au-delà de la distinction entre révolution sociale et politique. Chaque fois, les conditions semblent réunies pour rendre le pays ingouvernable et permettre aux groupes engagés en faveur d’un changement de système de poser la question du changement révolutionnaire, même progressif et archipélisé. Mais la rupture n’est pas assez forte et ne semble pas imprégner la société suffisamment pour prolonger l’état de désobéissance et d’insurrection permanentes. La phase libérale-démocrate initiale reprend vite le dessus sur le reste, et l’incapacité à poser la question de l’abolition de l’ordre existant, que quelques groupes minoritaires espèrent voir émerger des éclats du mouvement, précipite le retour en arrière. Comme si une révolution sans étendard flottait dans la tête de certains secteurs révoltés désorientés, ne parvenant pas à nommer le sentiment de liberté et de solidarité ressenti dans l’événement, et découvrant avec amertume l’impasse dans laquelle les a laissé leur élan brisé. Les innombrables paraphrases qui contournent le problème central de ce paradoxe - pas de révolution réelle sans abolition du système précédent - était déjà dénoncées par Marx, dans la période d’avant 1848 :
(...)
Ce qui manque, plus qu’une théorie ou une pratique révolutionnaire, c’est l’existence même d’un modèle révolutionnaire. Pendant le XIXe siècle, les révoltés d’Europe se battaient tous à partir d’une interprétation de 1789, de 1791 ou de 1793 ; des idéaux démocratiques de l’Assemblée Générale, ou de ceux plus brûlants de la Convention, ils tiraient leurs modèles, leurs formes politiques, leurs modes insurrectionnels et jusqu’à leurs chansons. Les chambres parlementaires, les drapeaux, les hymnes nationaux : tous les éléments constitutifs du système politique républicain, qui recouvre aujourd’hui la planète, semble presque sortir du sol à chaque “modernisation”, ont été inventés par des poignées d’hommes sincères dans la fièvre du Paris insurrectionnel. Certains n’étaient même pas destinés à durer, et les voilà bicentenaires. Ces périodes d’agir historique, où les minorités actives, dans les circonstances adéquates, s’emploient consciemment à changer le monde, le marquent pour toujours. L’internationalisme du futur n’aura peut-être besoin que d’une seule explosion, massive et renversante, pour inspirer les indigents de la planète entière, qui ne peuvent pas se satisfaire du statut-quo, et ne le savent peut-être pas encore.
(...)
En conclure que dans des régimes autoritaires/consuméristes/capitalistes très installés toute contestation approfondie et révolutionnaire est vouée à l’échec ?
Ou se rendre compte de l’ampleur des contestatations nécessaires pour l’emporter et s’émanciper des tyrannies ?
Plusieurs pays ont utilisé courageusement diverses techniques, mais avec au final des échecs.
Il manquait sans doute suffisamment de personnes motivées à rompre vraiment avec le système en place, et donc à le détruire suffisamment pour qu’il ne puisse pas renaître et qu’il laisse la place à bien mieux ?
Sans doute qu’ici comme ailleurs il n’y a pas encore suffisamment de personnes prêtes à faire table rase des bases matérielles et idéologiques du système en place (la mégamachine). Beaucoup espèrent encore des changements pronfonds via des réformes et des adaptations ? Ce qui est contradictoire dans les termes. On comprend vite qu’un système totalitaire, cohérent, interconnecté, capable de se reconfigurer en partie pour survivre aux mouvements sociaux importants, brutal et incrusté partout ne peut pas être réformé ou extirpé en douceur.
Distinguons, un peu artificiellement (car tout est relié et pourrait se passer en même temps) et naïvement, 3 phases pour un soulèvement radical, un basculement révolutionnaire qui réussit et qui dure.
C’est non exhaustif et à affiner, c’est juste pour poser des bases de réflexion inspirées des textes ci-dessus.
avant
- formations diverses
- entraînement (communication, déplacement, actions furtives...)
- étendre les idées révolutionnaires, l’acceptabilité des révoltes radicales et d’une bonne dose de violences politiques (contre des biens + autodéfense) qui vont nécessairement avec
- multiplier des formes d’autonomie pour des bases arrières et alimenter les rebelles
- fêter, célébrer, danser à la moindre occasion, succès, avancée
pendant
- empêcher les retours en arrière
- détruire les élements essentiels du modèle de société en place, notamment les noeuds et infrastructures vitales de l’Economie, rompre et bloquer les chaînes logistiques du capitalisme et des polices/armées
- aller toujours plus loin
- fêter, célébrer, danser sur les ruines
- diversifier les moyens de communication
- solidarité totale entre premières lignes et les autres
- approvisionnement en matériel constant, logistique collective
- éviter les points de fixation, être comme l’eau
- évidemment refuser la pacification avec retour d’élections, de processus constituant inscrit dans les structures étatico-capitalistes, de négociations, de gouvernement temporaire...
"après"
- ne pas laisser les partis et élections reprendre la main
- rester toujours en alerte
- maintenir la pression
- fêter, célébrer, danser à la moindre occasion, succès, avancée
- laisser (et encourager) vivre les choses simples qui apportent plaisirs et satisfactions
- entraver, moquer les comportements égoïstes, autoritaires, accumulateurs de richesses...
- réellement partager/répartir les activités de subsistance
- évincer tout début de tyrannie
- étendre sans cesse la démocratie directe et l’auto-organisation