Les débats sur Ricochets et ailleurs me font rebondir en vrac sur le sujet des libertés.
Des manifestants crient « liberté », des gouvernements parlent de « sécurité première des libertés », alors creusons un peu certains aspects :
Là on est pris de plus en plus dans un mauvais cercle vicieux avec le covid et les catastrophes climatiques, sociales et écologiques.
De plus en plus d’urgences risquent de se succéder aux urgences, ceci dans une société non-démocratique où la plupart des humains tendent à être transformés en sortes de « termites », de machines au sein d’un système à tendance totalitaire, qui s’enfoncent dans l’impuissance et la dépendance, mais qui parfois voudraient bien, à raison, (re)trouver de la liberté individuelle et collective.
- Covid-19 : ni égoïsme libéral ni administration étatiste des désastres
- On ne peut pas dompter la méga-machine et la rendre démocratique, écologique, soutenable
Du coup il y a un gros mélange entre
- les "libertés" égoïstes des plus forts et plus malins de type libertariens (terme us) et libéraux (rejoints par nombre de consommateurs, conformément à ce que le modèle en place fabrique par tous les moyens), (« pas de passe, pas de masques, pas de vaccins », on se débrouille chacun)
- des libertaires qui voudraient se diriger vers la responsabilité individuelle et collective via démocratie directe and co, avec des restrictions de libertés, éventuellement fortes si besoin, mais débattues et décidées collectivement dans des communautés déjà rompues à la solidarité (voir réaction des communautés zapatistes face au coronavirus en Post Scriptum), adaptées au terrain, appliquées de manière responsable et « intelligente » et non de manière policière et indifférenciée
- et divers courants (de gauche ou de droite) qui voudraient une meilleure gestion étatique (et un meilleur gouvernement), moins autoritaire, que ce que fait le régime macroniste (ce qui est un peu sans issu vu la nature profondément irréformable de cette civilisation, mais y a moyen de faire moins pire).
Ces trois tendances sont en conflits, et même parfois se mélangent.
Face à cette pandémie pénible, comme face à des désastres climatiques produits par la civilisation industrielle, il vaut mieux dans des sociétés très peuplées une bonne dose d’organisation et d’(auto)discipline. L’État et le capitalisme ayant à peu près éradiqués toute autre mode d’organisation sociale qu’eux mêmes, il est très dur de faire autrement, sans eux.
On voit d’ailleurs, que même en plein coeur de la pandémie, l’État français, du fait de son besoin du capitalisme et de son mélange complice avec lui, s’évertue à démolir un peu plus les services publics de santé (en vue de faciliter leur démantèlement et leur privatisation).
Sortir du cercle infernal des urgences sectorielles croissantes pour attaquer l’urgence globale au coeur ?
Si on ne fait que répondre aux urgences, alors le risque c’est de laisser totalement la main au système en place, qui va gérer (plus ou moins bien suivant les cas) les choses, à sa manière. Ce qui mène fatalement à des technocraties autoritaires (voir tribune en Post Scriptum : "no pass-aran"), et au final à une aggravation des urgences et des catastrophes vu que le système socio-économique qui les produit reste inchangé.
Mais si on ne répond pas aux urgences, c’est très brutal, c’est laisser mourir et souffrir les plus faibles, les classes expoloitées, les moins riches, les plus exposés, et donc c’est aussi une forme de libéralisme sans pitié, de darwinisme « social » conforme au système en place, c’est intenable.
C’est le même problème concernant la précarité (soulager la souffrance des salariés ou détruire le capitalisme et le marché de l’emploi ?), ou les désastres climatiques (secourir les innondés et reconstruire loin du fleuve ou démolir les infrastructures de la civilisation industrielle pour limiter l’ampleur du dérèglement climatique et donc limiter les futures inondations ?)
La seule autre voie, une voie vivable, est la voie libertaire, avec l’autonomie individuelle et collective, la très grande responsabilité individuelle et collective associée à la liberté, la solidarité, l’égalité sociale. Une voie qui s’attaquerait aussi aux origines des problèmes au lieu de seulement rafistoler les conséquences, plus ou moins mal colmatées suivant la couleur du gouvernement.
Même si les humains sont assez adaptables et peuvent assez vite retrouver de bons « ’réflexes », ça reste très très difficile là où on en est rendu car on est allé très loin dans des directions inverses : dans la déresponsabilisation, la dépossession, la dépendance (à l’État et aux produits capitalistes industriels), la centralisation autoritaire, le culte de la réussite personnelle par le matériel et la puissance, le culte d’égo vides, le machinisme, la glorification de la technologie et du replis sur soi, l’inaptitude à s’organiser collectivement... De plus le système en place s’oppose fermement à cette voie, il veut garder la main à tout prix, quitte à tout brûler et à tout réprimer.
Donc cette voie libertaire ne peut pas prendre le relai comme ça.
On est donc hélas condamné pour l’instant à subir plus ou moins la gestion étatique (l’administration des désastres, qui elle ne s’attaque pas aux causes, mais veut surtout nous faire supporter les conséquences, nous adapter à une vie dégradée maintenue sous système techno-policier) pour survivre, tout en essayant plus ou moins localement de faire autrement, tout en essayant de peser pour des changements radicaux à plus grande échelle.
Donc, en France, s’opposer au passe sanitaire, au fichage généralisé, à la surveillance totale, sans s’opposer fondamentalement à l’État et au capitalisme (à la civilisation industrielle), sans proposer et essayer de faire vivre une voie de type libertaire est assez vain, voué au final à l’échec (malgré certaines améliorations possibles temporairement qui pourraient faire illusion) et à l’enfoncement dans les mêmes ornières.
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