En écho au fameux « ce n’est pas la rue qui gouverne », rappelons-nous que dans une démocratie ce n’est pas le gouvernement qui gouverne, ni même un parlement de représentants.
La démocratie est forcément directe, exercée à une échelle locale par un nombre réduit de personnes, sans gouvernements.
Donc :
Toute démocratie réelle est impossible tant qu’existent le capitalisme, l’Etat, la société de masse techno-industrielle et la quête de délivrance - De plus, ce système fabrique des individus de plus en plus inaptes à toute forme de démocratie
En démocratie il ne peut y avoir ni gouvernements ni Etats.
Donc, ce n’est pas seulement CE gouvernement qui est illégitime et tyranique, mais tous les gouvernements, la totalité des institutions en place, l’Etat français et son système policier, etc.
Et ce ne sont pas seulement les ultra-riches, la bourgeoisie, les évadés fiscaux et les politiciens menteurs de droite qui sont le problème, mais tout le système social capitaliste (à commencer par le système du travail) et le concept de représentation politique.
Ce ne sont pas seulement les multinationales qui nous asservissent et détruisent la biosphère, mais toutes les entreprises vouées au productivisme et au système technologique.
A méditer, quand, demain ou après demain, si la contestation s’intensifie, le gouvernement dira que « ce n’est pas la rue qui gouverne », quand il enverra l’armée et les flics pour casser les grèves et les blocages.
A méditer aussi quand on cogite à nos objectifs et revendications.
- Ce n’est pas le gouvernement qui gouverne
- D’ailleurs, en démocratie il n’y aurait pas de gouvernements
« Dans le régime parlementaire, le peuple n’exerce pas le pouvoir. Il ne fait plus de lois, il ne gouverne plus, il ne juge plus. Mais il dépose un bulletin dans l’urne, sorte d’opération magique par laquelle il s’assure d’une liberté absente dans ses actes quotidiens.
C’est sous la forme de la démission que se manifeste la vie politique : démission du peuple entre les mains de ses représentants, démission de la majorité parlementaire entre les mains de son gouvernement, démission du gouvernement devant l’industrie.
[…] Le plus grave n’est pas de céder à l’État, mais d’appeler cette aliénation Liberté. »
💣 Bernard Charbonneau, L’État
LE MYTHE D’UNE CIVILISATION INDUSTRIELLE SANS GOUVERNANTS
Ou d’un capitalisme sans classes sociales, ou d’un État sans classes sociales. C’est tout à peu près la même idée, le même fantasme. Critiquer la bourgeoisie, les super-profits des super-riches, les gouvernants corrompus, comme le fait Nicolas Framont (ici interviewé par Blast), comme le font la plupart des partis et des médias de gauche, c’est sympa, mais ça ne nous aide pas à saisir les véritables raisons de notre dépossession, des inégalités, du caractère autoritaire, hiérarchique de la société dans laquelle on vit.
Une société de quelques dizaines ou centaines (voire milliers, soyons optimistes) de membres peut s’autogérer démocratiquement. Une civilisation industrielle de plusieurs millions de membres, non. Une délégation obligatoire du pouvoir s’impose. Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles société industrielle et démocratie/égalitarisme sont antinomiques, comprise et soulignée par beaucoup depuis longtemps, dont Jean-Jacques Rousseau, dans son Projet de constitution pour la Corse (1765) :
« Un gouvernement purement démocratique convient à une petite ville plutôt qu’à une nation. On ne saurait assembler tout le peuple d’un pays comme celui d’une cité et quand l’autorité suprême est confiée à des députés le gouvernement change et devient aristocratique. »
Dans Le Contrat social, il remarquait pareillement que la première condition permettant l’établissement d’un gouvernement démocratique était « un État très petit, où le peuple soit facile à rassembler, et où chaque citoyen puisse aisément connaître tous les autres ». L’historien Lewis Mumford remarquait, lui, en 1973, que « la démocratie est une invention de petite société. Elle ne peut exister qu’au sein de petites communautés. Elle ne peut pas fonctionner dans une communauté de 100 millions d’individus. 100 millions d’individus ne peuvent être gouvernés selon des principes démocratiques. »
Nicolas Framont promeut ici un vieux mythe de gauche, une vieille rassurance simpliste selon laquelle il serait possible d’avoir une économie techno-industrielle et un État sans hiérarchie, sans classes sociales. L’ennemi, ce serait juste la bourgeoisie.
Selon toute probabilité, non, ce n’est pas possible. L’industrialisme, l’existence d’un système industriel, la technologie, requiert des classes sociales, une sociale organisation hiérarchique et autoritaire. Comme le note Aurélien Berlan dans Terre et Liberté : « Les sociétés industrielles ne sauraient fonctionner sans une “élite du pouvoir” formée de “cols blancs” (ingénieurs, managers, juristes, enseignants-chercheurs, comptables, journalistes, etc.), qu’il s’agisse d’une “nomenklatura” (comme à l’Est) ou d’un “establishment” (comme à l’Ouest). » En outre, l’État constitue, par définition, un type d’organisation sociale hiérarchique.
Si nous tenons sérieusement à démanteler toutes les hiérarchies, à en finir avec la dépossession et la destruction du monde, à former de véritables démocraties, ce n’est pas juste de la bourgeoisie dont on doit tâcher de se débarrasser. Il nous faut sortir de l’industrialisme, sortir de la société industrielle, désindustrialiser (désurbaniser, détechnologiser, etc.) les sociétés humaines.
(post de Nicolas Casaux)
A propos du droit de grève
Les capitalistes et l’Etat n’aiment pas le droit de grève, c’est potentiellement subversif.
Il font tout pour le rogner, l’affaiblir et le contrôler par tous les bouts.
D’ailleurs, ce droit reste bien souvent "théorique", car, outre le problème de la perte de revenus, beaucoup de gens n’osent pas faire grève sous la menace implicite ou explicite du licenciement, de la mise au placard ou du non renouvellement de contrats.
Et puis la précarisation, la privatisation des services publics, la destruction des statuts de fonctionnaires, l’interim et l’atomisation sociale laissent beaucoup de personnes démunies de tout moyen de lutte directe.
La solidarité et l’organisation permettent de contrecarrer ces contraintes.
Le journal l’Opinion laisse des proches du président se confier sur ce qui pourrait le faire bouger : « une grève générale » ou « Paris en feu »