Constitutions : on ne peut pas créer la démocratie par le droit

Une 6e république ne créerait pas la démocratie réelle

jeudi 10 juillet 2025, par Lili souris de bibliothèque.

Si la constitution actuelle de la France (la 5e république) est bien connue pour poser de nombreux problèmes et encourager/autoriser/favoriser l’autoritarisme et la centralisation, le règne despotique de Macron 1er le démontre une fois de plus, serait-on pour autant sauvé de la tyrannie par une 6e république voulue comme plus démocratique ?

Une 6e république ne changerait pas grand chose si les peuples ne sont pas en permanence nombreux à être mobilisés pour faire vivre pour de vrai la démocratie réelle, et virer/bloquer les tyrans. Il faudra aussi forcément sortir de l’étatisme et du capitalisme, par nature opposés à la démocratie (directe, forcément).

Constitution d’Eugénie Mérieau

- Constitution d’Eugénie Mérieau - « Est souverain celui qui décide de l’exception »
Alors que depuis la dissolution de juin 2024, la Constitution (ré)apparaît comme un enjeu central dans une bataille interprétative, Eugénie Mérieau, juriste constitutionnaliste, revient sur ce texte supposé normatif et ses (mes)usages. « Le droit constitutionnel, c’est l’ensemble des liens qui retiennent Ulysse attaché à son mât, au moment où emporté par l’hubris il ne répond plus de rien, ni de lui ni de son vaisseau ni de ses hommes, et succombe en médiocre mortel à la tentation du tragique. »

Macron, comme Bonaparte et De Gaulle avant lui, cultive un « rapport instrumental à tendance autoritaire » à la Constitution, « parfois pervers narcissique, de sujet à objet ». Il partage avec eux le goût pour « l’appel direct au peuple, via la dissolution et le référendum, l’obsession des pleins pouvoirs, le refus de l’existence d’un Premier ministre, son sabotage même, le mépris pour le Parlement, mais aussi la tentation permanente du coup d’état, l’arrogance de croire que le cas échéant, en raison d’une destinée providentiel, le Grand Homme saurait être absous par le suffrage universel et par l’Histoire ». De même que Bonaparte a justifié son coup d’État du 2 décembre 1851 par le résultat du référendum postérieur qui lui délègue les pouvoirs pour établir une nouvelle constitution – à plus de 90% ! –, De Gaulle obtient les pleins pouvoir pour « abroger, modifier ou remplacer les dispositions législatives en vigueur » et réviser la Constitution de la IVe République par décret, en juin 1958, par une loi composée d’un seul article. Il présentera finalement un nouveau texte puis, en 1962, il recourra à un référendum, sans soliciter l’accord du Parlement, et donc en violation de la nouvelle Constitution, pour se consacrer Président élu au suffrage universel direct. Comme ses prédécesseurs, l’actuel président de la République, qui annonça d’emblée ses ambitions « jupitériennes », dispose d’une certain capacité de pleins pouvoirs. De plus, il a dissous l’Assemblée le 9 juin 2024, sans procéder aux consultations imposées par la Constitution.
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En 1954, un autre constitutionnaliste, René Capitant, dresse le constat de l’échec du parlementarisme rationalisé qui n’a pas fonctionné et a été complètement balayé par l’autoritarisme dans toute l’Europe centrale et orientale. Eugénie Mérieau en conclut que « le droit constitutionnel n’est pas une science exacte, surtout pas une science permettant l’ingénierie politique et sociale ». Pourtant, « l’idée folle selon laquelle on peut créer la démocratie par le droit perdure ».
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la constitution a été pensé, historiquement, comme conceptuellement, à partir de la possibilité de sa suspension. En juillet 1791, la loi contre les attroupements, dite loi martiale, l’une des premières adoptées par la Constituante en 1789, est utilisée pour fusiller les manifestants pacifistes et s’assurer que le processus constituant n’irait pas trop loin dans la révolution. Elle rappelle aussi comment la Ve République est née de l’état d’urgence colonial algérien et montre combien la Cour constitutionnelle se montre complaisante vis-à-vis de la mise en œuvre de l’état d’urgence, en France, comme en Israël et en Thaïlande
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Le juge constitutionnel ne remplit pas son office, sauf à considérer que plutôt que d’agir comme antidote à l’état d’urgence, son rôle est dès le départ d’être son alibi.
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Ce qui différencie les régimes autoritaires – les autres – des régimes démocratiques –, ce serait donc cette fameuse séparation des pouvoirs, doctrine attribuée à Montesquieu » – qui n’a jamais utilisé ce terme – : le parlement légifère, le gouvernement exécute et le judiciaire juge. Pourtant, depuis la Première Guerre mondiale c’est bien le gouvernement qui désormais légifère, et l’indépendance de la justice n’est ni générale ni absolue. Eugénie Mérieau détaille les articles de la constitution de la Ve République qui permettent de contourner cette séparation, qu’elle juge « à peu près aussi fictionnelle qu’en Chine

C’est bien entendu dans les États-Unis de Trump qu’elle trouvera la preuve définitive, s’il en était encore besoin, que le droit n’est pas « l’ingénieur du social » ni le droit constitutionnel « l’instrument de la démocratie ». La Cour suprême ne protégera rien.

En conclusion, Eugénie Mérieau soutient qu’il est nécessaire d’abandonner l’illusion qu’on ne peut faire mieux que la démocratie représentative.
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